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Pourquoi Israël n’a t-il plus de vision stratégique pour vaincre ? (JForum.fr)

By 26 août 2014Etz Be Tzion

Bien qu’inférieur sur le plan militaire, le Hamas frappe Israël surdes points stratégiques, par le harcèlement et la fuite de sa population du Sud, laissant un grave accroc dans la capacité de dissuasion de l’Etat hébreu.

Quand les troupes israéliennes sont entrées à Gaza en juillet 2014, elles étaient dotées de superbes renseignements tactiques, autant que d’un armement et d’un entraînement supérieurs à ceux de leur adversaire. Les soldats sur le terrain ont bénéficié, à tous les niveaux, de détails étonnants sur l’ennemi, permettant de sauver bien des vies humaines.

Mais grâce à un changement radical du centre d’intérêt des renseignements, initié il y a dix ans et observé depuis lors, ceux appelés à diriger la guerre de Tsahal ont manqué et manquent encore d’un tableau global, leur permettant de comprendre plus profondément l’état d’esprit de l’ennemi et les motivations guidant son action, le type de données qui puissent transcender ces connaissances tactiques pour leur donner une direction plus générale.

Cette révision de l’orientation des renseignements opérationnels, en Israël, a débuté en 2003, sous l’égide de Meïr Dagan, avec l’approbation de l’ancien Premier Ministre Ariel Sharon. Il a recentré le travail des agences clandestines d’Israël sur le recueil des renseignements tactiques et laissé de côté le fait de creuser pour trouver des données stratégiques sur les dynamiques qui affectent la région et le monde, et sur qui sont leurs acteurs centraux. Cette révolution a affecté les opérations de court et long terme des bras extérieurs et intérieurs du contre- terrorisme et de la sécurité d’Israël, c’est-à-dire le Mossad et le Shin Bet, autant que l’AMAN, les renseignements militaires.

Le Mossad a fermé des antennes partout dans le monde, en limogeant ou en marginalisant l’action d’agents qui contestaient le remaniement souhaité par Dagan. Les bureaux spécialisés dans la recherche stratégique sur les évènements internationaux ont subi une restructuration dans leur mode d’organisation. Cette nouvelle entité a commencé à ressembler à la Division des Opérations Spéciales (DOS) de l’Agence Centrale des Renseignements américains (CIA), soit à une unité paramilitaire secrète, qui se concentre sur le recueil de renseignements tactiques à l’usage des agents opérationnels servant sur des territoires étrangers, et particulièrement au Moyen-Orient.

Ces agences sont, en définitive, devenues de petites armées plus axées sur leurs capacités à coopérer avec Tsahal en temps de tension et de guerre, comme elles le démontrent de façon frappante, au cours de l’actuelle Opération Bordure Protectrice/Roc Inébranlable.

Au cours de cette évolution, qui s’est propagée au fil des années, le Mossad a marqué quelques coups magistraux. L’un s’est déroulé durant l’élimination ciblée de 2008, d’Imad Mughniyeh, qui, durant deux décennies, a mis ses talents au service du Hezbollah et de l’Iran, pour être le cerveau clandestin de bien des atrocités menées à grande échelle ou lors de kidnappings, contre Israël et les Etats-Unis.

Un autre correspond à l’invasion du vers Stuxnet dans les systèmes d’ordinateurs des installations d’enrichissement d’uranium de l’Iran. Une série d’éliminations l’intérieur de l’Iran a pris pour cibles des personnalités centrales de ce programme et, en 2007, des forces spéciales israéliennes ont mené des raids de destruction dans un réacteur au plutonium, que l’Iran et la Corée du Nord étaient en train de construire en Syrie, peu de temps avant qu’il n’entre en fonction.

Mais, ce remaniement, bien qu’il ait été bénéfique sous certains aspects, laisse les renseignements d’Israël à court d’outils importants pour combattre le terrorisme et l’Islam fondamentaliste, lorsqu’il se met en marche. Des générations entières de nouveau personnel ont été embauchées sur la puissance de leur capacité à penser de façon tactique. L’évaluation stratégique et les départements de recherche sont allés à vau-l’eau. Le moment venu, face à une situation critique, le Mossad, le Shin Bet et l’AMAN manque des instruments suffisants pour fournir aux dirigeants politiques et sécuritaires d’Israël des analyses professionnelles du tableau dans son ensemble.

Leurs analystes, qui sont encore en poste aujourd’hui, ont interprété de travers le « Printemps arabe » de 2011 et n’ont pas su anticiper le renversement de deux Présidents égyptiens, Hosni Moubarak et Mohamed Morsi, pas plus que la longévité politique et militaire de Bachar el Assad, grâce, en très grande partie, à l’intervention de l’Iran et du Hezbollah. Toutes les conclusions, tirées par les renseignements israéliens à propos de ces évènements et processus considérables, se cantonaient à la sphère purement tactique – ou étaient tout simplement fausses.

C’est la même dimension stratégique manquante qui devient récurrente dans la mauvaise évaluation d’Israël concernant la détente américano-iranienne et à quel point elle est déterminante pour Israël, et, de façon plus immédiate, dans l’incapacité de deviner le comportement du Hamas, lors de l’opération Bordure Protectrice/Roc Inébranlable.

Les sources des renseignements militaires de Debkafile décernent des notes maximales pour la qualité des renseignements tactiques livrés aux troupes israéliennes, au cours de ce mois d’hostilités à Gaza. Ils ont été exceptionnels selon toutes les normes de la guerre moderne. Les troupes bénéficient de mises à jour constantes, même lorsqu’elles sont engagées dans les théâtres d’opération les plus infimes et les plus localisés, tels que des détails sur l’agencement des bâtiments avant d’y entrer, l’emplacement des fenêtres et la probabilité d’y trouver des ouvertures où se dissimule l’ennemi.

De jolis coups tactiques, comme les éliminations de chefs importants.

Alors qu’ils progressaient, les commandants de tanks étaient avertis de ce qui se profilait au prochain coin de rue. Les unités de reconnaissance et de renseignements ont su obtenir des informations de très grande valeur, de la part des prisonniers du Hamas et elles ont fourni aux troupes des données instantanées, alimentées par des apports constants, qui ont permis de sauver des vies humaines.

Mais ces renseignements tactiques ne peuvent que mener à devoir maintenir Tsahal à Gaza, comme jusqu’à présent – ainsi que dans n’importe quel autre théâtre d’hostilité. Les dirigeants d’Israël découvrent que, pour pouvoir tracer ses propres mouvements, il leur manque des données stratégiques sur les intentions des planificateurs de haut rang du Hamas.

Cette déficience a été la cause de leur erreur de jugement manifeste, commise par ceux qui dirigent la guerre en Israël – une erreur qui persiste jusqu’à ce lundi 25 août, au 49ème jour de l’Opération Bordure Protectrice. Il s’agit de l’hypothèse erronée, pariant sur le fait que si les bastions à Gaza sont assez durement touchés par l’amrée israélienne, le Hamas finirait par flancher et aller signer une trêve de longue durée selon les termes dictés par Israël, l’Egypte et l’Autorité Palestinienne.

Cette interprétation erronée des motivations gouvernant les actions du Hamas a été à la source de la déclaration que le Ministre de la Défense Moshe Ya’alon a fait dimanche, disant que l’Opération se terminerait « seulement quand on aurait ramené le calme dans le Sud d’Israël. Jusque là, nous continuerons à frapper durement le Hamas, pour le moment, par nos forces aériennes ». Il a poursuivi en disant : « Nous nous en tenons à notre politique visant à éviter la confrontation directe avec le Hamas ou à mettre un terme définitif à cette guerre, en préférant, plutôt y mettre fin diplomatiquement ».

Les leaders de communauté des 40.000 résidents des dizaines de kiboutzim, moshavim et petites villes concommitantes de la Bande de gaza se sont exprimés ouvertement, lundi 25 août : « Il n’est plus possible de cacher la vérité plus longtemps sur ce qui se produit et le pays tout entier doit entendre la vérité », ont-ils dit. « La ligne de front peuplée qui fait face à la Bande de Gaza n’existe plus ». Certains ont accusé amèrement le Premier Ministre Binyamin Netanyahu et le Ministre de la Défense Moshé Ya’alon et leur gestion de l’opération de ce fiasco.

« L’effondrement de cette ligne israélienne aux abords de Gaza est analogue, en termes stratégiques, à la chute de la ligne Bar Lev, il y a 41 ans, qui a permis à l’artillerie égyptienne et aux tanks de lancer leur assaut à travers le Canal de Suez », rappellent certains vétérans de l’époque.

D’autres soulignent qu’au lieu que Tsahal ne creuse une zone de sécurité stérile à l’intérieur de la Bande de Gaza, c’est le Hamas qui a réussi à dépeupler une bande entière du territoire israélien, de l’autre côté de la frontière, par des tirs incessants de courte portée et de mortier, et que c’est le Hamas qui dicte le cours des évènements dans le Sud d’Israël.

Les habitants du Sud, contrairement au début de l’Opération, sont devenus très critiques à l’égard du Chef d’Etat-Major, Benny Gantz et de son bras droit, le Général Major Gadi Einsenkott. Ils les accusent d’être incapables d’apporter des « solutions militaires créatives » devant le Cabinet de Sécurité, pour combattre efficacement les tactiques du Hamas.

Les frappes aériennes, une fois encore, se montrent inégales et limitées, elles n’entraînent aucune halte des tirs de roquettes ni ne les dissuadent. Comme au tout début de l’Opération, qui a dû se résoudre à l’envoi de forces terrestres. Aussi ne reste plus à Israël qu’à choisir entre le fait de :

- continuer à subir une guerre de harcèlement – ce que Netanyahu a publiquement dit qu’il empêcherait –

- Et surmonter sa répulsion pour les opérations terrestres dans la Bande de Gaza – de préférence une série de frappes terrestres courtes et foudroyantes.

Cette approche laisse l’entière initiative entre les mains du Hamas et Israël navigue, en aveugle au fur et à mesure de ses mouvements armés, à la recherche d’un cessez-le-feu, au lieu de chercher à gagner la guerre. En dépit de son infériorité en matière de forces de combat et d’armement, l’ennemi d’Israël exploite cette ambivalence pour conserver l’élément de surprise et laisse Tsahal avancer sans direction précise.

Cette semaine, en se concentrant sur ses objectifs stratégiques, le Hamas a atteint deux de ses buts essentiels :

1. Il a entraîné, bon gré mal gré, Israël dans une guerre de harcèlement – sans qu’on y voit de terme en vue, selon ses dirigeants. L’affirmation répétée du Premier Ministre Binyamin Netanyahu que tout harcèlement serait contré par des revers puissants n’a pas entamé le fait que les roquettes et tirs de mortier ont continué de provenir de Gaza en flux tendus, en harcelant réellement la population civile.

2. Et, effectivement, environ 70% de la population des villages et kibboutzim autour de la Bande de Gaza ont bouclé leurs valises et quitté leurs maisons. Malgré l’aide offerte par le gouvernement, ces gens et leurs familles sont devenus des réfugiés ou des personnes déplacées dans leur propre pays, dans le but d’échapper aux bombardements incessants de roquettes et de mortiers du Hamas. C’est la réalisation d’un but stratégique, qui équivaut à l’autre réussite du Hamas, d’avoir réussi à faire fermer l’aéroport international Ben Gurion pour un certain nombre de jours, le mois dernier.

Les Islamistes sont en train de se rapprocher d’un troisième accomplissement stratégique : l’incapacité pour Israël de commencer l’année scolaire, le 1er septembre – et pas seulement dans le voisinage proche de la Bande de Gaza. Des voix s’élèvent à Ashkelon, Ashdod et plus au nord, dans le Grand Tel Aviv et dans ses villes satellites densément peuplées, de parents affirmant qu’il ne renverront pas leurs enfants à l’école, dans les conditions actuelles de sécurité.

Aussi, alors que les chefs des renseignements militaires d’Israël utilisent leurs critères tactiques pour peser les mesures à prendre et évaluer les intentions du Hamas, le Hamas opère au niveau stratégique pour laisser Israël dans le flou et sans résolution de la situation à moyen terme.

DEBKAfile Analyse Exclusive 24 août 2014, 3:29 PM (IDT)

debka.com

Adaptation : Marc Brzustowski.

NDLR : Binyamin Netanyahu a lancé une campagne médiatique visant à établir la totale identité d’objectifs et de méthodes (depuis, notamment, l’élimination de 22 Palestiniens soupçonnés de « collaboration » avec Israël) entre le Hamas et l’Etat Islamique. Dans le même temps, sa politique effective consent à des trêves répétitives, en vue de négociations indirectes, via les services de renseignements égyptiens, avec ce même Hamas. En même temps qu’il demande à le faire condamner sur le plan international, de la même façon qu’on condamne l’Etat Islamique. Dans ce cadre, il proroge cette ambivalence laisse comprendre qu’on doit pouvoir obtenir un « accord » avec le Hamas. Quel pays demande à passer un accord avec l’Etat Islamique ? Aucun.

Sa campagne a donc toutes les chances d’être moralement et diplomatiquement inefficace, tant qu’il maintient cette ambiguïté. Et, en ce cas, des Ministres comme Bennett n’ont pas nécessairement tort de vouloir qu’on sorte de ce « double-langage ». Ou le Hamas dans sa nature profonde est bien un groupe terroriste génocidaire, ou on peut s’en « acclimater », et supporter de subir une guerre de harcèlement répétée aussi longtemps que le Hamas juge que cette politique lui convient et qu’Israël ne prend pas les moyens radicaux pour mettre un terme à cette situation invivable…

… A moins que l’enjeu de cette guerre ne soit pas l’éradication proche ou de moyen terme du seul Hamas, mais plutôt la constitution d’un front solide, au-delà de sa survivance, pour faire à l’ensemble des menaces qu’il synthétise, à l’extérieur de Gaza, dans le Sinaï, aux frontières égypto-libyennes, en Jordanie et ailleurs. A savoir, le front contre les forces regroupées du Hamas, du Jihad global, de l’Etat Islamique

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