Un autre couple de serviteurs venus de France, de la même génération, nous a contactés il y a deux ou trois ans. Nous avions apprécié un de leurs livres et leur avions écrit pour leur en commander plusieurs exemplaires que nous souhaitions distribuer autour de nous. Encouragés par notre enthousiasme, ils nous ont dit qu’ils aimeraient nous connaître et, devant passer dans notre région alors que nous étions en Suisse pour quelques temps, ils ont proposé de venir nous rendre visite.
Nous ignorions ce qui se tramait derrière cette généreuse envie de rencontre… Mais nous l’avons rapidement compris. Deux jours avant leur venue, ils nous ont avertis par e-mail qu’il leur fallait changer la date. J’ai préparé à leur intention un repas copieux et, le jour de leur visite, ils nous ont annoncé par téléphone qu’ils ne pourraient pas rester plus de deux heures, ayant eu contact dans la journée avec quelqu’un en Suisse qui souhaitait les inviter.
Le contact, dès leur arrivée, a été plutôt froid, car ce couple déjà âgé avait écumé lui aussi tout le monde francophone avec son ministère et ils semblaient très sûrs d’eux, durs et plutôt renvoyant un image de personnes ayant fait une carrière dont ils étaient très fiers que celle d’un frère et d’une sœur en Christ heureux de rencontrer un autre couple de croyants eux aussi dans le ministère. L’épouse était habillée avec beaucoup de goût et d’élégance, mais tout à fait dans le style de ces femmes américaines dont j’ai parlé plus haut, portant un pantalon fuselé montrant des formes qu’elle avait encore ma foi fort étonnamment très avantageuses pour son âge ( !), maquillée, talons hauts, cheveux courts et ongles très soignés. Cette femme était dure, décidée et hautaine. Elle parlait avec assurance et d’abondance, c’est-à-dire tenant le crachoir, comme on dit, pour nous exposer toutes les bonnes raisons pour lesquelles elle exerçait le ministère elle aussi, alors que nous ne lui avions rien demandé à ce sujet. C’était un peu comme si elle voulait nous faire l’article d’un produit qu’elle désirait nous vendre, ce qui nous laissait interloqués, car nous ne saisissions pas le but de cette démarche.
Son mari n’était pas en reste, nous faisant étalage de ses nombreuses expériences dans le ministère partout dans le monde, et semblant s’ennuyer prodigieusement en notre présence. Lorsque mon mari leur a proposé de faire un motzi pour la prière pour le repas, en bons chrétiens évangéliques, ils ont soigneusement laissé le petit morceau de pain sur le côté de leur assiette, nous faisant l’affront, dans notre propre maison où ils s’étaient invités, de déclarer qu’ils étaient opposés à cette « fausse doctrine », la femme étant particulièrement méprisante dans cette déclaration. Il a été impossible d’en parler, mon mari cherchant aimablement à leur expliquer le sens du motzi. Ils ont immédiatement détourné la conversation, revenant sur leur ministère.
Le motzi est la fraction du pain avec bénédiction du repas chez les Juifs encore aujourd’hui comme à l’époque du Seigneur, telle que pourtant décrite dans Actes 2 : 46 : « Ils étaient chaque jour tous ensemble assidus au temple, ils rompaient le pain dans les maisons, et prenaient leur nourriture avec joie et simplicité de cœur » et Actes 20:7 : « Le premier jour de la semaine, nous étions réunis pour rompre le pain. Paul, qui devait partir le lendemain, s’entretenait avec les disciples, et il prolongea son discours jusqu’à minuit » et 20:11 : « Quand il fut remonté, il rompit le pain et mangea, et il parla longtemps encore jusqu’au jour. Après quoi il partit ». (Remarquez qu’il ne s’agit pas dans ces deux cas, contrairement à ce qui est enseigné partout dans le monde chrétien, d’une Sainte Cène, puisqu’il n’y est pas fait mention du vin, mais bien de la bénédiction du repas avec fraction du pain. Et pourtant ces versets d’Actes 20 sont toujours cités dans le christianisme comme justification pour le culte du dimanche et la Sainte Cène…, au lieu du Shabbat comme jour du Seigneur. Ce qui une fois de plus nous ramène à cette confusion tragique entre le dogmatique et le biblique. Mon mari enseigne en profondeur à ce sujet sur son site leve-toi.com.).
Il est à noter que cette fraction du pain se pratiquait encore il y a peu dans nombre de familles chrétiennes en Europe. Dans certains pays cela continue à être le moyen essentiel pour bénir le repas.
Le repas tirant à sa fin, ils nous ont fait comprendre que le but essentiel de cette visite était en fait d’essayer de se faire inviter dans notre assemblée en Suisse. Haïm leur a calmement expliqué que nous en parlerions avec les anciens, car chez nous rien ne se fait sans la prière, y compris une invitation à prêcher, ce qui est l’exacte vérité et la sagesse même. Vexé, du fait de l’importance qu’ils portaient à leur ministère, lui s’est aussitôt levé, suivi de sa femme embarrassée mais néanmoins mécontente elle aussi, et ils nous ont quittés vite fait bien fait. Nous n’avons plus eu de leurs nouvelles et n’en avons pas donné non plus ! Voilà ce qui se passe quand on est confronté à des « ministères » conçus comme une carrière, avec le but non avoué de trouver des soutiens financiers nécessaires à l’expression de celle-ci, pour ne pas dire pire…
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Un autre exemple, qui date lui aussi des débuts de notre vie avec le Seigneur, il y a environ 35 ans. Mais cela pourrait être vécu aujourd’hui encore. Jeunes croyants, nous avions été mis en contact avec un groupe de prière par une amie qui avait prié pour que nous venions à la foi. Elle fréquentait ce groupe régulièrement, dans la ville que nous habitions à l’époque, et nous l’avons suivie à ces réunions, ayant appris qu’il s’y passait des choses spirituelles.
La personne responsable était une femme, au demeurant très accueillante et semblant ouverte. Nous n’avions à l’époque que très peu de connaissance biblique et nous nous abreuvions, comme notre amie, aux sources les meilleures que nous pensions être et qui se présentaient à nous.
En parallèle, nous avions commencé à fréquenter une assemblée de type assez classique, mais ne nous y sentions pas vraiment à notre place. Quelques temps plus tard, nous avons déménagé pour une région assez éloignée de cette ville et avons donc cessé de fréquenter l’un et l’autre de ces deux pôles spirituels qui avaient bercé notre jeune vie chrétienne. Etant assez isolés, nous manquions de communion fraternelle et d’enseignement. Nous priions tous les deux à la maison, et cherchions une autre assemblée, mais pendant un certain temps n’en avons pas trouvé et les difficultés, comme c’était prévisible, ont commencé à se manifester dans notre relation, dans notre vie personnelle et au niveau de notre vie spirituelle. Le diable cherchait à reprendre du terrain et il savait comment procéder pour y parvenir, en nous isolant au maximum.
Il fallait trouver une solution. Le Seigneur, dans Sa grâce, a fini par pourvoir et nous avons été mis en contact avec un pasteur et son assemblée où nous avons pu nous intégrer et grandir véritablement en tant qu’enfants de D.ieu, après avoir vécu un profond nettoyage au niveau de nos arrière-plans occulte et autres.
Mais pendant la période où nous étions totalement isolés, nous n’avions qu’une ressource pour recevoir l’aide de la prière et des conseils spirituels, c’était de nous tourner vers cette femme qui s’occupait d’un groupe de prière. Nous l’appelions donc régulièrement au secours par téléphone, étant trop éloignés pour nous rendre à ses réunions. Avec gentillesse, elle nous écoutait patiemment et tentait de nous conseiller. Mais nous ne voyions rien bouger dans nos vies. Nous avions l’impression que c’était en vain qu’elle nous parlait. Ce qu’elle nous disait n’était pas mauvais en soi, mais ne devait pas être d’un niveau autre qu’humain. Elle manquait de cette autorité qu’elle revendiquait pourtant, se disant avoir été appelée au ministère, tout comme son frère qui était pasteur et avait une assemblée apparemment florissante à l’étranger.
Nous n’étions pas capables à l’époque de discerner que ce qui n’est pas fait dans l’obéissance et ne provient que d’une volonté humaine ne peut porter du fruit. La sœur s’évertuait à nous aider mais plus elle essayait, plus elle s’irritait, comme si nous étions des rebelles incapables de nous soumettre à son autorité, impossible à dompter comme des chevaux sauvages. Ce n’était pas pourtant par manque de désir de bien faire en ce qui la concernait, ni de chercher des solutions, de notre côté. Mais nous devions encore découvrir un secret important : il ne faut pas se confier dans l’homme, mais en D.ieu (Jérémie 17:5 : « Ainsi parle l’Éternel: Maudit soit l’homme qui se confie dans l’homme, qui prend la chair pour son appui, Et qui détourne son coeur de l’Éternel ! »). Le Seigneur a permis que nous nous détachions de cette relation et Il a Lui-même pourvu peu après, comme je viens de le dire plus haut, pour une assemblée et un pasteur qui nous a véritablement conduits, avec l’autorité spirituelle nécessaire, dans les voies de D.ieu.
Des années plus tard, après avoir déménagé pour raison professionnelle et mon mari ayant été appelé au ministère dans le cadre d’une autre assemblée que nous avons fréquentée plusieurs années, et ensuite ayant encore dû déménager à cause d’un nouveau travail de mon mari, celui-ci a peu à peu évolué dans ce ministère et a ressenti qu’il nous fallait fonder une association dans le but de développer l’œuvre que D.ieu nous avait confiée.
(Ce serait un peu trop long de vous décrire tout le parcours ici ).
Il fallait trouver un serviteur de D.ieu mûr et spirituel pour prendre la responsabilité de la vice-présidence de cette association. Après avoir prié, Haïm s’est tourné vers un pasteur que nous connaissions dans la ville que nous avions quittée tout au début de notre vie chrétienne et lorsque cette sœur a appris la chose elle nous a fait connaître dans une vive réaction sa déception de voir mon mari, du fait de l’acceptation du poste de vice-président par un pasteur connu sur la place, encouragé dans son travail spirituel alors qu’elle se heurtait depuis des années au refus des pasteurs de la ville de la reconnaître comme pasteur. C’était insupportable à vivre pour elle !.
Elle était pleine d’amertume, de colère, et nous en a voulu certainement longtemps. Nous n’aurions pas pensé que cela pouvait produire une telle réaction de jalousie de sa part et nous avons prié à l’époque pour comprendre. Le Seigneur commençait à nous instruire concernant Ses principes pour l’homme et la femme, l’identité, travaillant dans notre couple tout d’abord. Il a montré à mon mari que cette sœur était profondément frustrée par rapport à son frère qui avait un ministère béni et que, d’une manière bien inconsciente, elle avait mis en place tout un ministère construit à main « de femme ». Si l’on ne se tournait pas vers elle mais vers un homme, elle ne pouvait l’accepter car elle était dans toutes ses relations conditionnée par sa relation fondamentalement frustrée par rapport à son frère, qui faussait sa conception même du ministère. Et ces relations faussées étaient avant tout le fruit d’un manque d’amour, du manque de reconnaissance d’un père qui avait été lui aussi pasteur et qui avait accordé à son fils d’avantage d’attention qu’à sa fille…
S’il y a une leçon à tirer de cette histoire, c’est bien celle-ci : il importe, avant de rentrer dans un appel, quel qu’il soit, d’avoir fait le point concernant notre identité, nos relations aux autres, et de savoir si nos motivations sont véritablement fondées sur la volonté de D.ieu. La jalousie, la convoitise, l’autorité humaine,… sont des œuvres de la chair et il nous revient en tant que croyantes de nous laisser interpeller en profondeur puis transformer par D.ieu dans ces domaines si importants, avant de répondre à Son appel. Peut-être, après avoir laissé D.ieu faire ce travail de nettoyage dans nos cœurs, découvrirons-nous que nous avons tout simplement construit nous-mêmes un « ministère » fantôme, afin de combler un manque quelque part… Une fois comblées par l’amour du Seigneur, une fois toutes choses à leur place, nous n’éprouverons plus le besoin de prendre la place qui ne nous revient pas, et nous prendrons celle qui nous est réservée de toute éternité par notre Père céleste.
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