5 septembre 2015
La mort du petit Aylan et l’horreur vécue par la famille Kurdî ont soulevé une émotion planétaire laissant peu de place dans la presse européenne à une relation objective de l’événement. Audimat oblige. C’est compréhensible bien que ne respectant pas la déontologie journaliste imposant le contrôle des sources. La presse anglo-saxonne et canadienne donne de ce drame humain une toute autre version qui n’enlève rien à l’empathie que les lecteurs outre-Manche et outre-Atlantique ressentent, confrontés comme nous aux images retwittées à l’envi par Peter Bouckaert, directeur de Human rights Watch.
Patronymes erronés
Les medias ont (trop) rapidement identifié le petit garçon sous le nom d’Alyan Kurdi. En réalité, la victime s’appelle Alan Shenu. Kurdî n’est que la traduction en dialecte kurde de l’origine ethnique du père : Abdallah « Le Kurde ». Détail sans doute mais une erreur dans le nom d’une victime conduit à la dépersonnaliser.
Le parcours de la famille SHENU
Abdallah Shenu était jusqu’en 2011ou 2012 (selon les sources) barbier à Damas. Il décide au début de la guerre civile syrienne de quitter avec femme et enfant (Alan n’est pas encore né) la capitale qui n’est pas encore menacée par les mouvements rebelles et les hordes de l’Etat islamique, pour s’établir à Alep près de la frontière turque. Décision téméraire et irréfléchie : à ce moment, l’Armée syrienne libre et autres groupes islamistes assiègent la ville, forçant la famille à rejoindre Kobane.
Pris au piège par cette décision incompréhensible pour un père ayant femme et enfant, il décide d’entrer clandestinement en Turquie en 2012 et s’établit à Istanbul vivant de petits boulots et de l’aide financière de sa sœur, émigrée depuis 20 ans au Canada, qui paie le loyer.
Les combats pour Kobane, assiégée par l’Etat islamique n’empêchent pas Abdballah de faire des aller-retours Istanbul-Kobane dont le dernier se situe en début d’année 2015.Abdallah perdra d’ailleurs ses dents lors des combats. Entretemps, Alan naît en Turquie. A trois reprises, la famille Shenu tentera de franchir les quelques kilomètres qui le séparent de Kos pour rejoindre l’Europe. La dernière tentative sera fatale d’autant que le père a déclaré ne pas savoir nager.
Le Canada a refusé le regroupement familial au Canada
FAUX : La tante canadienne du petit Alan avait déclaré dans un premier temps avoir vu sa demande de regroupement familial au profit de la famille de son frère Abdallah refusée par l’immigration canadienne. En pleine campagne électorale, les politiques canadiens entamèrent un mea culpa de circonstance avant de se rendre compte que la demande de regroupement familial concernait un autre frère d’Abdallah. Mensonge que la tante reconnaîtra. Pas rancunier, le Canada offrira un visa humanitaire à Abdallah après le drame, ce qu’il refusera préférant se réinstaller à Kobane soudainement redevenu « sûr ».Il apparaît rapidement que l’intention du père, selon ses déclarations n’était pas d’émigrer au Canada mais bien vers l’Allemagne ou la Suède.
La Turquie a refusé le statut de réfugié à la famille
FAUX : Abdullah Shenu a fait(Haut-commissariat aux Réfugiés des Nations-unies) les démarches en 2011/2012. La Turquie n’a pas signé le protocole additionnel aux Conventions de Genève et garde une restriction territoriale à l’accueil et à l’enregistrement des réfugiés et demandeurs d’asile. La Turquie ne reconnaît que les réfugiés et demandeurs d’asile provenant des Etats du Conseil de l’Europe à l’exclusion des autres états de provenance (Syrie, Iran, Irak, …). Sous pression du Conseil de l’Europe et de la Cour européenne des Droits de l’Homme (plusieurs condamnations pour refus d’accueil), la Turquie a légèrement modifié sa législation en 2014 (deux ans après que Shenu se soit réfugié comme clandestin en Turquie). A cette époque, les réfugiés non-européens étaient assignés dans des camps ou arrêtés. Il est peu probable qu’Abdallah Shenu se soit signalé aux autorités turques dans ce contexte, au risque d’être emprisonné et expulsé.
L’UNHCR (Haut Commissariat aux Réfugiés Nations Unies) n’a pas enregistré la famille comme réfugié ou candidat à l’asile
VRAI : L’UNHCR n’enregistre pas les demandeurs d’asile en Turquie. Les 300 fonctionnaires de l’organisation ne suffisent pas à la gestion administrative des millions de réfugiés présents sur le territoire turc. Quand bien même, le parcours erratique et irréfléchi de la famille ne plaidait pas pour la reconnaissance du statut de réfugié au sens UNHCR du terme.
La famille Shenu craignait pour sa sécurité et sa vie
FAUX : Abdallah avait avant 2012 un travail à Damas qui à l’époque n’était pas aux prises avec les avant-gardes de l’Etat islamique et des milices rebelles. La décision incompréhensible de rejoindre une zone de combat (sauf à considérer qu’il a rejoint sciemment avec femme et enfant les peshmergas kurdes d’Alep et Kobane, ce qui n’est pas démontré) relevait donc du suicide. Avec pour seule échappatoire, l’entrée clandestine en Turquie avant la naissance d’Alan. On connaît l’épilogue malheureux.
Le plan sordide du père Shenu
La soeur d’Abdalla Shenu a déclaré dans une interview que son frère avait besoin d’implants dentaires en remplacement de celles perdues lors des combats de Kobane. Dont coût 14.000€, frais qu’elle ne pouvait supporter en sus de l’aide financière qu’elle prodiguait déjà à la famille. La résolution de ce problème dentaire, toujours selon elle, valait bien les risques pris pour tenter la dangereuse traversée vers l’Eldorado européen.D’où le plan sordide imaginé par Shenu : rejoindre l’Allemagne ou la Suède, paradis des migrants économiques, se faire reconnaître le statut de demandeur d’asile et bénéficier ainsi des soins médicaux gratuits. Ce qu’un regroupement familial au Canada ne permettait pas, les garants du migrant devant subvenir à ses besoins.
L’Europe égoïste est responsable du drame FAUX : Le père de famille a pris en 2011/2012 une décision irréfléchie dont il doit assumer la responsabilité. Son sordide plan « dentaire » a coûté la vie à sa femme et à ses enfants. On notera, qu’à l’inverse de la presse et des politiques européens prêts à l’auto-flagellation, Abdullah Shensu n’a émis aucun reproche à l’UE. Lors de l’enterrement de sa famille à Kobane, il a déclaré en vouloir aux Etats arabes qui ne font rien pour soulager la détresse des victimes syriennes. (Avec dans le collimateur les pétromonarchies arabes qui n’accueillent à ce jour aucun réfugié syrien ou irakien).
Les interviews données par Abdullah Shensu et sa sœur canadienne enlèvent dès lors toute crédibilité à l’histoire dramatique d’une famille réfugiée, fuyant les enfers syrien et turc, menacée par l’Etat islamique et dont la seule chance de survie était de tenter une périlleuse traversée vers une Europe égoïste. Cette manipulation de l’information ne sert pas la cause des demandeurs d’asile qui ont réellement souffert dans leur chair les affres des conflits et qui ont droit à notre assistance.
L’emballement médiatique orchestré par la bien-pensance de gauche rappelle, toutes proportions gardées celui qui a eu lieu lors de la découverte du soi-disant « charnier » de Timisoara en 1989 après la chute du dictateur roumain Ceaușescu : la presse avait alors relayé sans contrôle la découverte d’un pseudo-charnier de 70.000 victimes du régime communiste. L’Histoire révélera une manipulation organisée. Josy Dubié, journaliste de la RTBF à l’époque et sénateur Ecolo reconnaîtra, embarrassé, s’être fait piéger par la course à l’audimat. En guise de conclusion, laissons la parole au philosophe Guy Haarcher : « Le problème moral posé par ces migrations dramatiques, que symbolise à lui seul le corps du petit enfant sur la plage de Bodrum, nous submerge. Tous ceux qui conservent au fond d’eux-mêmes un minimum d’humanité sont bouleversés par de telles images. Mais la politique compassionnelle ne mène qu’à la dictature de l’émotion. » Surtout lorsque cette politique compassionnelle se construit sur la désinformation.
P.H.
Sources :
– http://unhcr.einnews.com/article/284673271/3Bl_p8U7dFXmiR9_
– http://edition.cnn.com/2015/09/03/europe/migration-crisis-aylan-kurdi-turkey-canada/
– http://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/syria-migrants-canada-drowned-migrants-1.3213772
– http://news.nationalpost.com/news/canada/drowned-boys-family-sought-refuge-in-canada
Bonjour à tous,
jésussauve, vous pouvez retrouver l’article du Peuple ici
http://lepeuple.be/noyes-de-bodrum-sordides-dessous-du-drame/52747
Bonne lecture.
Cordial shalom
Bonjour cher frère. Il se trouve que nous ne pouvons pas lire tout le texte que vous avez installé. Il « déborde » sur les titres placés sur la droite de la page.
Merci. Que le Seigneur revienne bientôt chercher les Siens.
Bien fraternellement. F et M