Jean-Pierre Bensimon Blog de France Israël Marseille
Fiche pédagogique à l’attention de certains honorables parlementaires du Palais Bourbon et de quelques uns de leurs conseillers.
Tous le savent. La résolution discutée le 28 novembre à l’Assemblée nationale et le 11 décembre au Sénat est « symbolique. » Cela veut dire qu’elle n’aura aucun impact sur l’exercice effectif de la souveraineté entre le Jourdain et la Méditerranée, et qu’elle ne contraindra même pas la décision du gouvernement français, libre d’agir à sa guise dans un sens ou dans un autre. Mais toute symbolique qu’elle soit, la démarche s’inscrit dans une vague européenne, et nos parlementaires n’allaient pas laisser à leurs homologues de l’Union le monopole de la morale et de l’amour militant de la paix, ni négliger de récolter les bénéfices d’un peu de cuisine politique moyen-orientale.
C’est ainsi que la résolution invitant le gouvernement à reconnaître l’État de Palestine a d’abord sonné la chasse au gibier électoral, en l’occurrence, au vote immigré arabo-musulman. Que lui offrir de plus appétissant qu’une humiliation d’Israël ? Le problème, c’est que la concurrence sur ce segment de l’électorat est bien rude. Le vote Vert et communiste devenu désormais squelettique, la tentation de plumer la volaille socialiste en passant par le Sénat était grande. Les socialistes ont tenté de reprendre la main, comme l’a expliqué Benoit Hamon, en lançant la contre-offensive Guigou à l’Assemblée. Ils ont à se faire pardonner les ABCD de l’égalité et la promotion de « Mehdi met du rouge à lèvres, » qui ont tant choqué leurs électeurs de l’immigration qui avaient tant aidé à la victoire de François Hollande. Pour empêcher la dispersion de ses ouailles, le Front national a réagi en s’alignant sur les Verts, les socialistes et les communistes. Reconnaissance, reconnaissance! Quant à la « droite » , favorite des suffrages suite au désastre de la gestion socialiste, elle refusera en majorité de mettre ses pas dans ceux de ses principaux adversaires en difficulté. Les dividendes de la « reconnaissance » s’annoncent limités pour tous car les ayant-droit sont nombreux.
Le second motif de l’opération « reconnaissance de l’État de Palestine » est d’accélérer l’arrivée de la paix au Proche-Orient. L’initiative de Mme Guigou et consorts prétend débloquer une situation figée et rétablir l’égalité entre les deux parties, car les Palestiniens sans État seraient en situation d’infériorité. Le raisonnement a de quoi dérouter, car il signale qu’en sus des montants de la dette publique, il y a une autre fosse abyssale dans le vieux pays: le déficit des connaissances sur les réalités du Proche-Orient.
D’abord une vérité insupportable: les Arabes palestiniens ne veulent pas d’un État s’ils doivent dans le même temps reconnaître la souveraineté juive d’Israël. Ils ont un représentant « élu, » M. Mahmoud Abbas. Nous mettons des guillemets car bien que le terme de son mandat électif date de janvier 2009, il continue de « présider » depuis bientôt 6 ans, sans organiser une nouvelle élection. Ce « représentant » tient fermement son orientation : pas d’État palestinien négocié.
Voila la religion de Ramallah que l’Occident fait mine d’ignorer, mais qui est rationnelle. En effet, celui qui accepterait d’entailler la souveraineté islamique sur ce confetti du « dar al-islam » deviendrait immédiatement un traître, un hypocrite, un kouffir, un apostat, justiciable d’un arrêt de mort délivré par un moudjahid, une espèce qui pullule dans ces rudes contrées. Abdallah 1er de Jordanie ou feu Anouar al Sadate en firent l’impitoyable expérience, avec beaucoup d’autres. Il n’y a aucune personnalité palestinienne, saine d’esprit et en activité, qui soit prête à s’engager dans la mortelle équipée d’un traité avec les anciens « dhimmis » méprisés.
Tout en ruse, Abbas préfère un État palestinien fictif octroyé par un vote de l’ONU, qui lui évite de reconnaitre Israël, de signer la paix, de mettre un point final au djihad, et naturellement, de faire des compromis ou des concessions. C’est ainsi qu’en toute cohérence et pendant des décennies, les Palestiniens ont refusé un État: en 1937, en 1947, en sept 2000, en janvier 2001, et en 2008 par les soins du matois Mahmoud Abbas en personne. Par contre, ils sont très friands d’un État basé sur la non-reconnaissance d’Israël, ou, plus en phase avec le djihad, d’un État dédié à la destruction Israël, façon Gaza.
La seconde vérité insupportable, c’est que les Arabes palestiniens « modérés » de Ramallah, ont une aversion irréductible pour la négociation de paix avec Israël, un paramètre que répugnent toujours à intégrer les cranes d’œuf de la Maison Blanche ou du Quai d’Orsay. Pourtant les Palestiniens se sentent en droit de s’irriter que tant de gens continuent de leur faire la suggestion oiseuse d’une négociation avec Israël suivie d’un traité. Les négociations de Camp David, sous la pression tenace de Bill Clinton furent une horreur pour Arafat, tout comme le dernier cycle de conversations, décroché avec force salive par l’inusable John Kerry, a été un cauchemar pour Mahmoud Abbas.
Entrer en négociation est un risque. Votre refus de l’existence du partenaire et de la paix avec lui peut devenir évident aux yeux de tous. Vous pouvez être désigné comme le responsable de l’échec. Or il faut que les négociations échouent, c’est une question de vie ou de mort pour le Fidèle qui veut attendre un peu avant de rejoindre ses 72 vierges. Le madré Arafat avait su inventer une provocation de Sharon sur le Mont du temple et lancer une Intifada. Le chafouin Abbas a su inventer la réconciliation avec le Hamas pour précipiter une décision de rupture de Jérusalem et échapper au piège.
En avant donc, pour la solution unilatérale, pour le faux État octroyé par la communauté internationale, qui évite et la négociation et la paix, les Charybde et Scylla du djihadiste. Sur cette voie, la résolution Guigou au Palais Bourbon, c’est pain bénit.
La troisième vérité est sans doute cachée depuis la fondation du monde, comme dirait René Girard. Elle s’énonce de la façon suivante : tout territoire cédé par Israël à ses voisins hormis l’Égypte, se métamorphosera ipso facto en base de guerre djihadiste. Pour le dire autrement, une fois Israël parti, les anciennes Judée et Samarie se peupleraient de réseaux souterrains offensifs et de pas de tir de missiles de moins en moins artisanaux, de tremplins pour les commandos en deltaplane ou en parapentes, et de diverses autres « surprises. » On peut seulement assurer que la topographie interdit localement les commandos marines. L’Iran à déjà promis les fournitures et les formations nécessaires.
Providence, cette infanterie, cette artillerie et ces « surprises » sous la bannière noire du djihad, seraient ancrées tout près des centres politiques, militaires, économiques et démographique d’Israël, jusqu’à les toucher. D’où la mauvaise humeur persistante de ces têtes de mules d’Israéliens quand on leur parle des lignes de 1967. Pas de tous. Une bonne part des grands intellectuels et universitaires juifs, et des fines mouches des média, en redemandent au contraire, confiants dans la résistance des forteresses idéologiques inexpugnables où ils se sont retranchés. Mais ils ne représentent désormais qu’une infime minorité sans influence politique.
Résolution Guigou ou pas, il ne faut pas compter qu’Israël accepte un règlement qui autorise le djihadiste à placer son pistolet sur la tempe de l’État juif. Le suicide n’est pas l’une de ses valeurs.
Dans sa troisième facette, la résolution parlementaire se pique de morale et vise à rendre « justice » aux Arabes palestiniens, privés des droits nationaux auxquels ils aspirent, et livrés aux « humiliations » de l’ « occupation ». Telle est la bande sonore élaborée par les services de communication des groupes djihadistes palestiniens que l’on se passe en boucle d’un bout à l’autre de l’Occident depuis plusieurs décennies.
Cependant les faits sont têtus. Un sondage de la dernière semaine de novembre vient de révéler que 77% des Arabes israéliens préféraient vivre sous l’autorité israélienne plutôt que palestinienne. (sondage Statnet Research Institute; Voir Jerusalem Post du 25 novembre 2014) Voila qui en dit long sur le « sentiment national » des Palestiniens et sur l’humiliation soi-disant ressentie par les populations arabes au contact d’Israël. Il faut toute la science des équipes qui ont conçu la politique « musulmane » d’Obama, le professionnalisme de la majorité des média français et le discernement des enseignants qui peuplent les instituts de sciences politique pour ne pas comprendre que l’identité arabe, forgée dans le souvenir des immenses conquêtes de l’islam, ne peut se borner à l’horizon des collines entre le Jourdain et la mer. Ou que la férule cruelle des dirigeants arabes n’est pas pour leurs peuples la première humiliation, et le motif d’une fuite éperdue.
Quelle est la morale appuyée sur la geste de la famille de Mahmoud Abbas, qui croule sous l’or de la corruption comme tous les clans dominants du Fatah? Celle de la corruption identique des caciques du Hamas accusés par leurs « frères » d’avoir détourné 700 millions de dollar d’aide étrangère dès la fin du conflit de l’été dernier? Quelle est la morale assise sur la gloire militaire du Hamas qui cache ses chefs et ses milices dans des hôpitaux et des souterrains, et qui contraint le petit peuple à exposer son corps comme bouclier humain? La morale des exécutions publiques, des enfants morts en creusant des souterrains, des mères comblées par le sacrifice de leur enfant dans des opérations de « shahids« ?
Il émane de la « résolution pour la reconnaissance de l’État de Palestine » qui va être soumise aux deux chambres, des saveurs de surréalité.
Voila un extraordinaire tour de force qui permet au parlement français d’enfanter un État palestinien, inaugurant la GAD, la Gestation à Distance par delà la PMA et la GPA.
Voila une fabuleuse opération, celle qui donne vie à un fantôme, l’État de Palestine, quelque chose qui n’existe pas.
On a même argumenté que la reconnaissance peut produire un État en excipant le précédent du vote le l’AG de l’ONU de novembre 1947. En 1947, le vote de l’ONU n’était qu’une proposition, à charge pour ceux à qui elle était faite de la mettre en œuvre.
Les Arabes avaient purement et simplement refusé. Les Juifs, eux, avaient accepté. Mais c’était pour officialiser un État déjà créé, un État édifié au cours d’un processus pluri-décennal. Le Yishouv, le prédécesseur de l’État d’Israël de 1948, avait déjà des institutions politiques représentatives démocratiques dès les années 20 ; les fonctions régaliennes étaient assurée par une assemblée des élus –Asefat he Nivharim-, un exécutif représentatif des partis, le Vaad Lehumi, une force militaire unifiée aux ordres de l’instance politique, un système fiscal, un appareil judiciaire, un grand syndicat, des systèmes d’assistance sociale, etc..
Les Arabes palestiniens d’aujourd’hui ont simultanément deux proto-états en guerre l’un contre l’autre, corrompus, vivant de la mendicité internationale et de mythes antisémites revanchards. Même s’ils exhibent de temps à autre une fiction d’unité, leur gouvernement commun n’est qu’un épisode où le Hamas cherche de quoi payer de ses 15.000 agents permanents, tandis que Mahmoud Abbas veut afficher un simulacre de représentation unifiée du « peuple palestinien » pour étayer sa démarche unilatérale à l’ONU. Mais Abbas ne peut pas mettre un pied sur le sol de Gaza, et il survit grâce à la coopération de sécurité avec Israël.
Le seul effet de la résolution Guigou sera d’apporter un soutien à la démarche de Mahmoud Abbas de non-négociation, de non signature de la paix, de non fin du conflit. Si Mahmoud Abbas ne peut pas poursuivre sur une autre voie sans échapper au couteau du djihad, le parlementaire français peut ne pas voter la résolution surréelle sans perdre autre chose que ses préjugés, ses passions et parfois une part de son incompétence.