Le HuffPost | Par Geoffroy Clavel
Initialement destinée à entériner la décision de Marine Le Pen d’évincer son père des élections régionales, cette commission d’investiture improvisée marquera surtout l’entrée en campagne de la benjamine du clan Le Pen en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Même si elle a été une nouvelle fois adoubée par un Jean-Marie Le Pen sur le déclin, la députée du Vaucluse ne doit pas qu’à la préférence familiale ce triomphe annoncé face à la vieille garde du FN. A seulement 25 ans, Marion Maréchal ne se résume plus au nom légué par son grand-père ni au prénom qu’elle partage avec sa tante (Marion est le véritable prénom de Marine Le Pen).
Car, si elle débouche sur une victoire, cette candidature en PACA l’imposera comme une protagoniste incontournable au Front national après un premier succès d’estime en 2014 au congrès de Lyon. Un tremplin politique pour cette silhouette hitchcockienne qui donne déjà des sueurs froides à la vieille droite du Sud-Est.
« Elle va ringardiser Estrosi et Ciotti »
Le remplacement in extremis du « Menhir » par la jeune pousse du Vaucluse a en effet jeté un froid à l’UMP où l’on misait sur l’odeur de soufre du patriarche Le Pen pour reprendre sans difficulté la région à la gauche. « La seule chose qui peut m’obliger à y aller, c’est que la petite Le Pen y aille », confiait à Valeurs Actuelles Christian Estrosi peu avant que Nicolas Sarkozy ne le bombarde tête de liste en PACA.
Réélu facilement à la tête de la deuxième ville de la région où il a réussi à contenir la poussée du FN à coup d’anathèmes sur les gens du voyage ou les drapeaux étrangers, Christian Estrosi a été jugé le plus capable par Nicolas Sarkozy de résister à l’ascension de l’héritière Le Pen. Même son rival, le député UMP Eric Ciotti, s’est rallié bon gré mal gré à ce scénario.
Je renouvelle mon appel à @cestrosi pour être le candidat de l’UMP en région PACA. Il est le meilleur candidat pour battre le Front National
— Eric Ciotti ن (@ECiotti) 14 Avril 2015
Au Front national, ce tir de barrage a plutôt réjoui les partisans d’une candidature « Marion bleu marine ». Elle « a tous les marqueurs pour battre l’UMP: c’est une vraie femme de droite, elle est jeune et jolie, elle va ringardiser les Estrosi et les Ciotti », pronostique Sébastien Chenu, ancien cadre de l’UMP dont l’arrivée au FN n’avait pourtant guère réjoui la militante de la Manif pour tous.
L’atout de Marion Maréchal, c’est aussi cela: porter le visage respectable d’une droite (extrêmement) dure dans une région où la porosité entre l’électorat FN et UMP est à son paroxysme. « C’est la seule chance de victoire du FN. […] La difficulté, c’est qu’on ne peut pas aborder Marion Maréchal-Le Pen comme un candidat FN ordinaire. Elle n’a jamais eu d’attaque outrancière. Elle représente un risque parce qu’elle incarne un parti qui peut capter la colère des gens », prévient Christian Estrosi toujours dansValeurs Actuelles… où la jeune femme est accueillie à bras ouverts.
Une candidature survendue?
L’argument a déjà servi aux départementales où le basculement du Vaucluse, base arrière de la députée, aurait dû incarner le triomphe du Front national sur le scrutin majoritaire. Il n’en a rien été. La faute à un mauvais report des voix UMP sur l’extrême droite et à la rivalité avec les frères ennemis Bompard de Bollène et Orange.
La partie est toute autre aux régionales où le scrutin proportionnel favorise le parti lepéniste. Reste qu’à force de survendre les chances de Marion Maréchal, le Front national prend aussi le risque de mobiliser la droite et la gauche contre elle. « Marion est une fille disciplinée qui n’a pas d’ambition nationale. Elle chemine et se forme, elle est dans l’obéissance à Marine et le fait qu’elle soit candidate dénoue une crise »,relativise d’ailleurs le député RMB Gilbert Collard sur le site Planet.fr.
Fausse modestie ou véritable aveu de faiblesse? « Je suis consciente de l’horizon indépassable de mes 25 ans », a-t-elle reconnu d’emblée dans La Provence. Même en interne, certains au Front national reconnaissent que la jeunesse de la benjamine du clan n’est pas qu’un atout. « C’est une bête médiatique mais pas encore politique. Elle a été élue sur une triangulaire et elle est encore très scolaire », se risque un cadre du parti tout en saluant sa « prise de risque ». « Si elle échoue en PACA, elle ne pourra pas se cacher derrière le mode de scrutin ».
Vers un ticket local mais sans Gollnisch
Marion Maréchal est peut-être jeune, mais elle a identifié un risque majeur pour sa future campagne. Celui d’apparaître comme le pantin d’un Jean-Marie Le Pen étiqueté trop extrême ou d’une Marine Le Pen jugée trop à gauche dans une région où le retour à la retraite à 60 ans ne soulève pas l’enthousiasme des foules.
« J’ose espérer ne pas être la marionnette de l’un ou de l’autre », martèle la députée du Vaucluse qui, et c’est rare, s’est clairement désolidarisée des propos de son grand-père en les désignant pour ce qu’ils sont. « Je ne me sens pas une femme d’extrême droite. Le totalitarisme, le racisme, ce n’est pas moi. »
A défaut d’être une « candidate sous tutelle », Marion Maréchal se dit prête à former un ticket pour mener la bataille. Là encore, pas question de recycler son rival Bruno Gollnisch, jugé trop proche des positions du Menhir. Stéphane Ravier, le sénateur-maire de Marseille, pourrait apporter les voix des Bouches-du-Rhône mais cumule déjà deux mandats. La secrétaire départementale du Vaucluse pourrait en revanche s’allier avec le maire RBM de Cogolin (Var), Marc Etienne Lansade. Un proche qui fut aussi l’un des tous premiers à lui demander publiquement de prendre la suite de Jean-Marie Le Pen.
L’heure est venue pour JMLP de comprendre qu’il faut quitter la scène. Dans le Sud notre avenir est bleu marine et même Marion Bleu Marine!
— Marc Etienne Lansade (@lansade) 8 Avril 2015
Et la suite? « Il n’y a aujourd’hui aucune ambiguité entre Marine et Marion », dégaine un mariniste pour démentir toute rivalité entre la tante et la nièce. Mais une victoire en Provence-Alpes-Côte d’Azur changerait assurément la donne. Christian Estrosi le prédit: « Si on la laisse gagner, c’est une rampe de lancement nationale incroyable pour elle. Elle va devenir une star ».