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Pourquoi Poutine veut-il sauver Assad ? (i24news)

By 21 septembre 2015Etz Be Tzion

Le renforcement récent de la présence militaire russe en Syrie inclut des chars de combat, des conseillers militaires, des gardes de sécurité et des unités de logement mobiles pour la construction d’une base militaire dans la ville côtière de Lattaquié (un bastion de Bachar Al-Assad). Le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, affirme que les motivations de l’appui renouvelé de Vladimir Poutine à Assad « sont plutôt difficiles à cerner. » Mais le sont-elles vraiment?

Après la conclusion de l’accord nucléaire entre les grandes puissances et l’Iran, le Président Obama a déclaré qu’il avait été agréablement surpris par le rôle constructif de Moscou, qui a réussi à assouplir les positions de l’Iran. Comme je l’ai expliqué dansun article précédent, la Russie avait un intérêt économique à mettre fin à l’isolement international de l’Iran afin d’établir un cartel de gaz naturel. Pour garantir la coopération de Téhéran dans les futures exportations coordonnées de gaz, la Russie doit garantir les intérêts iraniens en Syrie. Cela signifie qu’elle doit veiller à ce qu’Assad préserve le contrôle partiel sur ce qui reste de la Syrie.

La décision de Poutine semble également avoir été influencée par les résultats peu concluants des frappes aériennes américaines contre l’État islamique (EI). En septembre 2014, Obama a annoncé que les États-Unis allaient mener des frappes aériennes contre l’EI pour “l’affaiblir et finalement le détruire ». Un an plus tard exactement, cet objectif est loin d’avoir été atteint. L’EI a gardé la main mise sur ses conquêtes et a même gagné du terrain ces derniers mois. Poutine semble faire le calcul que si les États-Unis ne peuvent pas affaiblir l’EI (et encore moins le détruire) après un an de campagne militaire, alors la Russie doit prendre en
main ses propres intérêts en Syrie en préservant ce qui reste des bastions d’Assad. Certes, la Grande-Bretagne, la France et l’Australie ont rejoint les frappes aériennes américaines contre l’EI, ou sont sur le point de les rejoindre, mais Poutine a de bonnes raisons de douter que cela changera la donne.

Les récents revers d’Assad (dont la perte d’une base aérienne importante au sud d’Alep le 9 septembre) sont une source d’inquiétude tant pour Poutine que pour Obama, bien que pour des raisons différentes. Pour Poutine, ces revers sont une indication claire qu’Assad pourrait maintenant tomber à tout moment. Pour Obama, cela révèle l’inefficacité de sa stratégie militaire, car la base aérienne au sud d’Alep a été prise par Jabhat al Nusra, qui est la cible des frappes aériennes américaines.

Poutine sait évidemment que tout l’armement russe du monde ne permettra pas à Assad de reconquérir la Syrie. Même si une telle option existait, cela mènerait à une escalade avec l’Occident. Comme ses prédécesseurs, Poutine sait jusqu’où il peut aller trop loin. Mais il sait aussi que la partition de facto de la Syrie est susceptible d’avoir un point commun avec la partition de facto de l’Ukraine: l’Occident va s’y opposer dans les mots et même dans les actes (avec des sanctions économiques), mais finira par acquiescer, faute de meilleures options. En Syrie, cette partition de facto se situera le long d’une bande côtière dominée par les Alawites et sera reliée au sud-Liban, contrôlé par le Hezbollah.

Poutine comprend également que l’Occident s’est d’une certaine manière piégé avec l’Iran. Si l’Administration Obama ne veut pas faire dérailler l’accord nucléaire, elle ne peut pas porter atteinte ouvertement aux intérêts fondamentaux de l’Iran. Au Proche-Orient, ces intérêts incluent le maintien d’Assad. Le 7 septembre, le ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif a dissipé les doutes quant à la politique de l’Iran en Syrie en déclarant que “ceux qui posent des conditions au président syrien sont responsables de la poursuite de la guerre. » Les dirigeants européens prétendent vouloir le départ d’Assad pour le bien des « forces démocratiques », mais ils seront les premiers à acquiescer au maintien d’Assad si cela s’avère être le seul moyen de mettre fin à l’afflux de réfugiés syriens. Si Assad perd Alep, le flux des réfugiés syriens vers l’Europe ne fera que croître.

Les motivations de Poutine ne sont donc pas « difficiles à cerner”. Dans la situation actuelle, Poutine a toutes les raisons de penser que l’Occident ne va pas vaincre l’EI mais que l’EI pourrait bientôt vaincre Assad. Poutine, en outre, comprend que l’Administration Obama est si déterminée à mettre en œuvre l’accord nucléaire avec l’Iran qu’elle sera tolérante envers le soutien de l’Iran à Assad. Quant à l’Europe, Poutine sait qu’elle tolérera Assad s’il s’avère être le seul moyen de mettre fin à l’afflux de réfugiés syriens. Poutine est un tacticien rusé qui sait tourner à son avantage les craintes, les incohérences et la duplicité de l’Occident.

Emmanuel Navon dirige le département de Science politique et de Communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l’Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est membre du Forum Kohelet de politique publique.

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Lève-toi ! / Etz Be-Tzion
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