Si le chef du gouvernement Matteo Renzi a exclu toute intervention militaire pour le moment, sa ministre de la défense a affirmé que le pays était prêt à mobiliser 5000 soldats pour intervenir en Libye.
En Italie, l’inquiétude grandit face au chaos libyen. Dimanche, le pays, qui se trouve à quelque 350 kilomètres des côtes libyennes, s’est senti directement visé dans la vidéo diffusée ce week-end par l’Etat islamique, qui montrait la décapitation de 21 Coptes d’Egypte. «Aujourd’hui, nous sommes au sud de Rome», avertit l’un des terroristes sur la séquence qui dure cinq minutes. Dans les journaux italiens, on parle d’une double menace: d’un côté, la poussée des djihadistes en Libye, de l’autre, l’afflux record des immigrés clandestins venus de Libye pour rejoindre l’Italie.
Dans ce contexte de tensions, le gouvernement italien a tiré la sonnette d’alarme ce week-end et tenté d’interpeller la communauté internationale, quant à la situation en Libye, pays dirigé par deux gouvernements rivaux, sur fond de menaces du groupe Etat islamique (EI). Plusieurs responsables italiens ont laissé entendre qu’ils redoutaient l’établissement d’un «califat» aux portes de l’Italie. Dans ces circonstances, la ministre de la Défense, Roberta Pinotti, a affirmé que le pays était prêt à diriger une coalition internationale armée qui serait composée de soldats européens et d’Afrique du nord. L’Italie promet dans ce cas un contingent de 5000 hommes, soit l’équivalent des forces italiennes envoyées en Afghanistan. L’objectif: bloquer l’avancée des milices proches de l’organisation Etat islamique en Libye. La péninsule italienne sera-t-elle entendue? Ce lundi, la France et l’Egypte ont demandé une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU pour que de «nouvelles mesures» contre l’Etat islamique soient prises.
Renzi plus prudent
De son côté, le chef du gouvernement Matteo Renzi a joué la carte de la prudence, excluant pour le moment toute intervention militaire. «Sur la Libye, il faut de la sagesse, de la prudence et un certain sens de la situation», a déclaré M. Renzi dans une interview à la chaîne de télévision TG5. «Il n’y a pas une invasion de l’EI en Libye, mais certaines milices combattant en Libye ont commencé à faire référence à l’Etat islamique», a-t-il expliqué. «La communauté internationale à tous les instruments à sa disposition si elle souhaite intervenir. La proposition est d’attendre le Conseil de sécurité», a-t-il insisté.
«L’Italie est en première ligne et prend conscience qu’elle ne peut pas être seule face à la menace et cherche ainsi à réveiller ses voisins pour orchestrer une réponse internationale», analyse Dominique Moïsi, conseiller spécial à l’Ifri. Une opération militaire au sol, comme le souhaite Rome, est-elle réaliste? «Elle n’est pas à exclure mais je pense qu’il est encore trop tôt pour envisager un tel scénario», répond le géopolitologue au Figaro. Pour lui, il serait «moins dangereux» d’encourager des pays comme l’Egypte pour qu’ils envoient des troupes sur le terrain, appuyés par des forces aériennes européennes. «En terme d’image, ce serait préférable», préconise-t-il. «Il y aurait moins cette idée d’intervention directe des pays occidentaux sur le sol libyen».
Fermeture de l’ambassade italienne à Tripoli
En attendant, l’ancienne puissance coloniale a annoncé dimanche, à la suite de la vidéo de l’EI, la fermeture provisoire de son ambassade à Tripoli, la dernière d’un pays occidental encore ouverte en Libye. Cette décision a été prise «en raison de l’aggravation des conditions de sécurité», selon le ministère italien des Affaires étrangères, qui ajoute que son personnel a «été rapatrié à titre provisoire». «Une aide logistique» a aussi été offerte aux ressortissants italiens pour qu’ils «quittent temporairement le pays», selon Rome. C’est un navire maltais qui a embarqué une soixantaine d’Italiens – expatriés et personnel de l’ambassade – ainsi que différents camions. Ils sont arrivés dans la nuit en Sicile, rapporte le quotidien italien La Repubblica. Cette brusque évacuation a été décidée en raison de l’anarchie, de la poussée des djihadistes proches du groupe Etat islamique (EI), et de divers incidents et menaces intervenus contre les Italiens dans les villes libyennes.
Dernière crainte soulevée par le gouvernement italien: l’immigration grandissante vers le pays. Ce week-end, plus de 2000 clandestins à bord d’une douzaine de canots de fortune ont été secourus, alors que la moyenne journalière s’élève habituellement à 400. Les migrants en question sont des hommes, femmes, enfants, mineurs non accompagnés, venus souvent en Libye depuis l’Erythrée, l’Afrique centrale et de l’ouest, dans l’espoir de trouver paix et sécurité en Europe. Beaucoup se plaignent d’avoir été terrorisés par des miliciens en armes.
Mais ce qui inquiète encore plus l’Italie, c’est l’apparition de nouvelles menaces en mer: quatre hommes armés de kalachnikov, à bord d’une vedette rapide, ont obligé sous la menace les sauveteurs italiens à leur abandonner le bateau vidé de ses occupants.