Par les docteurs John J. Bimson et David Livingston
Publié à l’origine dans Biblical Archaeology Review – Sept/Oct 1987
Article traduit et reproduit avec permission (lien vers original en bas de page)
(c) Archéologue Dr. David P. Livingston, Ph.D.
Parmi les spécialistes de la Bible et les archéologues, on considère presque comme un axiome que les Israélites sont entrés en Canaan aux environs de 1230 / 1220 av. J.-C. En terme de période archéologique, cela se situerait vers la fin de la période du Bronze Final, c’est-à-dire selon les Dates Généralement Acceptées (DGA) la période 1550 à 1200 av. J.-C.
Il existe cependant d’énormes problèmes avec cette datation.
Ces dernières décennies un nombre croissant de spécialistes ont reconnu que si on acceptait les DGA de 1230 / 1220 av. J.-C pour l’entrée des israélites en Canaan, il fallait rejeter le récit biblique de la conquête des villes de Canaan. Et ceci parce que les indications bibliques sont en forte opposition avec les données archéologiques. La Bible décrit la conquête israélite de Canaan en détail et fait référence à un certain nombre de villes que Josué et ses armées ont rencontrées. Dans pratiquement chaque cas les preuves historiques n’ont pratiquement aucun rapport avec les données bibliques – si nous datons l’entrée des israélites en Canaan selon les DGA.
Jéricho fut la première ville rencontrée par Josué et les israélites après avoir traversé le Jourdain (Josué chap. 2 et 6). Selon la Bible, les israélites conquirent et détruisirent Jéricho. Mais selon les archéologues – et le site a été abondamment fouillé – il n’y avait aucune ville à détruire à Jéricho en 1230 / 1220 av. J.-C.. De toute évidence on n’a trouvé aucune trace d’occupation de la ville entre 1300 av. J.-C et le 11ème siècle av. J.-C, date probable des premiers vestiges de l’Age du fer.
Aï fut la la ville suivante sur la route des israélites. La Bible donne un récit détaillé de la bataille de Aï qui a conduit à la destruction de la ville (Josué chap. 7 et 8). En dépit de fouilles intensives sur le site communément identifié comme étant les restes de Aï, les archéologues n’ont trouvé aucune preuve d’occupation entre env. 2400 et 1200 av. J.-C. Vers 1200 av. J.-C un petit village sans muraille s’est implanté sur le site, qui a duré jusque vers 1050 av. J.-C.
A Gabaon, avec qui Josué a conclu un traité, selon la Bible (Josué chap. 9), aucune cité du Bronze Final n’a été trouvé. James B. Pritchard, qui y a mené les fouilles, a commenté les anomalies découvertes à Jéricho, Aï et Gabaon en déclarant » cela suggère que nous sommes devant une impasse quant à vouloir soutenir la vision traditionnelle de la conquête par les preuves archéologiques »
Mais ce n’est que le début.
La Bible nous dit que Josué a donné Hébron à Caleb à l’époque de la conquête (Josué chap. 14 vers. 13, 15 – chap. 15 vers. 13,14 – Juges chap. 1 vers. 20). A Hébron les fouilles menées dans les années 1960 n’ont produit que quelques rares vestiges datés entre le Bronze Moyen (autour de 1550 av. J.-C) et la dernière phase de l’âge du Fer 1 (11ème siècle av. J.-C) et aucune trace d’occupation de la ville au 13ème siècle av. J.-C.
Hormah / Zephath est montrée comme une ville florissante au moment de la conquête (Nombres chap. 21 vers. 1,3 – Juges chap. 1 vers. 17) mais les fouilles du site considéré comme Hormah / Zephath (Tell Masos) ont révélé une fortification de la période le Bronze Moyen II (env. 1900 – 1550 av. J.-C) et une occupation à l’âge du Fer (12ème siècle av. J.-C), mais aucune trace d’occupation.
Lors de leur marche sur Canaan, les israélites ont rencontré l’opposition du roi d’Arad (Nombres chap. 22 vers. 1 – chap. 33 vers. 40), mais Arad était abandonné depuis la fin de l’âge du Bronze Ancien (3ème millénaire av. J.-C) . Aucune trace d’occupation de l’âge du Bronze Récent ne fut trouvée. La dernière suggestion du Pr Yohanan Aharaoni que la ville cananéenne d’Arad devait se situer à Tell Malhata, env. 10 kilomètres au sud-ouest de Tell Arad, n’a apporté aucune solution au problème, parce qu’on n’y trouve aucune preuve d’une quelconque occupation entre la fin du Bronze Moyen (autour de 1550 av. J.-C) et l’âge du Fer II (10ème siècle av. J.-C).
Ainsi, sur 6 sites qui figurent dans le récit biblique de la conquête, il n’y a que peu ou pas du tout de preuve d’une occupation lors de la période du Bronze récent. Ce que nous avons, ce sont 6 villes qui n’existent pas à la période conventionnellement attribuée à Josué.
Et il y a encore d’autres problèmes. Débir, une des villes conquises par Israël (Josué chap. 10 vers. 38, 39 – chap. 15 vers. 15,19 – Juges chap. 1 vers. 11, 15) est maintenant identifiée, avec une quasi-certitude, avec Khirbet Rabud, comme le soutient Moshe Kochavie, plutôt qu’avec Tell Mirsim, comme l’avait affirmé William F. Albright. Bien qu’il y ait certainement eu une ville importante sur le site lors du Bronze récent, il n’y a aucune trace de sa conquête à la fin du 13ème siècle av. J.-C.
A Lakish, autre ville conquise par les Israélites (Josué 10 : 31-32), une destruction a bien eu lieu à la fin de la période du Bronze Final, qu’Albright a daté aux environs de 1230-1220 avant J-C. et qui a été attribuée aux envahisseurs israélites. Toutefois, de récentes fouilles archéologiques ont conduit l’archéologue David Ussiskhin à redater cette destruction aux alentours de 1150 avant J-C. ou même légèrement plus tard. Les restes de Lakish datant de l’âge de Bronze Final ne peuvent donc plus être considérés comme une preuve de la conquête des israélites à la fin du 13ème siècle avant J-C.
Ceci ne constitue pas la liste exhaustive des villes mentionnées dans les récits traditionnels de la conquête, mais les villes restantes ne peuvent pas être l’objet de discussions fructueuses, soit parce que leur identification est incertaine ou parce qu’il n’y a pas encore eu de fouille archéologique satisfaisante. Mais même si chacun de ces sites restants correspondaient parfaitement aux récits traditionnels, il y aurait malgré tout davantage de villes problématiques, si on date la conquête au 13ème siècle avant J-C., que de villes qui que l’on puisse corréler positivement aux récits Bibliques. Sur les nombreuses villes citées comme ayant été conquises par les Israélites dans Josué et Juges 1, seulement Hazor et Bethel (Beitin) ont des couches montrant des destructions pouvant dater de la 2ème partie du 13ème siècle avant J-C. Deux villes détruites peuvent difficilement offrir la preuve d’une conquête, surtout lorsqu’il n’y a aucune preuve que les attaquants aient été Israélites. Ces destructions auraient pu résulter de toutes autres causes comme les campagnes Egyptiennes, ou bien même d’une guerre civile entre ces villes.
Cette « faible adéquation » entre la tradition biblique et les preuves archéologiques est reconnue par les spécialistes, dont la majorité accepte néanmoins de dater l’entrée d’Israël en Canaan à 1230-1220 avant J-C.
Comme font-ils face à ce problème ?
Une des approches, qui a acquis un soutien considérable parmi la plupart des membres de la communauté scientifique est d’expliquer l’émergence d’Israël en Canaan par une autre voie que la conquête, ce qui revient à rejeter le récit Biblique. Parmi ces propositions alternatives on trouve la théorie de « l’infiltration pacifique », théorie qui a été longtemps privilégiée par les érudits allemands. Une théorie plus récente est celle prônée par George E. Mendenhall et Norman K. Gottwald, c’est la » la révolté paysanne ». Selon cette théorie, ce que la Bible décrit comme une conquête serait en fait une révolte des paysans contre les habitants des villes qui avaient exercé une domination sur eux.
Nous croyons qu’il y a une meilleure solution, une solution qui rend justice à la tradition biblique et que nous aimerions présenter à nos lecteurs de la « Revue d’Archéologie Biblique ».
Notre solution requiert de faire deux ajustements chronologiques radicaux, sur lesquels nous reviendrons.
Le premier est simple : Déplacer la date de la conquête de 200 ans en arrière jusqu’à quasiment 1400 avant J-C. Bien que cette date de l’émergence d’Israël en Canaan soit en désaccord avec les DGA, c’est en fait celle qui est sous entendue dans la Bible.
Dans 1 Rois 6 : 1 on apprend que Salomon commença de bâtir le Temple la quatrième année de son règne, soit 480 ans après l’exode. Le règne de Salomon peut, avec quasi-certitude, être daté entre 971 et 931 avant J-C.; La quatrième année de son règne correspondrait alors à 967 avant J-C. Selon la chronologie biblique, l’Exode se serait déroulé 480 plus tôt, soit en 1447 avant J-C. ou disons 1450 pour faire simple. En laissant un intervalle de 40 ans pour l’errance du peuple d’Israël dans le désert avant la conquête de Canaan, nous arrivons à une date d’entrée en Canaan qui se situe vers 1410-1400 avant J-C., c’est-à-dire presque 200 ans avant les DGA de 1230-1220 avant J-C. Un autre texte biblique – Juges 11 : 26 – indique que les Israélites se seraient établis en Transjordanie pendant 300 ans à l’époque de Jephté, l’un des juges. Il est communément accepté que Jephté a été juge vers 1100 avant J-C., ce qui daterait l’établissement des Israélites à l’est de la Jordanie 300 ans plus tôt c’est-à-dire vers les 1400 avant J-C., presque 200 ans avant les DGA.
Certes l’utilisation des nombres 480 ans en 1 Rois et de 300 ans en Juges ressemble plutôt à une approximation, des nombres ronds plutôt que le résultat de calculs précis. Le nombre 480 est particulièrement suspect car il équivaut à 12 fois 40, nombres fréquemment utilisés dans la Bible. Cependant, nous nous demandons si ces nombres doivent être rejetés, comme s’ils étaient dénués de sens, comme l’ont fait la plupart des critiques. Comme nous allons le démontrer plus bas, les raisons pour lesquelles les spécialistes ont favorisé les DGA à la chronologie Biblique ont toutes été contredites au cours des dernières années. Dans cette perspective, on peut tout à nouveau considérer la chronologie Biblique comme hypothèse de travail. C’est-à-dire de la tester face aux preuves anti-bibliques et voir ce qu’il en ressort.
Si la DGA pour la conquête de Canaan par Israël offre une corrélation si faible entre les recherches archéologiques et les récits bibliques, posons-nous d’abord la question de savoir comment les dates de 1230-1220 avant J-C. ont été adoptées comme DGA ? La réponse est liée à la datation de l’Exode. Puisque La DGA de la conquête est liée à la DGA de l’Exode nous avons besoin de comprendre comment elle a été déterminée.
Depuis le début du 20ème siècle, une argumentation a été construite sur 3 éléments, que nous allons examiner successivement.
Il est écrit dans Exode 1 : 11 que les Israélites, esclaves en Egypte, » durent bâtir pour le pharaon les villes de Pitom et de Ramsès pour servir de centre d’approvisionnement « . Cette phrase a été utilisée de deux manières pour dater l’Exode. Tout d’abord, le terme même de Ramsès rappelle le nom » Ramsès » que portait l’un des plus illustres pharaons Egyptien, Ramsès II (le grand) qui régna de 1290 à 1224 (ou 1279-1213) avant J-C. En effet, Ce pharaon construisit une résidence royale appelée Pi-Ramsès dans l’Est du delta du Nil. Exode 1 : 11 a de ce fait été utilisé pour indiquer que les Israélites n’ont pas pu quitter l’Egypte avant le règne de Ramsès II. Toutefois, la Bible n’utilise pas le nom de Ramsès avec rigueur chronologique comme le montre le passage dans Genèse 47 : 11. Dans ce verset le nom de Ramsès est utilisé pour décrire la région du Delta dans laquelle le patriarche Jacob et ses fils se sont établis. Comme aucun spécialiste ne date l’établissement d’Israël en Egypte au-delà du 13ème siècle, on admet que dans ce passage, Ramsès est un nom couramment utilisé pour désigner cette région à une époque postérieure. Il est utilisé rétrospectivement. (Tout comme un historien moderne écrirait que Jules César a traversé la Manche).
Y a-t-il des preuves que des constructions aient été érigées sur le site de Ramsès a une période antérieure au règne de Ramsès II ? Oui, il y en a, bien que cela ne prouve pas que le travail de construction ait eu lieu aux environs de 1450 avant J-C. (la date biblique de l’exode). Ces preuves d’occupation antérieure de Pi-Ramsès remontent au 19éme-17eme siècle avant Jésus Christ lorsque pour la première fois une importante cité administrative y a été développée. Des archéologues ont fait sortir de terre l’histoire de cette importante cité dés les années 1930. Ces vestiges sont dans le quartier Khata’na-Qantir à l’Est du Delta, dans le pays de Goshen où les israélites se sont initialement installés (Genèse 47 : 4-6). En effet, les éléments de culture qui ont pu être mis à jour et qui datent de cette période lointaine ont des aspects Syro-palestiniens très marqués, et une étroite ressemblance avec des vestiges de Canaan de la même époque. (Bronze Moyen II). Nous suggérons que cela reflète la migration de groupes de Cananéens (incluant les Israélites) en Egypte. Ces mêmes groupes qui seraient par la suite réduits à l’esclavage et forcés à travailler sur les sites de Pithom et Ramsès. En d’autres termes, nous associons la construction de ces deux villes avec le début de la servitude d’Israël, et non pas à la fin de cet esclavage, des siècles plus tard, à la veille de l’Exode.
Etudions maintenant les preuves concernant Pithom. Il y a deux sites possibles pour le Pithom de la Bible : Tell el Maskhuta et Tell er-Retabah. Ces deux sites se situent à 13 kms l’un de l’autre à Wadi Tumilat à l’ouest du lac Timsah . Nous n’avons pas besoin de débattre pour identifier laquelle des deux est réellement Pithom. Le point important est le suivant : Les mêmes vestiges Syro-Palestiniens (Bronze Moyen II) qui marquent le début de la période sur le site de Ramsès ont également été trouvés dans les deux endroits candidats pour être Pithom. A Tell el Maskhuta, site de Pithom favori pour la majorité des spécialistes, les vestiges les plus anciens sont composés de ce qui ressemble à des installations de stockage de céréales ce qui expliquerait peut-être le terme de » villes d’approvisionnement « .
Les archéologues et les égyptologues ont traditionnellement eu un avis différent au sujet de la culture de la population Syro-Palestinienne de l’Est du Delta. Il l’associe aux ancêtres des Hyksos, un peuple sémite originaire de la région Syro-Palestinienne qui a renversé le trône d’Egypte vers 1650 avant J-C. et y a régné pendant au moins cent ans. Il peut y avoir une part de vérité mais il est tout aussi plausible de suggérer qu’il y a eu d’autres Sémites, en plus des ancêtres des Hyksos, parmi les peuples qui venaient de s’installer . Il y a en effet des preuves à Tell el Maskhuta que certains sémites étaient traités avec brutalité par les Hyksos. Les découvertes de Tell el Maskhuta, datant du Bronze Moyen II, incluent la tombe d’une femme et de son chien , tous deux tués sous les coups d’une hache de combat utilisée par les Hyksos. Nous suggérons que ces autres peuples sémites sont (ou tout au moins comprennent) les Israélites, traités en esclaves par les Hyksos – suivant l’exemple laissé par les Egyptiens.
En résumé, les références à » Pithom et Ramsès » dans Exode 1 : 11 ne peuvent être utilisées pour dater l’Exode au 13ème siècle avant J-C. Les preuves archéologiques prennent tout leur sens si l’on considère plutôt qu’Exode 1 : 11 fait référence au début de l’esclavage des Israélites (vers le 18ème siècle avant J-C.) et non pas à l’Exode.
Une autre explication traditionnelle du choix de la datation de l’Exode au 13ème siècle implique une preuve archéologique provenant de la Transjordanie, mais qui a été mise à mal par des études récentes.
Une étude de la surface de la transjordanie effectuée par Nelson Glueck dans les années 30 lui a permis de conclure qu’une grande partie de la région était restée non peuplée pendant La période du Bronze Moyen II et du Bronze Final, c’est-à-dire, entre le 19èmè et 13ème siècle avant J-C. La tradition biblique (Nombres 20-22) implique l’existence de royaumes puissants à Edom et Moab (ainsi que plus au nord : voir Nombres 21 : 21-35) au moment où Israël traversait la région vers le nord dans sa marche finale vers Canaan. Cela a conduit beaucoup de spécialistes à conclure que la rencontre d’Israël avec Edom, Moab et les autres royaumes à l’Est du Jourdain ne peut être datée avant le 13ème siècle avant J-C. Ceci est devenue l’argumentation standard pour dater l’Exode et la conquête à cette époque et non pas plus tôt.
Néanmoins les conclusions de Glueck ont été fortement modifiées au cours de ces 30 dernières années, mais beaucoup de spécialistes renommés ont été lents à reconnaître les faits. Des recherches et des fouilles plus poussées ont mis en lumière de nombreux établissements de population datant du Bronze Moyen II et du Bronze Final qui n’avaient pas été découverts par Glueck. Par exemple, une étude menée de 1963 à 66 à permis d’y découvrir 18 sites datant du Bronze Moyen II et presque autant datant du Bronze Final I et II. Une recherche de 1975 a permis de découvrir 14 sites datant du Bronze Moyen et 6 du Bronze Final. Davantage de sites datant des 2 périodes ont encore été trouvés lors d’une étude archéologique plus poussée en 1978. J. Maxwell Miller rapporte que les découvertes d’une récente étude dans le centre de Moab semblent indiquer au moins quelques restes dispersés d’habitations datés du début de l’Age du Bronze Moyen dont le nombre augmente au cours du Bronze Final et à l’âge de Fer. Miller continue de commenter » Il n’y a certainement rien ici qui nous fournira un élément de datation précise pour l’émergence du Royaume Moabite ou de l’Exode d’Israël hors d’Egypte. » Autre fait significatif : Dans les sites où les propres recherches de Glueck ont été plus approfondies, il a trouvé, à plusieurs reprise, de la poterie datant du Bronze Moyen II et du Bronze final. Mais lorsqu’il a publié ses conclusions pour la première fois , il n’a pas accordé à ces éléments l’importance qu’ils méritaient. Glueck a cependant révisé certaines de ses positions peu de temps avant sa mort.
Le cas de Dibon mérite une analyse à part : Les fouilles menées à Dhiban, le site supposé de Dibon, la capitale Moabite, ont montré qu’aucune ville n’a existé avant l’âge de Fer (environ 1200-1000 avant J-C.) Pourtant, Dibon est mentionné dans Nombres 21 : 30, 32 : 3, etc, comme une ville existant à l’époque de Moïse. Certains spécialistes ont alors été tentés de résoudre le problème en considérant les références bibliques comme des anachronismes, mais cela ne peut pas être considéré comme correct car il y a des preuves contemporaines de l’existence de Dibon à une époque antérieure. Dibon est quasi certainement mentionné dans une liste topographique Egyptienne datant du règne de Thutmosis III (1490-1436 avant J-C.) et il apparaît de manière certaine dans un texte de Ramsès II (1290-1224 avant J-C.) apportant ainsi la preuve de son existence au moins dès l’âge du Bronze Final. L’explication de cet écart entre les preuves écrites (y compris la Bible) et les vestiges archéologiques réside probablement dans le fait que le Dibon de l’âge du Bronze est situé sur un autre site qui n’a pas encore été découvert.
La même explication s’applique pour Hesbon, une autre ville qui existait à l’époque de Moise selon Nombres 21-31. Des fouilles menées à Tell Hesban n’ont pas permis de découvrir des vestiges datant d’avant 1200 avant J-C. environ. Il est toutefois possible que le Hesbon d’avant cette période puisse se trouver à Tell Jalul, plus au Sud, où se trouve un large monticule dont la surface comporte des tessons datant du Bronze Moyen et du Bronze Final, et qui n’a pas encore été fouillé.
Le point important, et qui a été renforcé à de nombreuses reprises au cours des dernières décennies, c’est que les conclusions de Glueck étaient assurément fausses et il est décevant de trouver des spécialistes qui citent ses découvertes comme si elles étaient encore des preuves valables contredisant une datation antérieure de l’Exode. Bien trop souvent, le choix de dater l’Exode au 13ème siècle a été conservé par la répétition sans fondement de conceptions dépassées.
L’idée qu’Israël soit arrivé en Canaan à la fin de l’âge du Bronze Final (vers 1230-1220 avant Jésus Christ) est tellement enracinée que les spécialistes de la Bible et les archéologues considèrent l’âge du Fer comme » Israélite « , par opposition à la culture » Cananéenne » de l’Age du Bronze Final. Cela préjuge du débat et encourage un raisonnement circulaire : Certains se sont servis de l’apparition de la culture » Israélite » au 13ème siècle pour justifier leur datation de la conquête et du peuplement.
Il n’y a en fait aucune preuve univoque que l’âge du Fer soit associé à l’arrivée des Israélites. En effet, à l’exception de l’introduction de la poterie philistine dans les régions côtières, la continuité entre les cultures de l’âge du Bronze Final et l’âge du Fer est suffisamment grande pour douter que ce dernier marque l’arrivée de quelque peuple que ce soit. Plus important, comme l’a récemment écrit Patricia M. Bikai :
» la transition entre la richesse du Bronze Final et l’apparente pauvreté du début de l’âge de Fer I, est un phénomène qui s’étend à travers toute la culture Cananéenne (et de la Méditerranée orientale) et ne concerne pas uniquement la zone affectée par l’arrivée des Hébreux. »
Donc, quelle que soit la raison de l’étendue de ce changement culturel au début de l’âge de Fer (des raisons climatiques et socio-économiques ont été suggérées), il ne peut pas être attribué aux Israélites.
Nous ne disons pas pour autant que nous ne devrions pas du tout associer l’âge du Fer I aux Israélites. Nous rejetons simplement l’idée que cette période soit une marque de leur arrivée, nous pensons, au contraire, que les Israélites étaient déjà en Canaan pendant la période du Bronze Final. Ils ont participé, au même titre que les autres peuples de la Méditerranée orientale, aux changements qui ont marqué la transition vers l’Age du Fer mais ils ne peuvent pas en être tenus pour responsables.
Nous avons vu qu’il n’y a pas de preuve solide permettant de dater l’Exode et la conquête de Canaan au 13ème siècle avant J-C. Nous sommes donc en droit d’analyser la datation biblique jusqu’alors négligée, qui situerait l’exode quelques 200 ans plus tôt.
Ce n’est pas le lieu pour débattre de la chronologie de l’Exode par rapport à l’histoire de l’Égypte, nous inviterons seulement le lecteur à se tourner vers les autres spécialistes qui ont récemment abordé ce sujet et l’ont daté au 15ème siècle. William H. Shea a fourni un scénario attrayant (bien qu’il ne soit pas infaillible) qui le situe en 1450 avant J-C., à la fin du règne de Thutmosis III. Nous avons déjà bien exposé dans notre revue la théorie d’Hans Goedicke qui situe l’exode lors de la corégence de Thutmosis III avec Hatsheput, vers 1471 avant J-C. Ces deux dates peuvent varier quelque peu car plusieurs techniques de datations sont utilisées pour situer la 18ème dynastie d’Egypte, à laquelle appartenait Hatsheput et Thutmosis III. De plus, d’autres scénarios sont envisageables.
Mais une nouvelle datation de l’exode ne résout qu’une partie du problème, qu’en est-il de la conquête? Si nous datons la conquête peu avant 1400 avant J-C., les récits bibliques concorderaient-ils avec les preuves archéologiques ? Si nous acceptons les dates actuellement attribuées aux périodes archéologiques, nous devons encore une fois répondre » Non « . La date que nous proposons pour la conquête de Canaan, c’est-à-dire la fin du 15ème siècle avant J-C., n’offre pas plus de preuves archéologiques d’une éventuelle conquête par Israël des villes cananéennes, que la DGA de 1230-1220 avant J-C. Mais nous avons une nouvelle proposition à avancer qui change la donne de manière radicale.
Avant d’exposer notre seconde hypothèse, nous devons expliquer ce que sont les périodes archéologiques. Les spécialistes ont divisé l’histoire antique en périodes successives basées sur les discontinuités culturelles observées lors des recherches archéologiques. Nous avons donc d’abord l’Age de Bronze, suivi par l’âge de Fer, et des éléments probants montrent la discontinuité entre ces deux périodes. Mais nous n’avons besoin de datation absolue, ni même d’attribuer une durée exacte à chaque période. Avec l’accumulation des découvertes archéologiques, ces périodes ont été subdivisées selon ce même principe de discontinuité. Puis des dates absolues ont été attribuées au début et à la fin de chaque sous-période. Cette chronologie a été précisée et elle et a été largement acceptée par la communauté scientifique, bien qu’il reste encore bien des points de désaccord plus ou moins importants.
Nous aimerions suggérer un changement de la datation de la fin de la période désignée par les archéologues comme le Bronze Moyen II (BM II). Nous souhaiterions avancr la fin du BM II de presque un siècle, de 1550 jusqu’à 1420 avant J-C. Puisque le Bronze Final commence quand le Bronze Moyen prend fin, cela implique que la date du début du Bronze Final serait également avancée de 1550 jusqu’à 1420 avant J-C. (il n’est pas nécessaire de changer la date de fin du Bronze Final, on conserve la DGA : environ 1200 avant J-C. qui marque également le début de l’âge de Fer I).
Avec ces ajustements, les évènements qui se sont déroulés à la fin du Bronze Moyen se sont en fait déroulés vers 1420 avant J-C. au lieu de 1550 avant J-C. Lorsque l’on date la fin du BM II à cette période, les preuves archéologiques et le récit biblique de la conquête de Canaan concordent quasiment parfaitement.
Les villes de la période du BM II étaient caractérisées par d’imposantes fortifications. A cet égard, cela concorde parfaitement avec les descriptions bibliques de Canaan à l’époque de la conquête. C’est ce dont se plaignaient les espions envoyés par Moise en Nombres 13 : 28 » Les villes sont fortifiées, et sont très grandes » les villes de Canaan étaient trop fortifiées pour être conquises. » Ce sont des villes grandes et fortifiées jusqu’au ciel » (Deutéronome 1 : 28). Les récits de la conquête fournissent d’autres confirmations que les villes auxquelles étaient confrontés les Israélites avaient des murs d’enceinte et des portes. (Voir Josué 2 : 15, 6 : 1, 5, 7 : 5, 8 : 29, 10 : 20, 14 : 12, etc.) C’est à cause de ces fortifications que Josué évita de mener d’emblée une guère de siège, qui n’offrait que peu de chances de succès, mais qu’il employa au contraire de nombreuses autres tactiques.
Alors que la représentation biblique est parfaitement conforme à la situation du BM II, elle ne semble pas du tout conforme à celle du Bronze Final. (Souvenons-nous que l’opinion actuellement prédominante chez les spécialistes est qu’Israël est entré en Canaan à la fin du Bronze Final , c’est-à-dire vers 1230-1220 avant J-C.) Une étude récente de Rivka Gonen a révélé que, contrairement à ce qu’avaient supposé plusieurs spécialistes, les villes de l’époque du Bronze Final n’étaient pas fortifiées et étaient plus petites que celles de leurs prédécesseurs du BM II. De plus, de nombreuses villes cananéennes fortifiées ont été détruites à la fin du BM II. Jéricho était une grande ville fortifiée du BM II et a pourtant été détruite par le feu à la fin de cette période (Josué 6 : 24). A Gabaon et Hébron, des villes habitées pendant le BM II ont laissé place à des territoires inoccupés. En acceptant la proposition de Yohanan Aharoni qui propose la localisation de l’ancienne ville d’Arad à Tell Malhata, on constate qu’elle aussi fut habitée pendant la période du BM II et suivie d’une période d’inoccupation ; le cas est similaire pour Hormah si on l’identifie à Tell Masos. Aharoni reconnaît lui-même que la situation décrite dans la Bible :
correspond exactement à celle du Bronze Moyen lorsque deux Tells, et seulement deux Tells, ont défendu l’Est du Néguev contre les maraudeurs du désert, et les preuves conduisent à l’identification de ces tells aux anciennes villes d’Arad et d’Homah. »
Aharoni décrit cela comme » une conclusion des plus saisissante « , pourtant il n’a pas entrepris la démarche logique de placer la conquête à la fin du BM II, au lieu de cela, il a simplement écrit :
» La tradition biblique préserve une description fidèle au contexte historique et géographique qui existait 300 ans avant la conquête. »
Si l’on retourne à notre liste de villes, Lakish et Hazor étaient toutes deux de grandes villes du BM II, et les deux sont tombées entre les mains de leurs attaquants à la fin de cette période, tout comme Béthel si l’on accepte qu’elle s’identifie à Beitin. Des fouilles très limitées à Debir (Khirbet Rabud) n’ont pas permis de découvrir de vestiges datant du Bronze Moyen mais quelques tessons ont été trouvés à la surface. Ces derniers peuvent indiquer l’existence d’une population pendant cette période, et nous espérons que des fouilles plus approfondies seront entreprises sur ce site très important et qu’elles incluront la partie inférieure des versants afin de lever les zones d’ombres.
A Taanach, Meguiddo, Guézer, Beth Shéan et d’autres villes que les Israélites n’ont pas réussi à conquérir aux Cananéens. (Juges 1 : 27), la transition entre le Bronze Moyen et le Bronze Final s’est déroulée sans les périodes d’inoccupation repérées ailleurs. En effet, les régions touchées par les destructions qui ont eu lieu à la fin du BM II, correspondent aux zones dans lesquelles les Israélites s’étaient établis, alors que les villes qui ont été épargnées sont situées à l’extérieur de cette zone.
Ainsi, nous trouvons une corrélation remarquable entre la tradition biblique et les preuves archéologiques quand la conquête est située à la fin du BM II.
La seule exception semble être Ai. Ai est dépourvue aussi bien de vestiges datant du Bronze Moyen que du Bronze Final. Cela pose donc un problème autant pour les dates conventionnelles (1230-1220 avant J-C., fin du Bronze Final) que pour les dates que nous proposons. (env.1420 av J-C., à la fin du Bronze Moyen). Mais nous croyons avoir la solution à cette anomalie. Cela nous emmène à notre dernier argument majeur. Selon nous, le site d’Aï a été mal identifié.
Aï est presque universellement identifié à Khirbet et-Tell (ci-après appelé simplement et-Tell), mais nous pensons que cette identification est erronée. Notre opinion repose sur deux arguments. Le premier argument est la correspondance supposée entre la ville appelée » Aï » dans la Bible et le nom moderne de sa ruine c’est-à-dire » et-Tell » Et-Tell signifie en arabe moderne » une colline constituée par un empilement de ruines « . Dans la bible, l’endroit conquis par Josué est toujours appelé ha-Ai, » la Aï « . Ai a longtemps été compris comme signifiant » ruine » donc on suppose que ce site était connu comme » la Ruine « . De nombreux spécialistes de la Bible ont présumé que le nom moderne » et-Tell » était la traduction d’Aï qui était supposée vouloir dire » ruines « . Cependant, Ziony Zevit a récemment démontré que cette équation pouvait être sérieusement remise en question et a conclu que » toute connexion entre le nom hébreux et le nom arabe pour ce site doit être rejetée. » Ai, dit-il, ne peut pas être associé au mot » ruine « .
Le second élément qui a permis d’identifier Ai à et-Tell est sa proximité avec Béthel. Il est clair que de nombreuses références bibliques mentionnent Ai comme proche de Bethel, à l’Est plus précisément (Genèse 12 : 8 , Josué 7 : 2 , 8 : 9, 12, 12 : 9). Béthel a été traditionnellement localisé à Beitin. Il y a seulement 3 sites autres que et-Tell qui aurait pu être identifiés à Ai (Khirbet Haiyan, Khirbet Khudriya and Khirbet Haiy) mais toutes ont été éliminées suite aux sondages qui ont eu lieu dans les années 1960 lors des fouilles de Joseph Callaway. Ils ont uniquement révélé d’anciens vestiges. Pourtant, Callaway – et bien d’autres – ont conclu qu’et-Tell était le seul site possible pour Ai.
Mais il y a quelque chose de fallacieux dans ce raisonnement – l’identification même de Béthel est erronée. Beitin fut premièrement identifiée à Bethel en 1838 par le topographe et spécialiste biblique américain, Edward Robinson. Il publia ses conclusions en 1841 et elles ont été généralement reconnues depuis. Robinson mit en avant deux raisons principales pour son choix d’identification : La première fut le nom lui-même, Beitin, qu’il a considéré comme un exemple d’un phénomène linguistique attesté dans les changement de lettres finales des noms, lorsque l’on passe de l’Hébreux à l’Arabe. Lorsque le nom finit par un « l » faible en Hébreux, il devient « n » (nun) en Arabe. C’est pourquoi il considéra Beitin comme l’équivalent arabe logique de Béthel. Le nom seul ne peut toutefois pas être accepté comme preuve car il est bien connu, comme William F.Albright l’a énoncé il y a déjà longtemps, » les noms des villes et villages sont fréquemment déplacés à une échelle locale assez considérable « . Il y a de longs intervalles dans l’histoire de la localisation de Béthel. On peut noter un intervalle d’environ 1400 ans, entre 400 après J-C. et la première utilisation attestée du nom de Beitin au début des années 1800. Si on ne s’appuie que sur ces éléments, il est fort probable que le nom ait subi un déplacement géographique.
L’autre raison invoquée par Robinson pour l’identification de Beitin avec la cité de Béthel de la Bible, concerne les auteurs patristiques, Eusèbe de Césarée (269-339 après J-C.) et Jérôme (345-419 après J-C.). Dans l’Onomastique d’Eusèbe de Césarée, que Jérôme a révisé et amplifié, il est mentionné que » Béthel » se situe à (ou à coté de) la 12ème borne milliaire romaine à partir d’Aelia (Jérusalem) » côté Est de la Route vers Néapolis (Sichem-Naplouse). En 1838, Robinson estima la distance entre Beitin et Jérusalem selon le temps qu’il mettait pour faire le trajet à cheval et conclut que Beitin était correctement située au Nord de Jérusalem. Nous ne devrions pas nous moquer de la méthode de Robinson pour mesurer la distance car c’était le seul moyen qu’il pouvait utiliser à l’époque mais elle laissait certainement à désirer. Si l’on mesure la distance avec un odomètre moderne en suivant quasiment partout la route romaine et si l’on prend en compte les bornes milliaires découvertes depuis les recherches de Robinson, les mesures modernes situent approximativement Beitin à la 14ème borne milliaire et non la 12ème. (Un mile romain équivaut à 1480 mètres).En résumé, la preuve patristique utilisée par Robinson pour confirmer son identification vient finalement l’infirmer. Beitin est situé trop au nord de Jérusalem.
Il y a d’autres objections à l’identification de Bethel avec Beitin. Selon Genèse 12 : 8, une montagne s’étend à l’est de Béthel, entre Béthel et Ai. Mais à l’est de Beitin on trouve une vallée au lieu d’une montagne. Robinson admit lui-même qu’ « il n’y avait pas de sommets ou de collines autour de Beitin. » Cela n’est pas du tout conforme à la situation dépeinte dans Genèse 12 : 8. Selon le texte biblique, Béthel se situe à la frontière entre Benjamin et Ephraim (Josué 16 : 1-3, 18 : 11-13). Toutefois, la frontière géographique naturelle, conformément à ce qu’énonce la bible, passe au sud de Beitin. Si Beitin est Béthel, cela implique que la frontière fasse un détour anormal vers le nord. Des historiens-géographes contemporains ont reconnu cette anomalie, un spécialiste Israélien contemporain a écrit : » Les frontières à l’est et à l’ouest de la partie centrale ne peuvent pas passer aussi loin vers le Nord que la ville de Beth-El [Beitin] « .
On doit rechercher plus au sud si l’on veut bien localiser Béthel, plus près de Jérusalem. Nous considérons que la ville moderne de Bireh, à l’est de Ramallah, se situe sur les ruines de Béthel. Voici quelques éléments en faveur de cette proposition :
1. Un odomètre moderne place la 12ème borne milliaire romaine à environ 500 mètres au nord de Bireh, en sachant que la borne milliaire 0 se situait bien à l’intérieur de la porte de Damas, peut-être à un demi-mile romain (soit environ 740 mètres). De cette façon Bireh serait conforme aux écrits patristiques qui mentionnaient que Bethel se situait à la 12ème borne milliaire.
2. Il y a une montagne proéminente à l’est de Biret, elle s’appelle Jebel et-Tawil, ce qui signifie » la grande » et elle est bien visible d’à peu près partout. Ainsi, la topographie s’accorde tout à fait avec Genèse 12 : 8. C’est dans ce verset qu’il est dit qu’Abraham construisit un autel à l’Eternel.
3. Bireh se situe exactement à la frontière géographique naturelle qui sépare Ephraïm et Benjamin d’Est en Ouest, satisfaisant ainsi cette autre exigence.
Aucune fouille n’a été menée à Bireh et les habitations modernes semblent exclure cette possibilité dans un futur proche. Un sondage de surface à Ras et-Tahuneh, le point culminant de la ville a permis de découvrir des poteries du Chalcolithique, du début de l’âge de Bronze, du Bronze Moyen, de l’âge de Fer I et II, ainsi que de la période perse et arabe. De ce fait, on ne devrait plus douter que ce lieu soit le site d’une ancienne ville habitée depuis des siècles, et toujours habitée de nos jours, incluant ainsi les siècles où Bethel a prospéré selon les récits bibliques.
Une nouvelle localisation de Bethel, permet également de situer Aï. A environ 1,6 km de Bethel, se situe le petit village de Khirbet Nisya que nous proposons comme le site où se trouvait Aï selon les textes bibliques. La topographie répond à toutes les exigences. La montagne Jebel et-Tawil mentionnée précédemment, se situe entre Bireh et Khirbet Nysia (Genèse 12 : 8) ; on trouve également une vallée au nord de Khirbet Nisya avec une colline sur le versant le plus éloigné (Josué 8 : 10-13). Cette vallée s’enfonce jusqu’à Wadi Suweinit, qui à son tour s’étend jusqu’à Jericho (Josué 7 : 2) et elle est suffisament escarpée pour correspondre à la » descente » (morad en hébreux) mentionnée en Josué 7 : 5. Environ 1,6 km plus bas, la gorge se rétrécit jusqu’à devenir à peine plus large qu’une fente dans un rocher, entourée de falaises abruptes. Cette particularité est probablement la » Shebarim » (la fêlure) décrite dans Josué 7 : 5 (Bien que d’autres interprétations puissent être suggérées vu les alentours de Khirbet Nisya.) A l’ouest de ce site, il y a une crête derrière laquelle des forces armées pourraient se mettre en embuscade (Josué 8 : 9, 12, 13) sans être vues de Khirbet Nisya ou Bireh. En outre, le site est de petite taille et de ce fait, pourrait correspondre à ce que les espions envoyés par Josué ont rapporté, c’est-à-dire une ville qui pourrait être conquise par seulement 2000 ou 3000 hommes vu le peu d’habitants qu’elle contient. (Josué 7 : 3) )
et de Aï (à Khirbet Nisya)
au sud est de l’actuelle Ramallah
En 1970, lorsque la proposition de localiser Ai à Khirbet Nysia a été publiée pour la première fois, aucune fouille n’avait encore été entreprise. En 1973, Roy B. Blizzard effectua une étude approfondie des poteries trouvées en surface, sur presque la moitié du site et il conclut qu’il n’y avait pas eu d’habitations avant l’âge de Fer. Cette conclusion a été citée par divers critiques qui ont rejeté Khirbet Nisya comme site possible pour Ai. Mais les résultats trouvés par Blizzards ont été invalidés par des recherches et fouilles postérieures.
En 1978, alors qu’une autorisation de fouille était demandée pour Khirbet Nisya, le département des antiquités Israéliennes a effectué des recherches sur les sections du site jusqu’alors inexplorées et a découvert des tessons datant du Chalcotique (4ème millénaire avant Jésus Christ) et du Bronze Ancien I (3ème millénaire avant J-C.) parmi ceux trouvés en surface, ainsi que d’autres datant de périodes plus tardives. Depuis lors, il y a eu six campagnes de fouilles de courte durée (en 1979, 1981,1982, 1984, 1985 et 1986) et les résultats n’ont laissé aucun doute quant à un établissement de population au cours du Bronze Moyen II également. Cela était déjà évident dés la fin de la campagne de 1981 qui avait permis de fournir un large éventail de vases ainsi qu’un couteau à cinq nervures typique du Bronze Moyen II. La campagne de 1985 a complémenté considérablement le répertoire de la poterie du Bronze Moyen II. Certaines sont illustrées plus bas.
Jusqu’à présent, aucun vestige de constructions que l’on peut attribuer au Bronze Moyen II n’a été trouvé. Ce type de vestiges est difficile à trouver compte tenu de la nature du site. Khirbet Nisya, comme beaucoup d’autres sites situés sur un relief, a énormément souffert des ravages du temps et de l’activité humaine. Le haut de la colline, au dessus du substrat rocheux est fréquemment exposé et n’est pas pas très éloigné de la surface. Alors que plus bas, les terres sont principalement converties en cultures en terrasse. Une abondance de poteries datant de plusieurs périodes (Age de Fer I et II, Perse, Helléniste, Hérodienne, première période Romaine, Byzantine, et Arabe ainsi que du Bronze Moyen) ont été retrouvées dans ces terrasses. Et il est clair que ceux qui ont crée ces terrasses (à partir de l’époque byzantine) ont enlevé les anciennes pierres de construction, et les couches supérieures (les habitations) afin de construire les murs de soutènement aux terrasses et pourvoir constituer un remblai.
Toutefois, la poterie est Tellement abondante qu’elle fournit une idée précise de l’histoire du site. Khirbet Nisya a été habitée pendant toute la période du BM II, puis toute occupation a cessée pendant la transition du Bronze Moyen II au Bronze Final.
De plus, il semble maintenant que Khirbet Nisya soit restée inoccupée jusqu’à l’âge de Fer. Si Josué conquit ce site à la fin du BM II, cette fin d’occupation du site arrive exactement au moment attendu. Ce déroulement historique est aussi celui escompté concernant Ai. Il a du y avoir une ville à la fin de l’âge du Fer car » des hommes de Béthel et Aï » sont parmi ceux qui reviennent de l’Exil (Esdras 2 : 28 et Néhémie 7 : 32). Aï a bien dû exister en 587 avant J-C. (quand les Babyloniens ont envahi Juda) pour que sa population puisse être déportée ! A l’époque de Néhémie (445 avant J-C., époque Perse) Ai , ainsi que Béthel, a connu d’autres établissements de population (Néhémie 11 : 31) Ces références bibliques sont, de fait, en contradiction avec la localisation d’Ai à et-Tell, qui n’a connu aucun peuplement nouveau après 1050 avant J-C. Les poteries attestent que Khirbet Nisya a été occupée pendant l’âge de Fer. Elle a été occupée pendant la période perse jusqu’au premier siècle après J-C. (nous le savons grâce à la poterie et aux pièces de monnaie retrouvées), puis elle fut apparemment encore abandonnée jusqu’à l’époque byzantine (350 après J-C. env) . Cet intervalle correspond au témoignage d’Eusèbe de Césarée qui indiquait qu’Aï était désert à son époque (env. 330 après J-C.). Le dernier peuplement significatif semble dater de la période Arabe. D’autres fouilles sont prévues à Khirbet Nisya, elles pourront apporter de plus amples informations sur ces périodes. Mais il apparaît déjà que Khirbet Nisya est un bien meilleur candidat pour Aï que ne l’est et-Tell.
Résumons l’argumentation que nous avons menée jusqu’ici, nous avons proposé :
1. Un retour à la datation biblique de la conquête de Canaan (quasiment 1400 avant J-C.)
2. D’avancer les dates de fin de la période du Bronze Moyen (de 1550 avant J-C. à quasiment 1400 avant J-C.) – ainsi deux évènements qui étaient séparés de deux siècles se retrouvent concomitants : la chute des villes de Canaan pendant le Bronze Moyen II devient une preuve de la conquête.
Cette double proposition crée une concordance parfaite entre les preuves archéologiques et les récits bibliques : La seule anomalie criante concerne Ai, car il n’y pas de vestiges du Bronze Moyen II à et-Tell. Mais même ce problème peut se résoudre avec notre proposition de changer la localisation d’Ai.
Toutefois, nous devons encore montrer la nécessité de modifier la date de fin du Bronze Moyen de plus d’un siècle. Deux questions se posent ici :
1. Pourquoi la fin du BM II a-t-elle été estimée à 1550 avant J-C. ?
2. Y a t il des preuves indépendantes qui justifient notre modification drastique de datation ?
La réponse à la première question se trouve dans l’association de la fin du BM II à un événement de l’histoire Egyptienne. Comme nous l’avons vu, la fin du BM II est marquée par de vastes destructions et l’abandon d’importantes villes cananéennes. On a souvent identifié les Egyptiens comme responsables de ces destructions alors qu’ils poursuivaient les dirigeants hyksos, après les avoir chassés d’Egypte. La date de l’expulsion des Hyksos et du début de la nouvelle dynastie (la 18ème dynastie) est fixée par des Egyptologues vers 1550 avant J-C. D’où le choix de cette même date pour la chute des villes cananéennes pendant le BM II, ainsi que pour la fin du Bronze Moyen et le début du Bronze Final.
Mais, récemment, des spécialistes sont devenus très critiques quant à l’attribution de la destruction de ces sites par les Egyptiens. On commence à reconnaître que les preuves d’une attaque Egyptienne sont très maigres – quelques bribes d’inscriptions, tout au plus. De plus, l’éminent égyptologue Donal Redford, a récemment montré qu’au début de la 18ème dynastie – la première dynastie égyptienne après l’expulsion des hyksos – les égyptiens étaient clairement incapables d’assiéger toutes les villes fortifiées de Canaan . Tout en notant le manque de preuve pour ces campagnes égyptiennes en Canaan, Willian H. Shea a également écrit qu’il fallait trouver une autre alternative pour expliquer les attaques dans ces villes à la période du Bronze Moyen.
Mais si les égyptiens ne sont pas à l’origine de ces attaques, elles ont donc pu avoir lieu après 1550 avant J-C. Et en effet il existe maintenant beaucoup d’éléments en faveur d’une datation de la fin du BM II, bien après l’expulsion des Hyksos hors d’Egypte. Les preuves proviennent d’excavations récentes en Egypte. Manfred Bietak de l’Institut d’Archéologie de l’Université de Vienne, et l’Institut d’Archéologie Autrichien, ont conduit des fouilles dans le site appelé jusqu’en 1966 Tell el Dab’a. C’est une monticule dans le quartier de Khata’na Qantir, la région où se trouve la ville biblique de Ramsès. Bietak y a retrouvé de la poterie Syro-palestinienne datant du Bronze, avec des vestiges de l’ère Hyksos. Après avoir analysé ce matériel, Bietak a suggéré que cette période connue comme étant le Bronze Moyen II B – une des trois subdivisions du Bronze Moyen II – devrait être reculée d’environ un siècle. Au lieu de la datation conventionnelle du Bronze Moyen II B en 1750-1650 avant J-C., il propose 1650-1570 avant J-C. Ce qui change à son tour la dernière phase du Bronze Moyen II, c’est-à-dire le Bronze Moyen II C qui commencerait alors vers 1570 avant J-C. au lieu de 1650 environ. Compte tenu de ces modifications, la date conventionnelle de la fin du Bronze Moyen II C (1550 avant J-C.) ne peut plus être retenue. Même la nouvelle datation de la fin de cette période vers 1500 avant J-C., date actuellement préférée par les archéologues, est beaucoup trop tôt. A la lumière des preuves trouvées à Tell el Dab’a, nous devons encore déplacer la date de la fin du Bronze Moyen II C (la dernière phase du Bronze Moyen II) et de la destruction des villes cananéennes bien à l’intérieur du 15ème avant J-C. Mais peut-on être encore plus précis ?
Les preuves qui nous aident à dater la fin du Bronze Moyen II nous viennent de Sichem, située précisément en Canaan. A Sichem, quatre phases de constructions ont été datées du Bronze Moyen II C. Comme Dame Kathleen Kenyon le montre, il semble impossible de compresser ces 4 phases de construction dans le laps de temps attribué à cette seule période (1650-1550 avant J-C.). Sa solution a donc été d’attribuer la dernière phase de la construction au Bronze Final. Mais l’attribution de la totalité de ces 4 phases de construction au Bronze Moyen II C est maintenant attestée sans l’ombre d’un doute – et cette succession de phases de constructions cependant décrite par Willian G. Dever comme « serrée ». En toute logique, au lieu de compresser la durée du Bronze Moyen II C en dessous du siècle généralement alloué, nous devrions considérer cette période comme durant plus d’un siècle. Et logiquement, quelques archéologues ont maintenant tendance à lui allouer une durée d’environ 150 ans. Si on combine cette durée avec la nouvelle datation de Bietak pour le début du Bronze Moyen II C (1570 av J-C. environ), nous arrivons à 1420 BC avant J-C. pour la fin de cette période. Ce sont là les dates que nous proposons provisoirement pour le Bronze Moyen II C.
Ainsi, 1420 avant J-C. devient la date proposée pour la conquête de Canaan par Israël. L’exode devrait donc se situer 40 plus tôt, vers 1460 avant J-C.
Ceci est en harmonie avec les données bibliques.
Enfin, nous voulons anticiper deux objections qui pourraient être formulées à l’encontre de notre reconstruction. Nous avons suggéré que la destruction des villes cananéennes à la fin du Bronze Moyen était associée à la conquête d’Israël. Mais de nombreux sites qui furent détruits à cette époque ne sont même pas mentionnés dans la Bible. Seules 14 villes sont mentionnées dans la Bible comme ayant été conquises par Israël (bien que Josué chapitre 12 donne une liste de 31 rois vaincus) alors qu’il s’avère que presque 40 villes ont été détruites ou abandonnées pendant la transition du Bronze Moyen au Bronze Final.
Il n’est toutefois pas difficile d’expliquer ce » surplus » de destructions dans le cadre proposé. Il y a trois possibilités qui devraient être considérées comme complémentaires et non comme s’excluant mutuellement.
Premièrement, les villes tombées à cette époque, mais qui ne sont pas citées comme étant prises par les Israélites, peuvent avoir été détruites par les campagnes Egyptiennes. Thutmosis III (1490-1436 avant J-C.) et Thutmosis IV (1412-1402 avant J-C.) ont tous deux mené des campagnes en Palestine. On peut donc leur attribuer la destruction de certaines des villes » en surplus « .
Deuxièmement, les villes non mentionnées dans les récits de la conquête ont pu néanmoins avoir été détruites par les Israélites, puisque le récit biblique n’est probablement pas un rapport exhaustif. Par exemple Josué 12 : 17 et 24 mentionne la défaite des rois de Tappuach et Tirzad, toutes deux au milieu des collines, bien qu’aucun récit de batailles ne concerne ces régions, ni dans Josué ni dans le premier chapitre des juges.
Troisièmement, certaines villes ont pu être renversées par des cananéens voulant faire cause commune avec les Israélites, ou tout au moins profitant du soulèvement que les envahisseurs ont provoqué, dans le but d’arriver à leurs propres fins. Les récits de conquêtes font comprendre que quelques éléments cananéens se sont alignés volontairement avec les Israélites (Josué 2 : 1, 9 : 3-10 : 7 ; Juges 1 : 22-25) et même si on a accordé à la théorie de la » révolte paysanne » beaucoup trop d’importance, on ne peut pas non plus la laisser complètement de côté.
Un autre problème peut se poser avec notre chronologie revisitée, c’est l’augmentation des peuplements en hauteur, sur les collines de Canaan, conventionnellement identifiées à l’arrivée des Israélites, et qui n’eut pas lieu avant environ 1200 avant J-C. Certains pourraient se poser la question : Où sont les preuves de la présence d’Israël dans le pays après les destructions du Bronze Moyen II, vers 1420 avant J-C. – et avant 1200.av J-C. ?
Les Israélites avaient vécu en Egypte en tant que bergers en servitude, puis ils ont passé 40 ans en tant que semi-nomades avant d’entrer en Canaan. Il est donc difficile de penser qu’ils aient pu apporter avec eux du matériel qui serait « culturellement distinct ». Ils ont du acheter leur poterie dans les marchés cananéens locaux, ce qui fait qu’il n’y aurait pas eu de poterie qui se serait distinguée comme étant » israélite « . Ils sont arrivés dans le pays comme une population vivant sous des tentes (Josué 3 : 14, 7 : 2124, 22 : 48,etc.) et ce style de vie a probablement été maintenu pendant assez longtemps par ceux qui ne furent pas assimilés à la société cananéenne (alors que certains le furent, par ex. Juges 1 : 29-32). Une étude récente de Rivka Gonen montre que les destructions lors du Bronze Moyen II ont été suivies par des périodes de diminution de la population urbaine. Alors que des grottes éloignées des villes semblent indiquer la présence d’un nombre assez important de populations semi-nomade. On peut s’attendre à trouver dans ces preuves indirectes, des indices de l’arrivée d’Israël en Canaan. C’est une erreur d’espérer trouver une marque de cette arrivée par une soudaine apparition de matériel » étranger » culturellement parlant.
A la fin du Bronze Final et au début de l’Age de Fer, vers 1200 avant J-C., un changement majeur a eu lieu dans l’organisation des peuplements, avec le peuplement des collines. Contrairement à ce qu’ont tout d’abord pensé les chercheurs, il n’y a pas de preuve de sédentarisation de nouveaux groupes nomades. Mais pour la plupart des chercheurs actuels, ce changement marque le fait que ces peuples ont quitté les anciennes villes de l’âge du Bronze situées dans des zones basses. Ce changement a été possible grâce au progrès technologique, y compris les outils en fers utilisés pour déboiser et les citernes en chaux éteinte pour conserver l’eau. Même si nous ne croyons pas que ces nouveaux établissements de population marquent l’arrivée des Israélites, nous les considérons toutefois comme des » peuplements israélites « . C’est parce que, selon nous, les Israélites étaient déjà dans ce pays depuis environ deux siècles, vers 1200 avant J-C. , et ont donc subi avec les autres peuples les changements inhérents à leur époque.
Nous ne prétendrons pas que la chronologie que nous proposons pour un Exode et une conquête au 15ème siècle ne présente aucun problème, mais notre proposition présentent bien moins de problèmes que la chronologie conventionnelle qui les place 13ème siècle. Comme nous l’avons mentionné précédemment, James B. Pritchard, a écrit en 1960 que les spécialistes sont » devant une impasse quant à vouloir soutenir la vision traditionnelle de la conquête par les preuves archéologiques « . La réponse à cette impasse a été de reconstruire l’histoire d’Israel sans avoir recours à la tradition biblique de la conquête. Mais cela ne fonctionnera pas. Comme Abraham Malamat l’a fait remarquer :
» Un élément de base de la conscience Israélienne est que Canaan a été « reçue en héritahe » par la force. Ce principe est comme un leitmotiv qui prend sa source dans la Bible. »
Par conséquent, Malamat affirme que, même si quelques embellissement ont été ajoutés dans la narration, » à la base, le principe d’une conquête militaire demeure « . Nous croyons que la révision de la chronologie que nous avons proposée rend justice à la tradition biblique de la conquête tout comme aux découvertes archéologiques. Nous la proposons donc comme une alternative à considérer et à explorer.
Les auteurs Bimson et Livingston suggèrent que ce monticule de 18 kms au nord de Jérusalem peut être le site du Ai biblique. La plupart des spécialistes ont identifié Ai aux alentours de Khirbet et-Tell, bien que les excavations effectuées à cet endroit montrent que le site était inoccupé à l’époque de la conquête de Josué décrite dans la bible.Bimson et Livingston observent que plusieurs villes considérées comme ayant été conquises par les Israélites, incluant Ai, Jéricho, Arad, Gabaon, Hébron et Hormah/Zephath n’existaient pas avant l’époque à laquelle on assigne la conquête par Israël de Canaan. Selon eux cela jette un doute important sur la datation traditionnelle. Ils décalent également la date de la conquête de 200 ans jusqu’à quasiment 1420 avant J-C.
Des vestiges ont été trouvés à Khirbet Nisya datant du Bronze Moyen II, conventionnellement situé entre 1900 et 1550 avant J-C. Les auteurs ont revu les dates de fin de cette période et la situent à 1420 avant J-C., la date attribuée à la conquête.
Photos montrant des objets trouvés à Khirbet Nisya et d’autres preuves rassemblées par les auteurs justifiant l’identification de ce site à Aï
Tradition biblique et données archéologiques
Ce tableau résume une grande quantité d’informations. La 1ère colonne liste des cités mentionnées dans la Bible comme ayant été conquises par les israélites. Dans 3 cas – Aï, Arad et Debir – il existe 2 candidats pour chacun de ces sites bibliques.
La 2ème colonne montre que seulement pour 4 de ces sites il y avait des villes lors de la période du Bronze Final.
La 3ème colonne regarde la situation à la fin du Bronze Moyen II. Ici nous trouvons que sur seulement 2 sites il n’y avait aucune ville – Aï (Khirbet et-Tell) et Arad (Tell Arad). Cependant cela n’a pas d’importance, selon le point de vue des auteurs, parce que ce ne sont pas les sites bibliques d’Aï et Arad. Bimson et Livingston pensent que les autres sites (Khirbet Nisya et Tell Malhata) sont les restes des sites bibliques.
En résumé ce tableau montre l’écart fondamental entre la situation à la fin du Bronze Final et le récit biblique de la conquête de Canaan, alors que la situation à la fin du Bronze Moyen II est tout à fait en accord avec le récit biblique.
Cités cananéennes conquises par Josué, selon la Bible | Y existait-il une ville à la fin du Bronze Final | Y existait-il une ville à la fin du Bronze Moyen II ? | La cité du Bronze Moyen II était-elle entourée d’une muraille ? | La cité avait-elle été détruite à la fin du Bronze Moyen II |
Jéricho | Non | Oui | Oui | Oui |
Aï : Khirbet et-Tell | Non | Non | Inapplicable | Inapplicable |
Aï : Khirbet Nisya | Non | Oui (fouilles récentes) | Probable (fouilles récentes) | Site abandonné fin du Bronze Moyen II, indiquant peut-être une destruction |
Gabaon | Non | Oui | Aucune n’a été découverte | Abandonnée (la Bible ne mentionne pas de destruction – Josué 9:27) |
Hébron | Non | Oui | Oui | Oui |
Hormah / Séfad (Tell Masos) | Non | ville du Bronze Moyen II – d’une durée incertaine | Oui | |
Arad : Tell Arad | Non | Non | Inapplicable | Inapplicable |
Arad : Tell Malhata | Non | Oui | Oui | Oui |
Debir (Khirbet Rabud) | Oui | Occupation montrée par des vestiges en surface | ? | ? |
Lakish | Oui | Oui | Oui | Oui |
Hatzor | Oui | Oui | Oui | Oui |
Béthel : Beitin | Oui | Oui | Oui | Oui |
Béthel : Bireh | En surface aucune poterie du Bronze Récent | En surface découverte de poterie du Bronze Moyen II | ? | ? |
1. Source www.davelivingston.com > Article original Redating The Exodus