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Livre: « Un siècle de trahisons : La diplomatie française, les Juifs et Israël », l’analyse implacable qui démontre que le Quai d’Orsay a des orientations stratégiques nettement antisémites et anti-israéliennes Fév 22, 20211

By 23 février 2021Le mot du jour


Livre: « Un siècle de trahisons : La diplomatie française, les Juifs et Israël », l’analyse implacable qui démontre que le Quai d’Orsay a des orientations stratégiques nettement antisémites et anti-israéliennes

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Un siècle de trahisons de David Pryce-Jones

Un siècle de trahisons de David Pryce-Jones

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La diplomatie française, les Juifs et Israël 1894-2007, traduit de l’anglais par Henri Froment, Les Belles Lettres, coll. « Le Goût de l’histoire », 2020, 256 pages, 15 €.

Antisémitisme et amateurisme : tels seraient les deux fils rouges qui ont caractérisé la diplomatie française depuis au moins l’affaire Dreyfus jusqu’à la fin de la présidence de Jacques Chirac. L’analyse implacable et argumentée de l’écrivain anglais conservateur David Pryce-Jones vise à démontrer que le Quai d’Orsay, rongé par l’angoisse de ne plus remplir un premier rôle dans la politique mondiale, notamment au Proche-Orient, a affiché, presque en dilettante, des orientations stratégiques de tonalité nettement antisémite et anti-israélienne (après 1948), qui non seulement sont aux antipodes des valeurs proclamées par la République française, mais ont aussi conduit la France au mieux au confinement diplomatique en Méditerranée orientale, au pire à un rôle de nuisance dans le conflit palestinien ou lors de la première guerre du Golfe entre 1980 et 1988.

Deux axes singularisent ce « siècle de trahisons » de la Grande Nation : l’affichage d’une idéologie antisémite et la conviction d’un destin commun avec le monde islamique qui se traduit par une solidarité sans faille avec des responsables islamo-arabes dont le rejet de la France et l’antisémitisme sont pourtant les traits saillants. Premier axe : ce qui caractérise les diplomates français est cette indifférence envers la condition des Juifs au Proche-Orient ou ailleurs : ils sont absents à Londres en 1940 ; ils exfiltrent le mufti de Jérusalem Haj Amin al-Husseini, ordonnateur de la révolte de 1936, qui rejette la partition de la Palestine entre sionistes et Arabes, impliqué dans le coup d’État antibritannique et pronazi en Irak en 1941, sauvé par des Français crédules d’un procès pour crime de guerre ; ils dénoncent les opérations militaires israéliennes contre le Hezbollah mais demeurent évasifs lors des attentats qui visent clairement des civils en Israël.

D’ailleurs, le Quai d’Orsay cristallise une ambivalence hexagonale à propos des Juifs. Sont-ils un peuple ? Dès lors, ils devraient être tous israéliens. Ne sont-ils que les fidèles de la religion juive ? Ils ne devraient alors être que des israélites dans leur pays respectif. À moins qu’ils ne composent un peuple, c’est-à-dire quelque entité distincte. Ainsi pourrait se décoder la sentence proclamée par de Gaulle en novembre 1967, à propos de ce « peuple fier, sûr de lui et dominateur ». « Mais qu’ils soient peuple juif ou nation israélienne, il n’y a pas de raison pour qu’ils persévèrent dans leur rôle d’éternels protégés », résume David-Pryce-Jones. Les Juifs devraient rentrer dans le rang et cesser de se faire remarquer.

Second axe : le Quai d’Orsay forge l’idéologie d’une cause arabo-française (et islamo-catholique) qui ferait pièce au Levant à l’alliance anglo-sioniste (et judéo-protestante). D’où l’hostilité au sionisme, qui constituerait l’obstacle majeur à l’épanouissement de ladite cause, d’autant plus que les gouvernements américain et britannique seraient sous l’influence du « monde juif ». Ses diplomates se laissent donc convaincre par le mystique Louis Massignon (on aurait pu aussi citer Jacques Berque) qui les conforte dans l’idée que la France et le monde islamique ont un destin commun, qui autoriserait la Grande Nation à régenter l’avenir des Juifs mieux que ceux-ci ne sauraient y prétendre. N’est-elle pas le seul pays occidental à disposer d’une influence sur les Arabes ? Lubie que même l’assassinat de ses ressortissants au Liban ou de ses citoyens en France ne viendra pas affaiblir.

Avec une fougue jamais éteinte, les diplomates du Quai d’Orsay ont cherché à s’attirer les bonnes grâces et l’illusoire soutien de potentats arabes et iraniens notoirement antisémites et adversaires de la démocratie libérale. Au premier chef, se trouvent au XXe siècle des dirigeants clandestins ou en fonction qui ont manipulé grossièrement l’obsession de grandeur de la France et son ambition de tenir un rôle dans les rivalités stratégiques au Proche-Orient. Ils cherchent à recueillir son appui officiel ou caché pour mener des opérations terroristes (Arafat, Assad) contre Israël, la seule démocratie de la région, ou œuvrer contre les intérêts de Paris voire assassiner ses ressortissants (Khomeiny, Kadhafi). La France ne soutient pas les accords de Camp David entre l’Égypte et Israël en 1977. Elle apporte inlassablement son soutien à l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui a commis des attentats terroristes en Israël. Jacques Chirac plébiscite l’Irak de Saddam Hussein, qui a massacré les Kurdes et les Arabes chiites.

Au mépris des Juifs et des Israéliens, que l’on découvre, au fil de l’ouvrage, étonnamment patients, le Quai d’Orsay a surtout réussi à marginaliser la diplomatie française dans les affaires moyen-orientales. « Du fait de ses fantasmes diplomatiques, assène David Pryce-Jones, la France a perdu dans la région ce qui pouvait lui rester de rayonnement. Mais elle est la seule à ne pas l’avoir compris. » Au cours du XXe siècle, ses diplomates ne peuvent en effet même pas se targuer d’avoir été immoraux mais efficaces et compétents, puisque la France est plus affaiblie que jamais sur la scène internationale. Ce n’est donc pas sans raison que David Pryce-Jones appelle à une refondation de la politique étrangère française qui puisse associer les valeurs républicaines acclamées et les objectifs raisonnables et réalistes d’une puissance moyenne au XXIe siècle.

Son livre est dense, riche, parfois brutal, souvent amer, écrit non pas par l’un de ses trop nombreux « faux amis » de la France qui s’empressent de la flagorner en soulignant son apport au monde sous la forme de l’anti-américanisme et l’antisionisme. Il est l’œuvre d’un observateur fin et informé, presque navré de dresser un bilan très contrasté d’une diplomatie française marquée à la fois par l’antisémitisme et un réflexe anti-israélien, inaudible dans le monde faute d’aggiornamento stratégique et de véritable formation de nos diplomates, encore imprégnés d’un aristocratisme d’un autre âge.

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