Pour Gilles-William Goldnadel, l’accusation de génocide à l’encontre d’Israël, portée notamment par l’Afrique du Sud, montre que le Sud global est moins sensible que le Nord aux massacres du 7 octobre commis par le Hamas et davantage au malheur des civils à Gaza.
Gilles-William Goldnadel a publié ce 17 janvier Journal de guerre. C’est l’Occident qu’on assassine (Fayard).
«Àpropos du conflit israélo-palestinien, les populations du Sud n’ont pas en tête la Shoah mais la colonisation». On entend ces derniers temps ce refrain entêtant. Il a notamment été entonné sur les ondes publiques de France Inter le 15 janvier par Dominique de Villepin, puis étayé dans un article paru dans Le Monde le 17 janvier : «Avec la plainte pour génocide de l’Afrique du Sud contre Israël, le Sud conteste une mémoire dominée par la Shoah et lui oppose celle de la colonisation». Le Sud global serait ainsi moins sensible que le Nord aux massacres du 7 octobre commis par le Hamas et davantage au malheur des civils à Gaza, pour la bonne et simple raison qu’Israël ne pourrait plus s’abriter aussi pleinement derrière les horreurs de la Shoah. Cette mémoire serait celle de l’Occident nordiste. Au Sud, la mémoire douloureuse serait celle de la colonisation et non du grand génocide hitlérien.
Cette chanson peu universaliste qui devient lancinante, même donc en Occident, en dit long sur le conscient et l’inconscient nouveaux et principalement gauchisants. À un niveau superficiel, elle permet de justifier faussement la démarche sud-africaine contre Israël à La Haye. L’esprit simple et peu délié qui signe cet article pensait que l’État Sud-Africain agissait en sa qualité de mandataire du régime des mollahs iraniens avec lesquels l’unissent des rapports politiques et économiques aussi anciens qu’étroits. Il ignorait, qu’en fait, c’était au nom de tous les États jadis victimes de la colonisation que Pretoria agissait implicitement mais nécessairement.
Sur le fond de cette action plus psychodramatique que juridique, je renvoie mes lecteurs à ma précédente chronique dans laquelle je crois avoir montré qu’elle puise précisément sadiquement sa trouble jouissance dans l’injustice flagrante de sa démarche pour génocide contre le peuple génocidé à présent nazifié. À un niveau plus profond, le nouveau refrain «sudiste» induit nécessairement qu’Israël est un État colonial, non seulement dans les territoires contestés, mais du Jourdain jusqu’à la mer. Le Juif étant en fait un colon étranger sur cette terre palestinienne, forcément arabe et musulmane, improprement nommée Israël.
En creusant encore plus profondément, la nouvelle chanson à la mode signifie que la colonisation équivaut à la Shoah dans son horreur absolue. Elle ne comporte aucun aspect positif (médecine, techniques, découvertes énergétiques etc.) comme un texte récent de loi votée par l’Assemblée nationale française avait cru devoir le reconnaître. Non. Tous les colons d’Algérie étaient des SS et les SS des colons.
Creusons encore plus profondément dans le nouvel inconscient gauchisant et en réalité wokisant. Et c’est encore plus intéressant. Jusqu’à présent, dans l’impensé gauchisant dominant, le génocide hitlérien incarnait l’angle obligatoire de tout regard moral, de toute comparaison universelle entre passé et présent. Le fameux CRS/SS ayant illustré cette banalisation d’un désastre majeur allant jusqu’au dévoiement. Et je ne suis certainement pas le dernier à avoir dénoncé cette maladie mentale collective d’avoir assaisonné les événements les plus mineurs à la sauce Shoah ou à la collaboration. Les partis situés à droite de l’échiquier politique français en ont fait la triste expérience.
Mais voilà qu’un phénomène majeur vient à désacraliser la Shoah pour le meilleur mais sans doute bien davantage pour le pire : la colonisation incarnerait désormais le Mal absolu pour la majorité de la population mondiale. Au-delà de la perversion historique à laquelle nous assistons, et dont un éclaireur tel que Pierre-André Taguieff dans son Imposture décoloniale (L’Observatoire, 2020) nous avait prévenus, je souhaite creuser encore plus en profondeur ce que ce changement assez démoniaque de diable signifie. Il signifie en creux que si, via le colon, le démon reste blanc, la victime ne l’est plus. Car le Juif, blanc, ne peut plus l’être .
Je l’avais annoncé depuis quelques années : le Juif n’est plus regardé comme un errant, un déporté crucifié à figure christique, mais, martyr déchu ayant déçu via son État nation occidental. Il ne fait donc plus partie des peuples racisés, en dépit de ses états de sévices, mais bien à l’inverse des blancs privilégiés. Ce privilège étant de surcroît héréditaire de droit.
Voilà pourquoi nos féministes gauchisantes, intransigeantes pour un regard trop appuyé ou une conduite inappropriée, n’ont pas dit un mot sur les femmes blanches des kibboutz, assassinées, violées et éventrées par des non-blancs forcément victimes qui ne pouvaient donc être tout à fait haïssables et méchants. Voilà encore pourquoi nos présidentes d’université américaines de progrès répugnaient à répudier moralement un appel au génocide des Juifs blancs privilégiés.
Mais cette analyse démonologique dans les bas-fonds de l’inconscient islamo-wokiste ne saurait évidemment se limiter à la nouvelle et tragique question juive. Elle concerne avant tout la nouvelle question blanche. Et ce racisme anti-blanc que je n’ai jamais craint de nommer pour ma part, au risque d’être évidemment diabolisé pour crime de pensée postcolonialiste.
Voilà pourquoi Thomas ne saurait être Nahel. Et que ceux qui disent leur colère après la mort de Thomas seraient des petits blancs ultra-racistes, tandis que ceux qui cassent après la mort de Nahel seraient seulement des jeunes en colère. Le Sud global habite désormais également en France, raison pourquoi elle perd le nord.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié dans Figaro Vox.
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