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Renée Soued / L’Intox Soviéto-Palestinienne. La récente révélation que Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne (AP), a été un agent du KGB à Damas en 1983, a été minimisée par les médias grand public et considérée au mieux comme une « curiosité historique »…

L’Intox Soviéto-Palestinienne

Par Judith Bergman, écrivain, avocate et analyste politique
25/10/16

La récente révélation que Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne (AP), a été un agent du KGB à Damas en 1983, a été minimisée par les médias grand public et considérée au mieux comme une « curiosité historique ». Coïncidence troublante, l’information a surgi au moment même où le président russe Vladimir Poutine tentait d’organiser une rencontre entre Mahmoud Abbas et Benjamin Netanyahu, premier ministre israélien. Comme il fallait s’y attendre, l’Autorité palestinienne a immédiatement allumé un contre feu. Nabil Shaath, cadre dirigeant du Fatah, a nié qu’Abbas ait jamais été un agent du KGB, affirmant que cette nouvelle « campagne de calomnies » visait à torpiller l’initiative russe ».

Loin d’être une « curiosité historique », l’information sur le passé d’Abbas ajoute une pièce à l’immense puzzle des origines du terrorisme islamique du 20eme et 21eme siècle. Ces origines ont presque toujours été masquées ou tenues dans l’ombre afin qu’un narratif officiel affleure tant bien que mal à la surface. Simultanément, toute tentative de reconstruire une histoire cachée a été systématiquement dénoncée comme relevant des « théories du complot ».

Le passé d’Abbas ne relève en rien d’une théorie du complot. Il a surgi d’un document des archives Mitrokhine du Churchill Archives Center de l’Université de Cambridge au Royaume-Uni. Vassili Mitrokhine, ancien officier supérieur du service de renseignement extérieur soviétique, a fini sa carrière, relégué aux archives du KGB. Au risque de sa vie, il a passé 12 ans à copier des documents secrets qui autrement n’auraient jamais vu le jour. En effet, malgré la disparition de l’Union soviétique, les archives du renseignement extérieur du KGB sont toujours classées confidentiel défense. Quand Mitrokhine a fait défection en 1992, les fichiers qu’il avait copiés et emmenés avec lui, ont atterri entre les mains de ses homologues britanniques. Les parties déclassifiées des archives Mitrokhine ont été portées à l’attention du public par Christopher Andrew, professeur à Cambridge, qui a cosigné avec le transfuge soviétique un livre intitulé Le KGB contre l’Ouest 1917-1991. Les archives de Mitrokhine ont permis à l’époque de mettre hors d’état de nuire de nombreux espions du KGB infiltrés en Occident et ailleurs.

Malheureusement, l’histoire complète des opérations d’influence et de désinformation du KGB reste à écrire, alors qu’elle a façonné l’histoire contemporaine la plus récente. Le KGB a mené des opérations hostiles contre l’Otan et les pays membres de l’Otan, contre la dissidence au sein du bloc soviétique, et monté de toutes pièces nombre d’événements subversifs en Amérique latine et au Moyen-Orient, dont certains résonnent encore à ce jour.

Le KGB a eu un rôle majeur dans la création des mouvements de libération latino-américains et moyen-orientaux, lesquels ont développé des méthodes d’action terroristes que l’on retrouve dans Le KGB contre l’Ouest, ainsi que dans les livres et écrits d’un autre transfuge du bloc soviétique, Ion Mihai Pacepa, qui occupait un poste clé dans le renseignement soviétique.

Jusqu’à sa défection aux Etats-Unis en 1978, Pacepa dirigeait le renseignement extérieur roumain et jouait le rôle de conseiller personnel de Nicolae Ceaucescu, secrétaire général du Parti communiste roumain. Pacepa a collaboré avec la CIA pendant plus de 10 ans et a contribué à la chute du communisme ; l’agence de renseignements américaine a estimé que la collaboration avec Pacepa avait représenté « une contribution importante et unique pour les États-Unis ».

Dans un entretien accordé en 2004 à FrontPage MagazinePacepa a déclaré:

« L’OLP est une création du KGB qui avait un penchant pour les mouvements « de libération ». L’armée de libération nationale de Bolivie a ainsi été créée par le KGB en 1964 avec l’aide de Ernesto « Che » Guevara … Le Front Démocratique pour la Libération de la Palestine, qui a effectué de nombreux attentats à la bombe a également été créé par le KGB… En 1964, le premier Conseil de l’OLP était composé de 422 représentants palestiniens, tous triés sur le volet par le KGB. Ce Conseil a approuvé la Charte nationale palestinienne elle-même rédigée à Moscou. La Constitution palestinienne a elle aussi, vu le jour à Moscou, avec l’aide de Ahmed Choukeiry, un agent d’influence du KGB qui devint aussi le premier président de l’OLP » ….

Dans le Wall Street Journal, Pacepa a expliqué qu’Arafat aussi fut « inventé » par le KGB – ou plutôt, pour reprendre le langage de la profession, comment l’agence soviétique avait reconstruit sa « bio » :

« Ce bourgeois égyptien est devenu marxiste sous l’influence du KGB. Le service de renseignement soviétique a formé Arafat à l’école des opérations spéciales Balashikha de Moscou au milieu des années 1960 pour le préparer à devenir le futur chef de l’OLP. Pour commencer, le KGB a détruit tous les actes de naissance d’Arafat et les a remplacés par des faux : le chef de l’OLP a cessé d’être un citoyen égyptien né au Caire, pour devenir un Palestinien né à Jérusalem ».

Dans son livre A Lethal Obsession (Obsession mortelle), le regretté historien Robert. S. Wistrich a révélé qu’après la guerre des Six Jours, l’Union soviétique a mis en place une campagne intense et de longue durée pour priver Israël et le sionisme de toute légitimité dans l’opinion publique internationale. En agissant ainsi, l’Union Soviétique entendait venger son prestige de grande puissance que l’écrasante défaite militaire de ses alliés arabes face à Israël, avait sévèrement entaché :

« Après 1967, l’URSS a commencé à inonder régulièrement le monde de propagande antisioniste … Seuls les nazis, au cours des douze années où ils ont régné en maîtres, ont jamais réussi à produire un flux aussi soutenu de libelles conçus comme un outil de politique intérieure et étrangère [1] ».

Pour atteindre son objectif, l’URSS a eu recours à toute la panoplie des mots qui évoquaient le nazisme. Pour modifier la perception de la défaite arabe de 1967, des mots comme « pratiquants un génocide », « racistes », « camps de concentration » et « épuration ethnique » ont été répétés à satiété. Ils sont encore utilisés par la gauche occidentale chaque fois qu’il est question d’Israël.

Parallèlement, l’URSS a lancé une campagne internationale de désinformation dans le monde arabe. L’opération « SIG » (Sionistskiye Gosudarstva, ou « gouvernements sionistes »), lancée en 1972 par l’Union soviétique, a eu pour but de représenter les Etats-Unis comme un « fief juif financé par l’argent juif et dirigé par des politiciens juifs arrogants et hautains qui avaient pour but de soumettre l’ensemble du monde islamique ». Quelque 4.000 agents du Bloc soviétique ont été envoyés dans le monde islamique, armés de milliers d’exemplaires du Protocoles des Sages de Sion, ce faux fabriqué par la police tsariste. Selon Yuri Andropov, ancien patron du KGB :

« Le monde islamique était une boite de Pétri latente dans laquelle il nous a été possible de cultiver une souche virulente de haine de l’Amérique, une bactérie issue de la pensée marxiste-léniniste. L’antisémitisme islamique étant profondément ancré … Il a suffi de répéter nos thèmes – que les Etats-Unis et Israël étaient des « pays fascistes, impérial-sionistes » financés par des milliardaires juifs. L’islam, obsédé par l’idée que son territoire était occupé par des infidèles ne pouvait qu’être réceptif à l’idée que le Congrès américain était une marionnette entre les mains de sionistes rapaces conspirant à dominer le monde ».

Dès 1965, l’URSS a officiellement proposé à l’ONU de voter une résolution condamnant le sionisme comme une forme de colonialisme et de racisme. Bien cette première tentative ait échoué, l’ONU s’est avérée être un réceptacle extrêmement favorable au sectarisme et donc à la propagande soviétique ; en novembre 1975, la Résolution 3379 a été adoptée qui condamnait le sionisme comme « une forme de racisme et de discrimination raciale ». Il s’en est suivi une décennie de propagande soviétique en direction du tiers monde, présentant Israël comme le cheval de Troie de l’impérialisme et du racisme occidental. Cette campagne a été conçue pour soutenir la politique étrangère du gouvernement soviétique en Afrique et au Moyen – Orient. [2] Une autre tactique consistait à établir des comparaisons visuelles et verbales dans les médias soviétiques entre Israël et l’Afrique du Sud (d’où l’origine du canard « apartheid israélien »).

Le tiers-monde n’a pas été seul à gober tout cru cette propagande soviétique ; la gauche occidentale a suivi et continue, à ce jour, d’en être le relais. Calomnier quelqu’un, quel qu’il soit, et le cataloguer de raciste, est devenu la principale arme de la gauche pour disqualifier ceux auxquels elle s’oppose.

Outre l’isolement d’Israël, la tactique soviétique s’est prolongée par un vernissage de l’image de l’OLP afin de la rendre « respectable ». Selon Pacepa, cette tâche a été déléguée au dirigeant roumain Nicolae Ceausescu, qui avait réussi l’exploit improbable de faire passer la Roumanie et son impitoyable police pour un pays communiste « modéré ». Rien ne pouvait être plus éloigné de la vérité, comme l’a montré le procès intenté à Nicolae Ceausescu et à sa femme Elena, qui s’est clos par leur condamnation à mort, en 1989.

Yasser Arafat (gauche) avec le leader roumain Nicolae Ceaucescu pendant sa visite à Bucarest en 1974. (Image source: Musée National d’Histoire Roumaine)

Pacepa a écrit dans le Wall Street Journal :

« En Mars 1978, j’ai fait venir secrètement Arafat à Bucarest pour l’entraîner sur la bonne façon de se comporter à Washington. Ceaucescu a dit [à Arafat] : « il suffit de prétendre – encore, et encore, et encore – que vous rompez avec le terrorisme et que vous êtes prêt à reconnaître Israël » … Ceausescu était euphorique à l’idée qu’Arafat et lui pourraient décrocher un prix Nobel de la paix avec leurs simulacres de branche d’olivier.

« … Ceaucescu ne s’est pas vu décerner le prix Nobel de la paix. Mais en 1994, Arafat a obtenu le sien – en continuant simplement de jouer à la perfection le rôle que nous lui avions assigné. Il avait transformé l’OLP terroriste en gouvernement en exil (l’Autorité palestinienne), faisant semblant de renoncer au terrorisme tout en lui permettant de se perpétuer sans relâche. Deux ans après la signature des Accords d’Oslo, le nombre d’Israéliens tués par des terroristes palestiniens avait augmenté de 73% ».

Dans son livre Horizons Rouges (Presses de la Cité), Pacepa a raconté ce qu’Arafat lui a dit au cours d’une réunion qui se tenait au siège de l’OLP à Beyrouth, à l’époque ou Ceaucescu essayait de rendre l’OLP « respectable » :

« Je suis un révolutionnaire. J’ai consacré ma vie à la cause palestinienne et à la destruction d’Israël. Je ne vais pas changer ou faire des compromis. Je n’accepte rien de ce qui peut aider à faire reconnaît Israël comme un Etat. Jamais … Mais je suis toujours prêt à faire en sorte que l’Occident croit que je veux ce que Frère Ceaucescu me demande de faire. [3]

Dans la National Review, Pacepa a expliqué comment la propagande a pavé la voie du terrorisme.

« Le général Alexandre Sakharovski qui a créé les services de renseignements de la Roumanie communiste, avant de diriger le département du renseignement étranger de la Russie soviétique, m’a souvent répété : « Dans le monde d’aujourd’hui, les armes nucléaires ont rendu la force militaire classique obsolète ; le terrorisme doit devenir notre arme principale ».

Le général soviétique ne plaisantait pas. Rien qu’en 1969, 82 détournements d’avions ont eu lieu dans le monde. Selon Pacepa, la plupart de ces détournements ont été commis par l’OLP ou des groupes affiliés, tous pris en charge par le KGB. En 1971, alors que Pacepa rencontrait Sakharovski à la Loubianka (siège du KGB), le général s’est ainsi vanté : « c’est moi qui ai inventé le détournement d’avions ». Le 11 Septembre 2001, Al-Qaïda a détourné des avions pour les utiliser comme bombes volantes.

Alors, où Mahmoud Abbas se situe-t-il dans ce dispositif ? En 1982, Mahmoud Abbas a étudié à Moscou à l’Institut d’études orientales de l’Académie des sciences de l’URSS. (En 1983, il est devenu un espion du KGB). C’est là, qu’il écrit sa thèse, publiée en arabe sous le titre La face cachée : les relations secrètes entre le nazisme et le mouvement sioniste.Dans ce texte, il nie l’existence des chambres à gaz dans les camps de concentration, met en doute le nombre de victimes de l’Holocauste, appelleles six millions de Juifs assassinés « un fantastique mensonge », tout en rejetant la responsabilité de l’Holocauste sur les juifs eux-mêmes. Son directeur de thèse, Evgueni Primakov, est devenu plus tard ministre des Affaires étrangères de la Russie. Longtemps après l’achèvement de sa thèse, Abbas a maintenu des liens étroits avec les dirigeants soviétiques, les militaires et les membres des services de sécurité. En janvier 1989, il est devenu co-président du Groupe de travail soviéto-palestinen (puis russo-palestinien) sur le Moyen-Orient.

L’information que le leader actuel des Arabes palestiniens a été un acolyte du KGB – dont les machinations ont coûté la vie à des milliers de personnes au Moyen-Orient et ailleurs -, ne peut être considérée comme une « curiosité historique », même si les faiseurs d’opinion contemporains préfèrent l’ignorer ou la considérer comme telle.

Pacepa et Mitrokhine ont lancé leurs mises en garde voilà plusieurs années. Peu de gens ont pris la peine de les écouter. Ils ont eu tort.

Notes

[1] Robert S. Wistrich, ‘A Lethal Obsession’ (2010) p 139.

[2] Robert S. Wistrich, ‘A Lethal Obsession’ (2010), p 148.

[3] Ion Mihai Pacepa, Horizons Rouges (1988) p 92-93.

La Propagande antisémite des pays arabes est celle des Nazis

Par Joël Fishman pour le JCPA- Il est membre du Centre de Jérusalem pour les Affaires Publiques (JCPA) et Président de la Fondation pour la Recherche sur la communauté juive de Hollande, à l’Université Hébraïque de Jérusalem. Il est l’auteur de « Dix ans après Oslo : La guerre populaire de l’OLP et la réponse inappropriée d’Israël », JCPA, Jerusalem Viewpoints No. 503, du 1er septembre 2003, et co-auteur, avec Efraim Karsh, de La guerre d’Oslo (Paris : Éditions de Passy, 2005). Les travaux de Joël Fishman portent sur la conduite de la guerre, et en particulier sur l’utilisation des médias et de la propagande.

25/10/16

Pourquoi la propagande anti-israélienne et anti-juive des pays musulmans ressemble-t-elle tant à la propagande antisémite du IIIe Reich ? Parce que des milliers de nazis se sont réfugiés au Moyen Orient après 1945 où ils ont travaillé à la lutte contre Israël. 

On sait […] que beaucoup de nazis trouvèrent refuge dans le monde arabe. A partir de 1953, l’Egypte en intégra quelque deux mille. Certains travaillaient dans le service secret de Nasser. Certains géraient des camps de concentration. D’autres s’impliquèrent dans la conception et la réalisation de fusées (1).

Parmi cette population, il y avait des spécialistes en propagande antisémite. Depuis l’Egypte, ils répandirent l’antisémitisme dans le monde arabe, ainsi que la doctrine de la négation de l’Holocauste. Ecrivant en 1967, l’historien Kurt Tauber a décrit la situation qui était celle de l’Egypte de Nasser :

«… En plus des dons de la Gestapo et de la SS, il y avait aussi un grand besoin d’autres aptitudes sur le Nil. On nous dit que d’anciennes recrues de Goebbels, initialement sous la supervision du défunt Johann von Leers, jouent un rôle important dans l’appareil de propagande antijuif et antisioniste de Nasser. A ce propos, nous entendons les noms de Werner Witschale, du Baron von Harder, de Hans Appler et de Franz Buensche. Mais un passé d’agent de la Gestapo, de la SS et des services d’espionnage n’empêche pas d’accéder à des carrières attractives au ministère égyptien de la propagande. Walter Bollmann, chef nazi des services d’espionnage en Grande-Bretagne avant la guerre, et plus tard, commandant SS, a servi dans la lutte contre la guérilla et les opérations antijuives en Ukraine ; Louis Heiden, officier SS qui fut transféré au bureau de presse égyptien durant la guerre, Franz Bartel, « vieux combattant » et officier dans la Gestapo ; Werner Birgel, officier SS de Leipzig ; Albert Thielemann, dirigeant SS en Bohème ; Erich Bunz, Major dans la SA et expert dans la question juive ; et le capitaine SS Wilhelm Boeckler, qui participa à la liquidation du Ghetto de Varsovie – sont tous réputés s’être occupés de propagande antijuive pour le compte de Nasser… » (2).

Matthias Küntzel a décrit un résultat majeur du projet égyptien de propagande :

« Cette pénétration des institutions égyptiennes d’après-guerre par une bande de faiseurs d’opinion d’obédience national-socialiste ne pouvait que contribuer […] au fait que, jusqu’à aujourd’hui, le public égyptien n’a guère pris conscience [de ce que l’on connaît des] crimes allemands contre les juifs. Durant près de cinquante ans, a prévalu dans les médias égyptiens le mensonge selon lequel, au XXe siècle, l’Holocauste n’a été rien d’autre qu’un prétexte constamment mis en avant pour justifier l’existence d’Israël… » (3).

Le numéro un des antisémites hitlériens : le cas de Johann von Leers (4).

Puisque la circulation des idées et les questions de continuité historique sont reconnues comme des sujets majeurs, le cas du professeur Johann von Leers (1902–1965) mérite une attention toute particulière. Il fut l’un des idéologues les plus importants du troisième Reich avant de travailler pour le Ministère égyptien de l’information.

En avril 1938, von Leers fut nommé professeur à l’université Friedrich-Schiller à Iéna. Il était spécialiste de « l’histoire juridique, économique et politique sur des bases raciales » (Rechts-, Wirtschafts- und politische Geschichte auf rassischer Grundlage). Il maîtrisait cinq langues : l’anglais, le français, l’espagnol, le hollandais, et le japonais (5). Dans sa jeunesse, il fut membre du mouvement nationaliste de la jeunesse Adler u. Falken (Aigles et Faucons), où il noua là des liens durables avec Heinrich Himmler. Il fut l’un des premiers membres du parti nazi. En 1929, il était devenu l’un des protégés de Goebbels (6).

Von Leers était un membre actif du Mouvement allemand de la Foi, sous le patronage de Himmler. Son objectif était de « libérer l’Allemagne de l’impérialisme judéo-chrétien » en créant, à sa place, une nouvelle religion païenne (7). Avec d’autres, il avait aussi été à l’origine d’un plan pour développer la race aryenne par la procréation. En compagnie d’un certain Friedrich Lamberty- Muck (8) qui prêchait la polygamie, il fut l’inspirateur du projet Lebensborn, activement mis en application par Himmler.

Von Leers était le spécialiste des affaires juives. Partisan déclaré du génocide, il fut l’un des propagandistes les plus radicaux de l’antisémitisme du Troisième Reich. Le philosophe juif, Emil Fackenheim, a expliqué que von Leers défendit une position selon laquelle « les États qui hébergent des JUIFS hébergent la peste, et le Reich a le devoir moral et le droit légal de conquérir ces pays parce qu’il doit aller jusqu’au bout de sa lutte sans merci pour éradiquer la peste. » (9).

Dans une communication personnelle avec Fackenheim, l’historien Erich Goldhagen expliquait « que, si la comparaison avec les bacilles était, bien sûr, banale chez les nazis, von Leers prenait une attitude originale en ne cachant pas derrière des euphémismes son appel au meurtre de masse. » Après sa mort, « sa veuve [Gesina Fischer née Schmaltz] qui partageait ses opinions, rentra en Allemagne, et mit les néo-nazis dans l’embarras en défendant ouvertement l’extermination des juifs par Hitler, au lieu de ranger le génocide parmi ses « erreurs » (10).

Von Leers possédait d’indéniables talents, qu’il a déployés pour asseoir les bases idéologiques de la collaboration du nazisme et de l’islam sur leur haine commune envers les juifs (11). Après la guerre, il a poursuivi son action en Égypte. Son travail fut considéré comme très positif, et a été pleinement soutenu.

Herf signale qu’en décembre 1942, von Leers a publié, dans Die Judenfrage, journal d’intellectuels antisémites, un article intitulé « Le judaïsme et l’islam face à face ». Comme le titre l’indique, l’auteur adoptait une perspective hégélienne, et présentait le judaïsme et l’islam en termes de thèse et d’antithèse. Cet essai mettait également en lumière le point de vue nazi obséquieux, que von Leers projetait sur le passé de l’islam, de même que l’intensité de sa haine du judaïsme et des juifs. Le passage suivant est extrait du texte original. L’auteur remercie le professeur Herf d’avoir mis à sa disposition ce document remarquable, dont il paraphrase ou cite directement des fragments:

« L’hostilité de Mahomet envers les juifs a eu une conséquence : les juifs d’Orient ont été totalement paralysés. Leur assise a été détruite. Le judaïsme oriental n’a pas réellement participé à l’extraordinaire montée en puissance du judaïsme [européen] au cours des deux derniers siècles. Repoussés dans la saleté des ruelles du mellah [dans les villes marocaines, c’est le quartier juif entouré de murs, analogue au ghetto européen] (12), les juifs ont mené là une vie misérable. Ils ont vécu sous une loi spéciale [celle d’une minorité protégée], qui contrairement à l’Europe ne leur permettait pas de pratiquer l’usure ni même le trafic de marchandises volées, les maintenant dans l’oppression et l’angoisse. Si le reste du monde avait adopté une politique semblable, nous n’aurions pas de question juive [Judenfrage]… En fait, en tant que religion, l’islam a rendu un service éternel [au monde] : il a empêché la conquête menaçante de l’Arabie par les juifs. Il a vaincu, grâce à une religion pure, le monstrueux enseignement de Jéhovah. C’est ce qui a ouvert à de nombreux peuples la voie vers une culture supérieure… » (13).

Pour sa part, lors de sa rencontre avec Hitler, le 21 novembre 1941, et dans ses émissions de radio, l’ancien mufti de Jérusalem, Haj Amin Al-Husseini, affirmait que les juifs étaient les ennemis communs de l’islam et de l’Allemagne nazie (14). L’ancien mufti fit de fréquents déplacements dans les Balkans pour y encourager les unités musulmanes SS. Les radios de l’Axe ont fidèlement rendu compte de ces visites. Au cours de son émission du 21 janvier 1944, il [Haj Amin] soulignait :

« Le Reich mène le combat contre les mêmes ennemis, ceux qui ont spolié les musulmans de leurs pays et anéanti leur foi religieuse, en Asie, en Afrique et Europe… Le national-socialisme allemand lutte contre les juifs partout dans le monde. Comme le dit le Coran: « Tu apprendras que les juifs sont les pires ennemis des musulmans ». Les principes de l’islam et du nazisme sont très proches, en particulier dans leur affirmation des valeurs du combat et de la fraternité d’armes, dans la prééminence du rôle du chef, dans l’idéal d’Ordre. Voila ce qui rapproche étroitement nos valeurs et facilite la coopération. Je suis heureux de voir, dans cette unité de musulmans SS, la mise en pratique indiscutable de nos deux visions du monde » (15).

Après la guerre, von Leers a habité incognito en Italie jusqu’en 1950, puis il a fui en Argentine, où il a travaillé comme rédacteur en chef du mensuel nazi, Der Weg. Il a établi dans ce pays des contacts étroits avec Adolf Eichmann. Après la chute de Perón en 1955, il est parti au Caire, où il a obtenu un poste au Ministère égyptien de l’information. Avec le soutien de l’ancien mufti, qui vivait, lui aussi, en Égypte, il se convertit à l’islam et prit pour noms Mustafa Ben Ali et Omer Amin Johann von Leers (16).

Von Leers a contribué financièrement à la publication d’une édition arabe des Protocoles des Sages de Sion. Il a redonné vie aux accusations de meurtres rituels, organisé la diffusion d’émissions de radio antisémites en plusieurs langues, encouragé les mouvements néo-nazis dans le monde entier, et entretenu une correspondance chaleureuse avec les premiers révisionnistes de l’Holocauste, dont Paul Rassinier (17). On a rapporté que von Leers aurait été le premier à imaginer l’idée d’une nationalité palestinienne autonome, dans le cadre de la guerre plus large contre Israël (18).

En plus de ses obligations professionnelles quotidiennes, Johann von Leers était actif au titre de « contact pour l’organisation des anciens membres des SS (ODESSA) en territoire arabe (19). » Et bien sûr, ce fut son vieil ami, Haj Amin Al-Husseini, qui lui trouva un poste de conseiller politique au Ministère égyptien de l’information (20). Dans son discours de bienvenue au Caire, l’ancien mufti déclara à l’adresse de von Leers : « Nous vous remercions de prendre part à la bataille contre les forces du Mal incarnées par les juifs du monde entier » (21).

Si la propagande anti-israélienne et antijuive actuelle des Arabes parait très proche de celle du Troisième Reich, ce n’est pas tout à fait par hasard.

Notes :

(1) Jennie Lebel, Haj Amin ve-Berlin [Haj Amin et Berlin] (Tel Aviv : par l’auteur, 1996), 210-13 [en hébreu]. Voir également Sanche de Gramont, « Nasser’s Hired Germans » [Les Allemands engagés par Nasser], Saturday Evening Post, 13-20 juillet 1963, 60-64.

(2) Kurt P. Tauber, Beyond Eagle and Swastika; German Nationalism since 1945 [Par delà l’aigle et la swastika; le nationalisme allemand depuis 1945] (Middletown, CT: Wesleyan University Press, 1967) II, 1115. L’auteur est redevable à Kevin Coogan pour cette référence.

(3) Matthias Küntzel, Jihad und Judenhass: Über den neuen antijuedischen Krieg [Le djihad et la haine des juifs : sur la nouvelle guerre antijuive] (Freiburg: Ça ira, 2002), 50-51 [en allemand].

(4) Description de Kurt P. Tauber, Beyond Eagle and Swastika [Par delà l’aigle et la swastika], II, 1269.

(5) Bundesarchiv-Findmittelinfo. Voir également Robert S. Wistrich, Who’s Who in Nazi Germany [Qui est qui dans l’Allemagne nazie] (Londres : Routledge, 1995), 153.

(6) Schaul Baumann, The German Movement of Faith and Its Founder Jakob Wilhelm Hauer (1881-1962) [Le mouvement allemand de la foi et son fondateur, Jakob Wilhelm Hauer (1881-1962)], dissertation doctorale, Université Hébraïque, 1998, 241, n. 49. Voir également Ulrich Nanko, Die Deutsche Glaubensbewegung: Eine historische und soziologische Untersuchung [Le mouvement allemand de la foi : recherche historique et sociologique] (Marburg: Diagonal, 1993), passim [en allemand].

(7) Karla Poewe, New Religions and the Nazis [Les nouvelles religions et les nazis] (New York et Londres : Routledge, 2006), 25.

(8) Schaul Baumann, Die Deutsche Glaubensbewegung und ihr Gruender Jakob Wilhelm Hauer (1881-1962) [Le mouvement allemand de la foi et son fondateur, Jakob Wilhelm Hauer (1881-1962)], Alma Lessing (Marburg : Diagonal-Verlag, 2005), 171, n. 358 [en allemand].

(9) Emil L. Fackenheim, To Mend the World: Foundations of Post-Holocaust Jewish Thought [Réparer le monde : Fondements d’une pensée juive après l’Holocauste] (Bloomington et Indianopolis : Indiana University Press, 1994), 184.

(10) Ibid., note de bas de page.

(11) Voir : Jeffrey Herf, « Convergence: The Classic Case, Nazi Germany, Anti-Semitism and Anti-Zionism during World War II » [Convergence : Le cas classique, l’Allemagne nazie, l’antisémitisme et l’antisionisme pendant la Deuxième Guerre mondiale], The Journal of Israeli History 25 : 1er mars 2006), 66-79. Dans ce texte, Herf a établi que c’était la politique officielle et « un élément d’un vaste effort stratégique », comme le montrent les directives à la presse et les textes eux-mêmes, « courtiser les Arabes pour qu’ils se joignent aux puissances de l’Axe » (p. 67). Il en a résulté « une convergence de l’antisémitisme et de l’antisionisme dans le régime nazi (p. 72).

(12) Wikipedia.

(13) “Judentum und Islam als Gegensaetze,” Die Judenfrage vol. 6, numéro 24 (15 décembre 1942) : 278. cité et commenté par Herf, The Jewish Enemy [L’ennemi juif], 181.

(14) Gerald Fleming, Hitler and the Final Solution [Hitler et la solution finale] (Berkeley : Publications de l’Université de Californie, 1984), 101-105. Ce chapitre décrit la visite de l’ex-Mufti à Hitler, le 21 novembre 1941, et contient le protocole de leur discussion.

(15) Maurice Pearlman, Mufti of Jerusalem: The Story of Haj Amin el Husseini [Le Mufti de Jérusalem : Histoire de Haj Amin El Husseini (Londres: Gollancz, 1947), 64.

(16) Lebel, Haj Amin, 212.

(17) Les amis de Rassinier.

(18) Wikipedia.

(19) Bundesarchiv-Findmittelinfo.

(20) Wistrich, Hitler’s Apocalypse [L’Apocalypse de Hitler], 176.

(21) Lewis, Semites and Anti-Semites [Sémites et Antisémites], 207.

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