Un ami arabe me disait, lorsque les Etats Unis sont intervenus en Irak, que Bush avait ouvert la boîte de Pandore. Il se trompait. C’est Obama le pacifiste qui l’a ouverte, et Benjamin Netanyahou, décrit comme le guerrier par les observateurs qui regardent la lune et non le doigt, a mis le monde en garde.
Les idéologues, John Kerry et Barack Obama en tête, pouvaient ne pas comprendre ce qu’un enfant de 5 ans voit clairement : la faiblesse d’Obama telle qu’elle a été perçue dans le monde arabe permettra à l’Iran d’accéder à l’armement atomique à l’expiration de l’accord qui se profile. Les puissances de la région auraient été suicidaires – ce qu’elles ne sont pas – si elles étaient restées les bras croisés.
L’Arabie saoudite, voyant la direction que prennent les discussions avec l’Iran, vient donc de sceller un accord avec la Corée du sud pour la construction de deux usines, afin de ne prendre aucun retard dans la course à l’armement.
L’agence de presse officielle saoudienne a déclaré que les termes de l’accord incluent le plan d’étude et de faisabilité pour la construction de deux réacteurs nucléaires, pour un montant de 2 milliards de dollars, pour les 20 prochaines années.
Les idéologues, toujours eux, commentent cet accord comme une punition, une revanche de l’Arabie saoudite sur les Etats Unis. Ils se trompent encore.
Ils n’ont pas voulu entendre (à défaut de pire) l’Iran promettre de détruire Israël, et n’ont pas voulu entendre l’ancien chef des renseignements saoudiens, le prince Turki Al Faisal, qui déclarait il y a plusieurs mois que son pays s’équipera pour égaliser avec l’Iran, quel que soit les capacités nucléaires qu’il atteindra.
Rien n’est donc surprenant et tout étonnement m’étonne et me surprend.
Constatant que les occidentaux ne demandent pas à l’Iran de détruire ses centrifugeuses, juste que l’AIEA en assure la supervision, l’Arabie saoudite s’équipe.
Par ailleurs, les mêmes idéologues ne semblent pas non plus avoir été très attentifs au fait que l’Arabie saoudite est militairement alliée à son voisin Pakistanais, qui possède l’arme nucléaire, et que, ne voulant pas d’affrontement diplomatique avec les Etats Unis, elle renforce ses alliances régionales pour une éventuelle confrontation avec l’Iran.
Cela se fait dans le cadre du Conseil de la coopération du Golfe (CCG). La famille royale a de solides alliés à Abu Dhabi et Manama, et deux maillons faibles qui fricotent avec l’Iran : Oman et Qatar. Aucun des deux ne renoncera à ses lucratifs liens avec l’Iran, mais Riyad espère les convaincre de ne pas aider la subversion iranienne.
Le Yemen est l’un des terrains d’affrontements du CCG. La victoire des Houthis shiites qui ont saisi la quasi totalité du nord Yemen, dont Sanaa, ont contraint l’Arabie saoudite, qui est sur la défensive, à déplacer son ambassade à Aden, d’où elle tente de soutenir le régime d’Abed Rabbo Mansour Hadi au sud Yemen. Ca n’a pas empêché l’Iran de fêter sa victoire par l’inauguration d’une ligne aérienne directe Sanaa-Téhéran – une première.
L’Egypte est le partenaire arabe clef de Riyad. Mais il est sous perfusion financière, et al-Sisi est trop occupé par le terrorisme du Hamas sur son sol, la menace de l’Etat islamique, et les débordements de la désintégration de la Libye pour aider l’Arabie saoudite contre la machine Iran en ce moment. Il est même plus une charge (financière) qu’un atout, même si l’Arabie saoudite a bien compris l’intérêt de ne surtout pas le laisser tomber.
Le gouvernement de Baghdad était considéré comme un partenaire arabe stable. Hélas, l’Iran y est le grand gagnant de la guerre avec l’Etat islamique. La seule solution du roi Salman consiste à tenter de contenir les assauts shiites.
La Syrie est entre les mains de l’Iran, même si Riyadh n’a pas perdu espoir de détrôner Bashar al-Assad. Pour cela, elle finance l’armée libanaise – ainsi que la France, dans l’espoir de briser le Hezbollah.
Le roi Salman vient de rencontrer le roi Abdullah de Jordanie et le Président turc Recep Tayyip Erdogan afin de tenter de coordonner leurs approches vis à vis de la Syrie.
Reste le Pakistan, le seul pays musulman du monde qui dispose du nucléaire.
Le chef des armées pakistanaises, le général Rahul Sharif, qui contrôle l’arsenal nucléaire, a publiquement fait savoir que la prolifération du nucléaire pakistanais est la plus rapide au monde. Et qui participe au paiement de cette course à l’armement ? L’Arabie saoudite, depuis les années 70, une démarche calculée à laquelle l’Iran réagit…
Le Moyen-Orient nucléarisé aurait pu ne pas exister. Une menace pour l’humanité apparait, chaque américain qui a voté pour Barack Obama, chaque journaliste qui a permis de le faire élire et réélire, est confronté à un sérieux examen de conscience – qui ne viendra pas.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pour Dreuz.info.
Source : ArabianBusiness.com