Georges Deek est un Arabe israélien, chrétien, orthodoxe
Traduit de l’anglais par Sr Isabelle Gelain
21/11/14
Quand je me promène dans les rues de ma ville natale, Jaffa, je me souviens de l’année 1948.
Les allées de la Vieille Ville, les maisons du quartier d’Ajami, les filets de pêche au port – tout semble raconter différentes histoires sur l’année qui a changé ma cité d’autrefois.
Une de ces histoires concerne l’une des plus anciennes familles de cette cité – la famille Deek – la mienne.
Avant 1948, mon grand-père George, dont on m’a donné le nom, travaillait comme électricien, à la Compagnie d’électricité Rotenberg. Il ne s’intéressait pas beaucoup à la politique. Et comme Jaffa était une ville mixte, il avait naturellement des amis juifs.
En fait, ses amis, à la compagnie d’électricité, lui parlaient même en Yiddish, faisant de lui le premier Arabe qui ait jamais parlé cette langue.
En 1947, il se fiança à Vera – ma grand-mère, et ensemble, ils firent des plans pour bâtir une famille dans la ville même ou la famille Deek vivait depuis environ 400 ans – Jaffa. Mais quelques mois après, ces plans furent modifies, littéralement, du jour au lendemain.
Quand l’ONU approuva l’établissement d’Israël, et que l’Etat d’Israël fut créé quelques mois plus tard, les dirigeants arabes avertirent les Arabes que les Juifs étaient en train de se préparer à les tuer s’ils restaient chez eux, et se servirent du massacre de Deir Yassim comme exemple. Ils disaient à chacun « Quittez vos maisons et courez au loin ». Ils disaient qu’il ne leur faudrait que quelques jours, grâce auxquels ils promettaient qu’avec 5 armées, ils détruiraient l’Israël nouveau-né.
Ma famille, horrifiée par ce qui pouvait arriver, décida de s’enfuir, avec beaucoup d’autres. Un prêtre s’était précipité dans la maison de la famille Deek, et se hâta d’y marier George et Vera, mes grands-parents. Ma grand-mère n’eut même pas la moindre chance de mettre des vêtements appropriés. Après ce mariage express, toute la famille fila au nord vers le Liban.
Mais quand la guerre fut terminée, les Arabes n’avaient pas réussi à détruire Israël. Ma famille était de l’autre côté de la frontière. Et il sembla que le destin des frères et sœurs de la famille Deek était de se disperser autour du globe. Aujourd’hui, j’ai de la famille en Jordanie, en Syrie, au Liban, à Doubai, en Angleterre, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, et ailleurs encore.
L’histoire de ma famille n’est qu’une histoire – et probablement pas la pire – parmi toutes les histoires tragiques de l’année 1948.
Et pour être tout à fait franc, vous n’avez pas besoin d’être anti-israélien pour reconnaitre la désastreuse humiliation des Palestiniens en 1948, qu’on nomme la Nakba.
Le fait que je « skype » avec des parents au Canada qui ne parlent pas l’arabe, ou avec un cousin dans un pays arabe qui n’a pas encore la citoyenneté du pays, bien qu’il appartienne à la 3ème génération – est untémoignage vivant des conséquences de la guerre.
D’après l’ONU, 711.000 Palestiniens ont été déplacés, nous avons déjà entendu cela – les uns ont fui, les autres ont été expulsés de force. Au même moment, à cause de la création d’Israël 800.000 Juifs furent obligés de quitter le monde arabe, le laissant majoritairement vide de Juifs.
Comme nous l’avons déjà entendu, des atrocités ne furent pas rares des 2 côtés.
Mais il semble que ce conflit ne fut pas le seul au cours du 19ème et du 20ème siècle, qui aboutit à des expulsions et à des transferts.
De 1821 à 1922, 5 millions de Musulmans furent expulsés d’Europe, en majorité vers la Turquie. Dans les années 1990, la Yougoslavie explosa, faisant environ 100.000 morts et environ 3 millions de personnesdéplacées De 1919 à 1949, pendant l’opération Visa entre la Pologne et l’Ukraine, 100.000 personnes sont mortes et 1,5 million ont été déplacées. Après la 2ème guerre mondiale et la convention de Postdam, entre 12 et 17 millions d’Allemands ont été déplacés. A la création de l’Inde et du Pakistan, environ 15 millions de personnes ont été transférées.
Cette tendance existe aussi au Moyen Orient, par exemple le déplacement de 1,1 million de Kurdes par les Ottomans, 2,2 millions de Chrétiens expulsés d’Irak. Et puisque nous parlons aujourd’hui, des Yazidis,Bahai, Kurdes, Chrétiens et même Musulmans sont assassinés, et a raison de 1000 par mois, expulsés, suivant la progression de l’Islam radical. Les chances de l’un ou l’autre de ces groupes de revenir chez eux, est à peu près inexistante.
Alors, pourquoi est-ce ainsi ? Pourquoi les tragédies des Serbes, des Musulmans d’Europe, des refugies Polonais ou des Chrétiens d’Irak ne sont-elles pas commémorées ? Comment le déplacement des Juifs du monde arabe est-il tout à fait oublié, tandis que la tragédie des Palestiniens, la Nakba, est-elle toujours vivante dans la politique actuelle ? Il me semble qu’il en est ainsi, parce que la Nakba a été transformée d’un désastre humanitaire en une offensive politique.
La commémoration de la Nakba n’est plus le souvenir de ce qui est arrivé mais le ressentiment envers seulement l’existence de l’Etat d’Israël. C’est démontré très clairement dans le choix de la date de commémoration. La date de la Nakba n’est pas le 9 avril, jour du massacre de Deir Yassin, ni le 13, de l’expulsion de Lod. Le jour de la Nakba a été fixe au 15 mai, le lendemain du jour où Israël a proclamé son Indépendance. Par cela, le leadership palestinien a déclaré que le désastre de la Nakba n’était pas l’expulsion, les villages abandonnés, ou l’exil – la Nakba à leurs yeux est la création d’Israël. Ils sont affectés moins par la catastrophe humanitaire qui a atteint les Palestiniens, que par la recréation de l’Etat juif. Autrement dit, ils ne souffrent pas du fait que mes cousins sont Jordaniens, ils souffrent de ce que je suis Israélien !
En agissant ainsi, les Palestiniens sont devenus esclaves de leur passé, retenus captifs dans les chaines du ressentiment, prisonniers d’un monde de frustration et de haine.
…
Je n’ai pas encore raconté la fin de l’histoire de ma famille en 1948. Après un long voyage vers le Liban, la plupart du temps à pied, mes grands-parents, George et Vera atteignirent le Liban. Ils y restent plusieurs mois. Ma grand-mère donne alors naissance à son premier fils, mon oncle Sami.
Quand la guerre prit fin, ils se rendirent compte qu’ils avaient été trompés. Les Arabes n’avaient pas gagné, comme promis. Et en même temps, les Juifs ne tuaient pas tous les Arabes, comme on leur avait dit que cela arriverait.
Mon grand-père regarda autour de lui et ne vit rien qu’une impasse dans sa vie de refugié. Il regarda sa jeune femme Vera, à peine 18 ans, et son fils nouveau-né, et il sut que, coincé dans un coin de son passé sans capacité de regarder en avant, Il n’y avait pas d’avenir pour sa famille.
Tandis que ses frères et sœurs voyaient leur avenir au Liban et dans d’autres pays arabes et occidentaux, il prit une décision différente. Il désirait rentrer à Jaffa, sa ville natale. Comme il avait travaillé avec des Juifs auparavant et qu’il s’entendait bien avec eux il n’avait pas subi le lavage de cerveau de la haine. Mon grand-père George fit ce que peu d’autres avaient osé – il se joignit à ceux que sa communauté voyait comme leurs ennemis. Il fut soutenu par un de ses anciens amis de la compagnie d’électricité et demanda son aide pour rentrer.
Et cet ami dont j’ai entendu parler par les récits de mon père et dont je n’ai jamais su le nom, non seulement fut capable et décidé à aider mon grand-père à rentrer, mais par un extraordinaire geste de générosité, il l’aida même à retrouver son ancienne place de travail dans ce qui était devenu la compagnie Israélienne d’électricité. Ce qui fit de lui l’un des quelques Arabes travaillant là.
Aujourd’hui, parmi mes frères, sœurs et cousins, nous avons des comptables, des professeurs, des agents d’assurance, des ingénieurs Hi-Tech, des diplomates, des directeurs d’usine, des professeurs d’Université, des docteurs, des avocats, des ingénieurs-conseils, des responsables de compagnies israéliennes haut niveau, des architectes et même des électriciens.
La raison pour laquelle ma famille a réussi dans la vie, la raison pour laquelle je me trouve devant vous comme diplomate d’Israël, et non comme un refugié palestinien du Liban – c’est parce que mon grand-père a eu le courage de prendre une décision impensable pour les autres. Plutôt que de se laisser aller au désespoir, il sut trouver l’espérance là où personne n’osait la chercher. Il choisit de vivre parmi ceux qui étaient considérés comme des ennemis, et d’en faire ses amis.
Pour cela, moi-même et ma famille lui vouons ainsi qu’à ma grand-mère, une éternelle reconnaissance.
L’histoire de la famille Deek pourrait être une source d’inspiration pour le peuple palestinien.
Nous ne pouvons pas modifier le passé. Mais nous pouvons nous construire un avenir pour les prochaines générations, si nous voulons réparer le passé un jour. Nous pouvons aider les refugiés à avoir une vie normale. Nous pouvons être honnêtes sur notre passé et apprendre de nos fautes. Nous pouvons nous unir – Musulmans, Juifs, Chrétiens – pour protéger notre droit à la différence et, en cela, protéger notre humanité.
En fait, nous ne pouvons pas changer le passé, mais si nous faisons tout cela, nous allons changer l’avenir.
Je vous remercie.
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Si seulement les Palestiniens pouvaient tomber sur ce témoignage, mais en même temps, il faut pas rêver. Meme s il restait à Israël 1m2 de terre, ils lui feront la guerre, leur but c’est de l anéantir pour ne pas donner raison au D.ieu de la bible.