Pourquoi la France va continuer à sombrer
Pendant que les médias français s’obnubilent sur le changement de gouvernement et les congratulations échangées entre ministres, la France continue à sombrer. Et, ce doit être dit : le naufrage va se poursuivre sans que rien ne l’arrête.
Le problème fondamental de la France est le déficit grave de compétitivité de l’économie du pays, et ce déficit, qui se creuse, va, sans aucun doute, continuer à se creuser.
Ce déficit tient largement aux surcoûts infligés aux entreprises françaises par le biais de charges littéralement écrasantes. Une baisse des charges sur les entreprises pourrait remédier à ces surcoûts, mais ce devrait être une baisse de charges bien plus importante que celle évoquée présentement et qui, même si elle est votée n’aura guère plus d’effet que le célèbre emplâtre posé sur une jambe de bois.
Une forte baisse des charges sur les entreprises ne serait, qui plus est, efficace que si elle n’apparaissait pas comme une mesure temporaire sur laquelle il serait possible de revenir, mais comme une mesure durable, installée, gravée dans le marbre.
Le gouvernement actuel ne décidera, bien sûr, pas d’une forte baisse des charges mais d’une baisse très superficielle, et cosmétique, et il décidera moins encore de graver dans le marbre une baisse des charges.
Aucun parti politique à ce jour ne propose une forte baisse des charges qui serait aussitôt gravée dans le marbre.
Le déficit de compétitivité des entreprises françaises tient aussi à la rigidité des règlementations qui enserrent les activités économiques en France et y accroissent considérablement les coûts de transaction, à la faiblesse de la profitabilité moyenne des mêmes activités économiques, qui réduit les retours sur investissement, dissuade les investissements futurs, et amenuise les sommes susceptibles d’être consacrées à la recherche et à l’innovation.
Le gouvernement actuel ne desserrera, bien sûr, pas l’étau réglementaire qui asphyxie le pays, ou le fera de manière infime, et dès lors inutile.
Aucun parti politique à ce jour ne propose de desserrer vraiment l’étau règlementaire qui asphyxie le pays, ou pas dans des proportions suffisantes pour que cela ait un effet.
Le déficit de compétitivité des entreprises françaises tient, bien sûr, à une multitude d’autres facteurs, qui expliquent pourquoi ni le gouvernement, ni ceux qui sont à même de le remplacer ne sont, à ce jour, à même d’apporter un remède.
Parmi ces facteurs: le poids hypertrophique de la fonction publique française, qui compte bien trop d’administrations et de fonctionnaires, les conséquences très graves de l’économie mixte, qui fait que de nombreuses entreprises dépendent du gouvernement pour survivre, l’absence quasiment totale de médias indépendants du gouvernement et des rouages de l’économie mixte, les effets de décennies de prise en main de la culture et de l’éducation par des ennemis du capitalisme démocratique, prise en main qui a des conséquences dans le journalisme ou la magistrature, entre autres.
Tous les partis politiques, strictement tous, sont confrontés à ces facteurs ou influencés par eux d’une manière ou d’une autre.
Un redressement ne pourrait prendre forme que si se trouvait proposé à la fois une très forte baisse des charges sur les entreprises et sur les salaires, une réforme constitutionnelle fixant un niveau maximum de charges et d’impôts (si possible un impôt strictement proportionnel abolissant toute progressivité), une abolition du présent code du travail aux fins de le remplacer par une version infiniment allégée de celui-ci, une simplification radicale des formalités administratives, une diminution rapide du nombre des fonctionnaires travaillant dans d’autres secteurs que les fonctions régaliennes de l’Etat, une privatisation de multiples entreprises encore publiques ou semi-publiques, une suppression des subventions gouvernementales aux entreprises privées quelles qu’elles soient, une privatisation des médias dits de « service public », une abolition des « aides » gouvernementales aux organes de presse et d’information ainsi qu’à l’ensemble du secteur théâtral et cinématographique, une privatisation du système universitaire et l’instauration graduelle du chèque éducation dans le système éducatif primaire et secondaire, une fermeture des écoles de journalisme publiques et de l’école nationale de la magistrature (les universités privatisées pourraient former les journalistes et les juristes). Ce serait juste un commencement.
Je pense que ce commencement ne verra pas le jour, même de manière fragmentaire.
Le plus vraisemblable est que le gouvernement Valls échouera. A l’automne prochain, il sera déjà dans un échec que des maquillages statistiques tenteront sans doute de maquiller.
Je doute que Hollande choisisse rapidement la dissolution de l’Assemblée, mais je me dis à moi-même qu’il y songe. Une majorité UMP risquerait fort de ne pas faire mieux. Après avoir éliminé Valls (ce qu’il est, je pense, en train de faire), Hollande éliminerait ainsi l’UMP et espérerait se faire réélire en 2017, dans un deuxième tour qui pourrait l’opposer (ce qu’il espère, je pense) à Marine Le Pen.
Où en sera la France à ce moment ? La France plonge dans tous les classements internationaux, ceux-là même que les investisseurs consultent avant d’investir. Dans l’Index of Economic Freedom, établi chaque année par la Heritage Foundation, et le Wall Street Journal, la France est en soixante dixième position, en dessous du Kazakhstan et du Ghana. Elle est en trente troisième position parmi les quarante trois pays que compte le continent européen. Elle est, certes, mieux classée que la Zambie ou le Sri Lanka, mais c’est une maigre consolation. A titre de comparaison, le Canada est en sixième position, la Suisse en quatrième position, les Etats Unis en douzième position (bien plus bas qu’avant Obama), l’Allemagne en dix-huitième position. Qui aurait vraiment envie d’investir dans un pays qui peut juste dire qu’il est mieux classé que la Zambie et le Sri Lanka ? Qui peut parler sérieusement d’un « partenariat franco-allemand » : l’Allemagne a d’autres problèmes, mais elle est infiment mieux gérée et plus libre économiquement que la France. Au moment de la création de l’euro, la France et l’Allemagne avaient des niveaux de compétitivité équivalents, depuis la France a décroché, et ce n’est, hélas, pas fini.
Si la France avait sa propre monnaie, celle-ci serait dévaluée, comme la monnaie de la France c’est le mark, qui est le vrai nom de l’euro, la France ne peut combler son déficit de compétitivité que par les moyens que j’évoque ici, qui ne seront pas employés.
Comme les salaires ne peuvent se trouver abaissés par décision gouvernementale, il ne reste qu’une variable d’ajustement, le chômage et, au bout, la pauvreté.
Les caisses de l’Etat sont plus que vides et l’endettement s’accroît. L’endettement va s’accroître encore, jusqu’à la faillite. Aucun équilibre budgétaire n’est en vue et ne sera en vue. Augmenter les impôts désormais est impossible (toute augmentation d’impôts ferait baisser les rentrées fiscales en suscitant des désinvestissements et des surcroîts d’inactivité, comme l’a expliqué Arthur Laffer il y a longtemps). Baisser les dépenses publiques de cinquante milliards d’euros (ce qui ne se fera pas), serait extrêmement insuffisant et aussi inefficace que les baisses de charges prévues.
Sortir de l’euro susciterait une dévaluation qui augmenterait considérablement d’un seul coup l’endettement du pays, et n’aurait de sens qu’en adoptant au même instant toutes les mesures que je suggère ici. Sortir de l’euro ne se fera pas, sauf si l’euro explose, mais le mark, qui est le vrai nom de l’euro, n’explosera pas. Les mesures que je suggère ne seront pas adoptées, non.
Mon conseil en ce cadre ? Ouvrir un compte en Allemagne ou au Luxembourg pour y mettre quelques économies ? C’est à envisager. Partir vers des cieux plus sereins ? C’est à envisager aussi. Rester en France en pensant que cela va s’améliorer relèverait de l’illusion suicidaire. Rester en France en sachant que cela va être bien pire, puis infiniment pire encore, présente au moins l’avantage de la lucidité.
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