lundi 20 octobre 2014, parNazislamisme Turc
Après avoir perpétré le génocide arménien dont ce sera le centenaire l’année prochaine, la Turquie compte sur l’EI pour faire la même chose avec ses Kurdes.
La Turquie assiste sans bouger aux tueries des Kurdes par les djihadistes. Ici fuite des civils kurdes.
Depuis le 8 août, les États-Unis bombardent sans relâche les combattants de l’État islamique en Irak. Plus de 40 pays ont donné leur accord à des frappes aériennes ou à une aide humanitaire. Jusqu’à maintenant, des milliers de sorties d’avions de guerre et des centaines bombardements ont été faits sans grand résultat pour contrer l’avancée de l’État islamique. Le porte-parole de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, est même préoccupé par la situation sécuritaire et humanitaire dans la région kurde en Syrie. La situation des Kurdes apparaît même de plus en plus désespérée. Il faudrait commencer à se demander pourquoi tous les efforts de la grande alliance contre ces islamistes sanguinaires ont échoué. En remettant à leur place les pièces du casse-tête, on peut toutefois voir un drapeau turc.
La Turquie est plus que le point faible de la coalition dans ce combat. Au minimum, l’attitude actuelle du président turc, Recep Tayyip Erdogan, justifie le soupçon de connivence avec l’EI. Il aide depuis longtemps les mouvements syriens les plus radicaux pour accélérer la chute du régime de Damas. La Turquie a aidé directe et indirecte l’expansion du groupe jihadiste armé qui a pris de larges portions des territoires irakiens et Syriens. Elle a d’ailleurs affrété des avions qui ont amené des djihadistes étrangers jusqu’aux aéroports de Mitiga et de Misrata en Libye. Ce pays achète aussi clandestinement le pétrole tiré des territoires conquis.
Secondée par l’Arabie Saoudite et le Qatar, la Turquie s’est mise à la meilleure position pour nuire aux efforts de la coalition contre l’EI. Elle joue double jeu et la supposée coopération militaire qu’elle donne lui permet de juguler le flot de combattants kurde vers les sites que l’EI attaque en Syrie. Alors que l’organisation Etat islamique envoie des renforts vers Kobané, les Kurdes ne peuvent en recevoir, car la Turquie bloque leurs combattants à sa frontière. Ankara interdit même aux Kurdes syriens de retourner pour défendre Kobané. Que l’ONU demande à la Turquie de laisser passer ces volontaires et dit craindre le massacre des civils qui n’ont pas encore quitté la zone n’émeut pas le président turc. Le refus du gouvernement d’Ankara d’intervenir militairement pour empêcher la chute de la ville frontalière kurde de Syrie aux mains des jihadistes parle de lui-même.
Washington peut dépêcher autant d’envoyés spéciaux dans la capitale turque qu’il veut pour discuter de mesures destinées à faire progresser l’effort militaire contre l’EI, cela ne donnera pas grand-chose. Les jihadistes permettent au président turc de s’économiser le processus de paix en cours depuis plusieurs mois avec le parti des travailleurs du Kurdistan. Après trente années de rébellion du peuple kurdes et 40 000 morts, EI termine maintenant le travail. C’est donc sans surprise que le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, affirme qu’il n’était pas réaliste d’envisager que son pays mène une intervention militaire terrestre contre ces combattants. Les violentes manifestations de la communauté kurde contre le gouvernement islamiste d’Ankara devraient pourtant avoir mis la puce à l’oreille des dirigeants de pays qui croient encore en la bonne foi de la Turquie. Le centenaire du génocide arménien en 2015 montre l’étendue de la brutalité turque dans ses relations avec ses minorités. Au cours des dernières années, la Turquie n’a fait aucun pas vers la normalisation des relations avec les Arméniens. Non seulement, elle n’a pas reconnu le génocide, mais elle se prépare à rajouter les Kurdes à la liste.
La Turquie n’est une alliée de l’OTAN que sur papier. Si le parlement turc a voté une motion qui autorise son armée à intervenir en Syrie et en Irak, il n’est pas certain que ce sera contre l’EI. Les troupes étrangères qui participent aux opérations militaires pourraient subir des tirs amis si une position vitale des islamistes est menacée. La déclaration à Varsovie du nouveau secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, que cette organisation est prête à soutenir la Turquie pourrait être problématique si la menace vient d’une révolte des 15 millions de Kurdes du pays. Le président turc a déjà déclaré un couvre-feu militaire dans six provinces du sud-est et à Diyarbakir, la capitale kurde. Pour décourager toute manifestation la nuit, il envoie des hélicoptères larguer des gaz lacrymogènes en début de soirée. Il fait aussi surveiller les grands axes par des blindés surmontés de mitrailleuses. L’OTAN risque de se retrouver à prendre part à un génocide.
Quelles que soient les paroles qui sortent de la bouche de Recep Tayyip Erdogan, dans les faits, celui-ci aide l’EI à le débarrasser des Kurdes. Il pourrait donc être utile pour éviter un massacre de civils innocents, de ne plus fournir au gouvernement turc de renseignements stratégiques puisque les mouvements sur le terrain montrent que ceux-ci sont relayés quotidiennement à l’EI. D’autres chemins doivent être rapidement trouvés pour déjouer l’interdiction turque et permettre aux combattants kurdes d’aller en Syrie. La communauté internationale a une responsabilité d’arrêter un massacre qui touche chaque jour toujours plus d’innocents. En 2014, il ne devrait plus être possible à un pays d’empêcher de prévenir des massacres de population.
Michel Gourd
Par Le Matin | 13/10/2014 14:29:00