France-Inter va consacrer une émission ce mercredi 4 mars 2015 à ce qu’elle appelle : L’Union Européenne attaquée en Cisjordanie
Un reportage de Nicolas Ropert, correspondant en Cisjordanie
Cela commence par l’interview de Ari Briggs, le directeur du département international de Regavim :
« Nous nous trouvons au Nord-Est de Jérusalem. Et voici un nouveau village où sont installées un grand nombre de ces structures palestiniennes. Ici devant nous, il y en a au moins une vingtaine. Et sur toutes ces structures on peut voir un drapeau européen. »
Ari Briggs que l’on vient d’entendre est le directeur du département international de Regavim. Cette organisation israélienne radicale s’attaque à l’Union Européenne. Selon lui, l’UE finance des bâtiments construits illégalement. Ces préfabriqués font partie de l’aide humanitaire apportée notamment aux bédouins palestiniens confirme l’Union Européenne qui plaide qu’il n’y a rien d’illégal là-dedans.
Installé sur le versant d’une colline aride, à côté d’une route, une communauté de bédouins palestiniens avec leur bétail. Depuis plusieurs mois, Ari Briggs et son organisation traquent les drapeaux européens qui trônent sur leurs maisons. Le directeur du département international de Regavim affirme que ces constructions sont illégales. Il dénonce le rôle politique de l’Union Européenne en faveur des palestiniens, et une colonisation arabe de terres domaniales, sous autorité israélienne.
Ari Briggs, le directeur du département international de Regavim :
Dans aucun pays dans le monde, l’aide humanitaire est faite dans le dos du pays qui est responsable d’un territoire. Donc toutes constructions faites ici sans l’accord des autorités israéliennes est illégales. Mais ces structures sont solides et si l’on comprend bien, elles sont là pour rester. Donc ces communautés nomades qui voyageaient d’endroits en endroits, avec l’aide de l’Union Européenne, vont se sédentariser sur une zone qui n’est pas faite pour être construite.
manifestation dispersée par l’armée israélienne © N. Ropert – 2015
Quelques kilomètres plus au sud, autour du village de bédouin de Abu Nwar, une manifestation est dispersée à coup de grenades assourdissantes et de lacrymogènes. Une cinquantaine de palestiniens s’oppose soit-disant pacifiquement au déplacement de nomades palestiniens voulu par Israël. L’Etat hébreux prévoit de détruire le campement y compris les structures financées par l’Union Européenne. Younis Al Hamadeen, le représentant de la communauté.
Younis Al Hamadeen :
L’Union Européenne nous soutient dans notre combat. Ils nous ont fourni ces maisons qui nous protègent en particulier l’hiver. Nous les remercions et nous espérons qu’ils vont pouvoir continuer à nous aider. Les israéliens nous ont informés que notre campement sera détruit. Ils ont même prévu d’embarquer les bâtiments qui nous ont été fournis par les ONG financées par l’Union Européenne. Israel vole l’argent des européens en faisant ça. Alors que les européens voulaient juste nous aider à vivre dans de bonnes conditions dit-il.
De fait les Européens outrepassent les lois internationales, et participent activement à une colonisation arabe de terres juives en Judée-Samarie. C’est là une action politique majeure, et non une aide humanitaire.
Parmi les organisations non-gouvernementales financées par l’Union Européenne pour venir en aide aux populations palestiniennes, l’ONG britannique Oxfam. Alun Mcdonald, son porte-parole sur place, confirme que son organisation a installé plusieurs de ces structures. Pour lui, il s’agit d’une nécessité.
Alun Mcdonald, porte-parole de l’ONG britannique Oxfam :
Il est évident que ce genre de structures ne sont pas illégales. Au contraire même, c’est une obligation en droit international de permettre aux populations l’accès à leurs besoins vitaux. Ces communautés en Cisjordanie ce sont des familles qui n’ont pour tout dire quasiment rien. Ils vivent sans accès à l’eau potable, bien souvent sans accès à l’électricité. Ces zones sont entièrement contrôlées par les autorités israéliennes qui leur interdisent de construire le genre de choses dont ils auraient besoin pour survivre.
Contactée, la mission d’assistance de l’Union Européenne répond par écrit respecter les règles du droit humanitaire. Son porte-parole confirme que l’UE consulte les autorités israéliennes si nécessaire.
bédouins devant une maison en pré-fabriquée financée par l’UE à Abu Nwar © N. Ropert – 2015
Constructions en Cisjordanie: l’UE ne peut berner tout le monde tout le temps
La lettre que l’organisation “Rabbis for Human Rights” (RHR) a récemment envoyé au Premier Ministre Binyamin Netanyahou pour protester contre sa decision de démanteler des implantations arabes illégales a généralement été présentée dans les médias comme une pétition bona fide de militants des droits de l’homme contre “la destruction de maisons palestiniennes”. Derrière cette façade de légalité et d’innocence, cependant, se cache la réalité plus sombre d’une tentative européenne sournoise et illégale de porter atteinte à la souveraineté d’Israël.
Un rapport récemment publié par l’ONG israélienne “Regavim” montre que l’Union européenne (UE), tout en exhortant Israël à ne pas « établir des faits sur le terrain” par la construction dans les zones contestées, encourage et même finance l’Autorité palestinienne (AP) pour construire dans des zones contestées afin, justement, d’établir des faits sur le terrain. En septembre 2012, par exemple, l’UE a annoncé l’attribution de 100 millions d’euros pour la construction de logements arabes en «zone C» (la partie de la Judée-Samarie maintenue sous juridiction israélienne par les Accords d’Oslo). Un rapport de la Commission européenne d’octobre 2012 insiste sur «l’importance de l’aide (y compris l’aide humanitaire), en particulier dans les régions dans lesquelles la jurisdiction de [l’Autorité palestinienne] ne s’applique pas. »
Un rapport de la Commission européenne de septembre de 2014 stipule ouvertement que « l’Union européenne et l’Autorité palestinienne font activement la promotion de la planification et de la construction dans la Zone C, ce qui, en cas de succès, ouvrira la voie pour le développement et l’expansion du contrôle de l’Autorité palestinienne sur la zone C ». Dernièrement, les efforts de l’UE se sont concentrés dans la zone dite « E1″ (elle-même située dans la zone C), un territoire presque vide entre Jérusalem et la ville de Ma’ale Adumim.
Les gouvernements israéliens successifs prévoient, depuis plusieurs années, de construire dans E1 pour créer une continuité territoriale entre Jérusalem et Ma’ale Adumim. Mais la construction est toujours en suspens à cause des pressions américaines. Non contente de ces pressions, l’UE finance la construction de maisons préfabriquées pour la population arabe, justement pour « établir des faits sur le terrain. » Selon Regavim, l’UE a financé la construction illégale de centaines de maisons préfabriquées dans E1 ainsi que dans d’autres parties de la Zone C. Les photos prises par Regavim montrent clairement le drapeau et le logo européens mis en évidence sur lesdites habitations. Selon le droit international et les accords d’Oslo, la construction dans la zone C (qu’elle fût temporaire ou permanente) exige l’autorisation d’Israël -une règle que l’UE défie et viole ouvertement.
Au total, l’UE a financé la création de 17 villages arabes illégaux (“les colonies de l’UE”) en Judée et en Samarie. Le 1er février 2015, l’eurodéputé britannique James Carver a écrit au Comité des Affaires étrangères du Parlement européen que «les structures portent toutes le nom et le drapeau de l’UE et les agents officiels de l’UE ont été photographiés en train de participer à la supervision de la construction, de sorte que la participation active de l’UE n’est guère contestable. » Le 5 février 2015, le Daily Mail a écrit que la construction de l’UE dans la zone C « soulève des soupçons selon lesquels l’UE utilise des ressources précieuses afin de prendre parti dans un différend territorial étranger.”
Le Premier Ministre israélien n’a donc pas ordonné « la démolition de maisons palestiniennes. » Il a ordonné le démantèlement de structures préfabriquées non approuvées récemment construites par l’UE en contravention du droit international.
Quant aux “400 rabbins” s’adressant au Premier Ministre, ne nous laissons pas berner non plus. L’organisation RHR est financée en partie par l’UE (selon «NGO Monitor, » RHR a reçu € 248 914 de l’UE en 2012). L’UE la finance RHR pour promouvoir sa politique. Leur lettre au Premier Ministre n’était donc pas un innocent cri du cœur.
L’UE a le droit, bien sûr, de prendre parti (comme elle le fait copieusement) dans le conflit entre Israël et les Palestiniens. Mais pourquoi le faire sournoisement? L’UE n’a pas de problème à défier le droit international lorsque cela sert son ordre du jour politique, mais c’est au nom de ce même droit qu’elle sermonne Israël. L’UE finance des ONG qui soi-disant défendent les droits de l’homme alors qu’en réalité ces ONG sont des relais locaux de relations publiques.
Comme le disait Abraham Lincoln: «vous pouvez berner tout le monde une partie du temps et une partie du monde tout le temps, mais vous ne pouvez pas berner tout le monde tout le temps. » Si Lincoln avait entendu parler de la Commission européenne, son optimisme eût été tempéré.
Emmanuel Navon dirige le département de Science politique et de Communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l’Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est membre du Forum Kohelet de politique publique.