Subversion : L’Intifada d’Europe pilotée par l’Iran ?
Comme c’est écrit : Les djihadistes dans leurs propres termes — Partie I, La subversion de l’Europe
Le Jihad est en pleine escalade en Europe. La frappe djihadiste de la mi-novembre 2015 en plein cœur de Paris, les frappes djihadistes de la fin-mars 2016 au cœur de Bruxelles, tout comme la série de plus petits « incidents », comme l’attaque au couteau de la mi-mai à Munich ou l’attaque au couteau de septembre 2015 à Berlin et d’autres heurts avec les forces de sécurité à travers toute l’Europe, font tous partie du montage de l’offensive djihadiste au cœur de l’Europe.
Le bras médiatique de Daesh – L’Etat Islamique ou Califat – revendique la responsabilité de ces attaques et bien que les élites politiques et médias occidentaux ont avidement adopté ces revendications. Mais ils n’ont aucun mérite.
Abu-Musab al-Suri auprès de son mentor.
Depuis plus d’une décennie, maintenant et en particulier juste après les attentats du début janvier 2015 à Paris, l’avalanche de terrorisme islamiste en Europe est, essentiellement, une insurrection indigène – un Intifada- lancée par les propres Musulmans de l’Europe contre l’ordre social et politique dans lequel ils vivent. Le Jihad en Europe continuera de se répandre et de progresser en escalade parce que les dirigeants, les commandants et les combattants sont tous convaincus qu’ils sont au bord d’un triomphe historique : l’islamisation de l’Europe.
Le message était écrit sur le mur, comme je l’ai écrit dans : « Qu’on y soit Prêt ou pas, Le Jihad à Paris a commencé et Va s’élargir ».
Lien : Special Report: Ready or not, the Paris jihad has begun, and will widen, Jan. 9, 2015
L’escalade de la violence islamiste-djihadiste – l’actuelle vague qui s’est propagée et suit l’escalade depuis l’Intifada française de 2005 – est uniquement d’origine occidentale, en termes théologique et a peu de choses à voir avec les Jihad concurrents sur les terres musulmanes… La radicalisation, la transformation et l’organisation des communautés islamistes en France est de composition indigène (locale). La clé du succès des Islamistes la construction intentionnelle et volontaire de la défiance et de l’hostilité, en vue d’imposer l’islam et la façon de vivre islamique.
Par conséquent, bien que citoyens français, les Musulmans des plus jeunes générations se sentent étrangers, désabusés et ont convaincus qu’ils n’ont aucun avenir dans la France occidentale moderne. Au contraire, l’islam radical donne un sens d’identité et d’appartenance à leur vie… Les zones interdites islamistes offrent des terrains fertiles à la fois, pour le recrutement et la subsistance d’une myriade de réseaux djihadistes. Les djihadistes de l’Europe Occidentale sont organisés au sein de leur propre toile de réseaux qui ne sont, à proprement parler, ni Al Qaïda, ni le Califat ou Daesh. Ces réseaux sont construits autour de l’inspiration donnée par des imams charismatiques dans les quartiers musulmans et sont dirigés de façon très professionnelle par des vétérans de ces jihad étrangers ».
Jusqu’au jour où les élites politique de l’Occident accepteront de reconnaître et de faire face au phénomène d’Intifada indigène, le Jihad au cœur de l’Europe continuera de se propager, de monter en escalade et de remporter des victoires.
On peut retrouver les premières traces de l’émergence et la consolidation du milieu propre islamiste-djihadiste en Europe occidentale, et, de plus en plus aux Etats-Unis et au Canada, en remontant jusqu’au début des années 1990, quand Hassan al-Turabi, chef d’Etat du Soudan (la source de l’idéologie et de la théologie sunnite-islamiste, proche des vétérans d’Afghanistan) et les renseignements iraniens (la source de l’expertise professionnelle, d’un équipement unique et des financements) ont conjointement lancé la construction d’un courant de subversion islamiste sur le long terme et de présence au cœur de l’Europe occidentale.
Des experts spécialement entraînés, des organisateurs et des imams ont alors été expédiés afin de subvertir de l’intérieur les communautés musulmanes d’Europe, alors que les ambassades iraniennes devenaient les pourvoyeuses d’équipement spécialisé, d’armes, de financements et de communications sécurisées.
Cette entreprise a reçu un énorme coup de pouce, grâce à l’intervention occidentale dirigée par les Etats-Unis, dans les Balkans, dans le camp des Musulmans Bosniaques et, plus tard, du Kosovo. En conséquence, aussi bien les jeunes musulmans d’Europe que les cadres djihadistes hautement expérimentés du Moyen-Orient et d’Asie du Sud ont convergé vers l’ancienne Yougoslavie. Avec l’approbation bienveillante des gouvernements occidentaux, la jeune musulmane européenne a été endoctrinée, recrutée et entraînée par les cadres djihadistes. Ces jeunes européens ont alors posé les fondations du milieu islamiste-djihadiste d’aujourd’hui, quand ils sont revenus chez eux après leurs passages dans le Jihad des Balkans.
La posture islamiste-djihadiste contemporaine en Europe Occidentale s’est définie en 2004-2005, lorsque le mouvement islamiste-djihadiste a entrepris l’évolution la plus profonde de son assaut dans le monde musulman, autant que contre l’Occident. La transformation de 2004-2005 s’est focalisée sur le lancement d’un sursaut islamo-djihadiste sans compromis contre tous les ennemis de l’Islamité – aussi bien intérieurs qu’extérieurs – sous la forme d’une offensive globale et irréversible. C’est une guerre totale dans laquelle, tant qu’il s’agit d’Islam, il ne peut y avoir aucune coexistence ni même le moindre compromis avec les ennemis honnis.
S’exprimant sur ce sursaut djihadiste en août 2005, Zawahiri insistait sur le fait que le centre du Jihad s’était déplacé vers le cœur de l’Occident. Il envisageait une campagne de représailles pour toutes les transgressions de l’Occident contre l’Islam. Les délibérations qui s’en sont suivies quant à l’instauration de la nouvelle doctrine islamo-djihadiste s’est alors avérée cruciale pour la montée en puissance de l’Islamisme européen.
De façon significative, à travers toute cette phase de transformation, le cercle dirigeant djihadiste est demeuré en contact étroit avec le milieu islamo-djihadiste en Europe. Des Volontaires arrivant d’Europe Occidentale vers les terres du Jihad : l’Afghanistan-Pakistan, l’Irak et la Tchétchénie – étaient soigneusement et exhaustivement consultés au sujet de leur analyse de la situation et les perspectives pour le courant islamiste en Occident. En outre, plusieurs dirigeants opérationnels et sommités théologiques – principalement des Nord-Africains et des Indo-Pakistanais – ont été expédiés vers l’Europe occidentale (et ensuite vers les Etats-Unis et le Canada), dans le but d’étudier personnellement et d’évaluer la situation. De la même manière, ils ont pris contact avec les dirigeants musulmans locaux, les prédicateurs et les piliers des communautés, dans le but de recueillir leur avis et de bénéficier de leur influence.
Plusieurs dirigeants islamistes d’Europe Occidentale ont formellement reçu l’onction pour devenir « les yeux et les oreilles », à la fois d’Al Qaïda et de Ben Laden dans leur propre secteur. Les chefs les plus élevés d’Al Qaïda ont aussi maintenu une correspondance étendue avec les notables islamo-djihadistes en Occident, dans le but de s’assurer que les mesures entreprises et recommandées par la Shurah Karibah d’Al Qaïda étaient bien conformes aux perceptions des communautés musulmanes en évolution en Occident et que des segments discernables de ces communautés mettraient ces mesures en action. Par conséquent, la vision émergeante des rôles et des objectifs du milieu djihado-islamiste en Europe (et ensuite aux Etats-Unis et au Canada) s’avérait très pragmatique, réalisable et durable.
En cette période cruciale, deux dirigeants théologiques et commandants appartenant à la Shurah Karibah d’Al Qaïda influençait la doctrine jihadiste, concernant les communautés musulmanes en Occident.
De façon significative, leurs enseignements sont, à présent, mis en œuvre par l’Etat Islamique/ Califat, et même bien plus que par Al Qaïda d’après-Osama Ben Laden. Il s’agit de ceux du Sheikh Abu Bakr Naji (dont le véritable nom était Muhammad Khalil al-Hakaymah) et d’Abu-Musab al-Suri (dont le nom réel est Mustafa Setmariam Nasr).
On en sait très peu sur Naji, excepté qu’il s’agit d’un Egyptien né autour de 1960-1, qu’il a participé aux conspirations jihadistes contre Anouar Al Sadate et qu’il a apparemment été tué par une frappe de drone américain dans le Nord du Waziristan, au Pakistan, le 31 octobre 2008.
Au contraire, Abu- Musab al-Suri (né en 1958) dispose d’une biographie très illustrée qui comprend le commandement opérationnel en Syrie, en Irak et en Europe Occidental. Il a passé la majeure partie des années 2002-2005 comme réfugié au sein des renseignements iraniens, principalement à Marivan, dans le nord-ouest de l’Iran, où il a écrit son travail séminal.
Abu-Musab al-Suri a été arrêté en Espagne, en mars 2006, alors qu’il assumait le commandement des réseaux régionaux et envoyé par la CIA à Damas dans le cadre d’une restitution spéciale. Il a été libéré à la fin 2011 à la demande des renseignements iraniens et a assumé, pour le compte des Forces Al Qods d’Iran (dirigées par Qassem Soleimani), une position spéciale dans la subversion de l’intérieur, au sein de la mouvance djihadiste au Moyen-Orient, position qu’il détient toujours.
Vendredi 13 mars 2016 | Posté par WorldTribune.com
Par Yossef Bodansky, Rédacteur-en-chef, Global Information System / Defense & Foreign Affairs
Adaptation : Marc Brzustowski
Rappel :
L’intifada française annonce-t-elle
une guerre civile en Europe ?
20 novembre 2005
Les violences urbaines qu’a connues la France ont révélé une situation de conflit de basse intensité. La mise au défi des pouvoirs publics signifie que l’heure est à la confrontation, et qu’une guerre civile d’un nouveau genre est inévitable.
Voitures incendiées par centaines, affrontements avec la police, saccage des transports publics ou destructions d’écoles : les images issues des banlieues françaises ces dernières semaines sont celles d’une rébellion longtemps redoutée, d’un embrasement qui trahit des ruptures et des antagonismes profonds. L’instauration de l’état d’urgence pour 3 mois, par l’activation d’une loi datant des « événements » d’Algérie puis par l’adoption d’un décret spécifique, souligne la gravité de la crise.
Pourtant, la France n’est pas le seul pays européen à connaître de telles violences, et le Danemark, la Suède, la Belgique ou encore la Grande-Bretagne subissent régulièrement des événements similaires dans leur déroulement, à défaut de l’être dans leur intensité. Et les implications de ce phénomène, qui se produit chaque jour à un seuil trop bas pour capter l’intérêt volatile des médias, doivent aujourd’hui être cernées.
A l’aube de la guerre
Sur le terrain, la situation a l’avantage d’être claire : des bandes souvent très jeunes, armées de projectiles divers, de cocktails Molotov et parfois d’armes à feu, se sont livrées à des razzias opportunistes qui ont occasionné des destructions considérables. Du 27 octobre au 18 novembre, 9071 véhicules ont été brûlés et au moins 2921 personnes interpellées, dont plus d’un tiers de mineurs ; au total, 655 individus ont été écroués, dont 115 mineurs, et 411 condamnations a de la prison ferme ont été infligées. Plus de 10’000 policiers et gendarmes ont été déployés pour leur faire face, et des réservistes de la gendarmerie – malgré une capacité opérationnelle limitée – ont même été mobilisés.
Les membres des forces de sécurité n’ont d’ailleurs pas eu la partie facile, et 126 d’entre eux ont été blessés, parfois dans de véritables embuscades. A Grigny, un contingent arrivé sur les lieux d’un incendie annoncé par un coup de téléphone anonyme a ainsi été attaqué à coups de fusils de chasse, d’armes incendiaires et de pierres par plus d’une centaine d’agresseurs qui ont démontré une volonté de blesser ou tuer. Utilisant le téléphone portable, les weblogs et le courrier électronique pour la préparation et la coordination de leurs actions, ces groupes sont souvent parvenus à se jouer des compagnies de CRS dépêchées pour reprendre le contrôle des quartiers dits difficiles.
Les forces de sécurité au sens large, issues de la police, de la gendarmerie et même des corps de sapeurs-pompiers, sont d’ailleurs régulièrement prises à partie comme des forces d’occupation, comme des organisations illégitimes dont la présence à elle seule est une provocation. Les « territoires perdus de la République », qui trouvent leurs pendants dans presque chaque nation européenne, sont des zones où les lois et les valeurs de la France ont été remplacées par d’autres lois et d’autres valeurs ; des territoires étrangers où l’autorité se partage entre les « grands frères », les caïds et les imams, alors que le policier, le pompier ou encore l’instituteur ne sont plus que les figures méprisées d’un système rejeté en bloc.
L’embrasement actuel des banlieues françaises n’est ainsi pas une surprise. Depuis les années 70, une succession d’erreurs, d’illusions et de lâchetés a abouti à la fabrication d’un véritable ennemi intérieur. Le laxisme en matière d’immigration, conjugué à une ségrégation physique et économique, a jeté des populations déracinées dans des ghettos bétonnés. Le déclin du civisme a permis à une économie souterraine illégale de parasiter ces ghettos et de consacrer ses comportements. Le mythe du métissage culturel a laissé une contre-culture hip-hop diffuser sans restriction des hymnes à la haine anti-française et des appels à l’insurrection armée. Enfin, le relativisme moral a donné aux organisations islamistes l’opportunité de promouvoir puis d’imposer leurs valeurs.
De fait, la France compte aujourd’hui des dizaines de milliers de jeunes gens d’origine extra-européenne, en rupture totale avec la société qui a accueilli leurs parents, et dont la mentalité est celle d’enfants-soldats. La grande question est donc celle-ci : est-il possible de ramener ces individus dans une existence respectueuse des lois en vigueur ? Pour une partie d’entre eux, sans aucun doute ; pour tous, certainement pas. La voie de l’illégalité ou de la rébellion est celle qu’ils choisiront – indépendamment de tout ce que l’Etat peut faire pour eux. Et ils seront d’autant plus nombreux à le faire que cette existence apparaîtra gratifiante, étanchera leur soif de repères, satisfera leur besoin de reconnaissance.
Sommes-nous donc à la veille d’une guerre civile en Europe ? Le terme peut paraître exagéré. Pourtant, l’évolution des violences urbaines montre qu’une situation de conflit existe déjà, et que le refus de la reconnaître ne contribue en aucun cas à éviter son extension. Avec plus de 9000 véhicules de police caillassés dans les dix premiers mois de l’année, la France est par exemple déjà entrée dans un conflit de basse intensité, une insurrection distribuée au niveau national et largement tue. Mais la pression populaire contraint les gouvernements à prendre des mesures sans cesse plus énergiques, et donc à affronter l’ennemi intérieur qu’ils préféreraient ignorer. Les chantres de la prévention ont eu leur chance: pour de nombreux pays, l’heure est désormais à la confrontation.
Ce continent connaîtra bientôt un conflit dont il sortira transformé, et dont les premiers coups ont sonné. Ce sera une guerre différente, à la fois subversive et symbolique, déclarée et décentralisée, intermittente et intense, qui verra le chaos et l’intégrisme s’allier pour combattre la normalité. Une intifada communautaire et générationnelle, une succession d’affrontements ponctuels et épidermiques, greffés sur le lent corps-à-corps des identités. Une alternance de séismes assez intenses pour blesser profondément et assez espacés pour faire douter de leurs prochaines occurrences. Un duel que devront mener les Etats de droit pour préserver le contrôle du territoire, la stabilité de la société, la légalité des marchés et la liberté des esprits.
Autant dire un défi mortel.
Lt col EMG Ludovic Monnerat