Guy Millière – La coutume, dans plusieurs magazines et journaux du monde, est de désigner l’homme ou la femme de l’année, donc l’homme ou la femme qui a le plus nettement marqué l’actualité de son empreinte.

Le magazine américain Time a d’ores et déjà désigné collectivement l’ensemble des médecins qui ont soigné et soignent les victimes du virus Ebola. C’est un choix très respectable : que des médecins et du personnel soignant venus des pays du monde occidental soient allé soigner, au péril de leur vie, des Africains touchés par une maladie souvent mortelle et très contagieuse a été la démonstration d’un altruisme éthique correspondant à ce que la civilisation occidentale a de meilleur et de plus fécond. Que cela ait permis d’éviter qu’une épidémie régionale se transforme en pandémie planétaire est digne d’éloges.

Malheureusement, d’autres gens ont marqué l’actualité d’une manière plus profonde, et bien plus néfaste.

L’année 2014 a vu plusieurs pays musulmans sombrer dans un chaos plus profond encore en raison des actions de groupes djihadistes : c’est le cas du Yemen et de la Libye, entre autres. Elle a vu les crimes commis par le groupe Boko Haram au Nigeria s’accentuer : massacres de masse, enlèvements de centaines de jeunes filles, viols collectifs, mises en esclavage. Elle a vu en Afghanistan les groupes talibans, enhardis par la perspective du retrait américain, gagner du terrain et tuer davantage que les années précédentes : hélas, bien plus de soldats américains sont morts sur le terrain afghan au cours de la présidence Obama qu’au cours de la présidence Bush. 
Elle a vu l’Iran des mollahs bénéficier pleinement de la levée des sanctions décidée en novembre 2013, et se renforcer considérablement, sans que les discours de Khamenei s’infléchissent et se fassent moins bellicistes, au contraire, et elle a vu néanmoins les Occidentaux se montrer de plus en plus désireux de pratiquer une politique d’apaisement (les discours de Khamenei sont rarement cités dans les médias occidentaux) : Obama a même envisagé la reprise des relations diplomatiques entre les Etats Unis et l’Iran.

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Elle a vu la Turquie, sous Erdogan, prendre un tournant de plus en plus marqué en direction de l’islam radical, sans que la présence de la Turquie dans l’OTAN semble une question à poser.

Elle a vu le Hamas lancer une attaque contre Israël par une pluie de missiles qui aurait pu se montrer bien plus délétère sans le Dôme de fer, utiliser sa population comme un ensemble de boucliers humains, tuer des civils et des soldats israéliens, et les dirigeants du monde occidental prendre une position de dhimmis et adopter une attitude de réprobation vis-à-vis d’Israël et pas vis-à-vis du Hamas, qui a été rayé en fin d’année de la liste des organisations terroristes par l’Union Européenne. Elle a vu l’Autorité Palestinienne se rapprocher du Hamas sous le regard approbateur des gouvernements européens.

Elle a vu, surtout, se constituer l’Etat Islamique dans les régions sunnites d’Irak et de Syrie.

Abou Bakr al-Baghdadi s’est proclamé calife d’un nouveau califat. Des jeunes gens lisant le Coran à la lettre (comme il exige d’être lu) ont rejoint le nouveau califat. Celui-ci a un territoire, une administration, des moyens militaires et financiers importants. Il a reçu l’allégeance de groupes islamiques agissant dans une dizaine de pays musulmans. Il est censé être combattu par une coalition qui ne lui inflige pour l’heure que des égratignures.

Il a, par des films vidéo divers, montré sa cruauté (qui est conforme à la cruauté qui a marqué, pendant des siècles l’histoire du monde islamique). Il a égorgé, décapité, violé, massacré, réintroduit l’esclavage à grande échelle au Proche Orient et mis en place des marchés d’esclaves. Il a appelé des Musulmans du monde entier à tuer des infidèles et à devenir martyrs. Il n’a pas fait, pour l’heure, un nombre considérable d’émules, mais il a néanmoins déclenché des actes djihadistes sur quatre continents et dans plusieurs pays : les Etats Unis, le Canada, l’Australie, Israël, la France (où les djihadistes sont classés désormais comme des personnes perturbées mentalement, sans relation avec l’islam).

Pour toutes ces raisons, on peut dire que, collectivement, l’homme de l’année 2014 a été le terroriste djihadiste.

On peut craindre, en notant la faiblesse des réactions du monde occidental, qu’il ne soit aussi l’homme de l’année en 2015.

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