Le message inclut généralement un rapprochement avec la condamnation en février, à un an de prison ferme, d’un homme qui, ivre et drogué à la cocaïne, avait jeté par la fenêtre le chien de sa voisine.
La conclusion est rude : en France, on est condamné quand on tue un chien, mais pas lorsqu’on tue un Juif.
La Cour de cassation raisonne en droit. Elle note qu’« après avoir relevé que cette bouffée délirante était due à la consommation régulière de cannabis, la chambre de l’instruction a déclaré l’homme pénalement irresponsable, son discernement ayant été aboli lors des faits ».
Les dispositions du Code pénal « ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ».
Le droit n’est pas toujours la justice. Une fois l’émotion dissipée, les spécialistes pourront évaluer la portée de cette décision et déterminer si, au-delà de l’évènement, la loi doit changer.
L’arrêt résonne cependant bien au-delà d’une simple question juridique. Le trouble légitime qu’il suscite s’ajoute à une lente et terrifiante dégradation.
La liste des agressions est longue.
D’abord, il y a les horreurs : la torture d’Ilan Halimi, les enfants assassinés par Merah, les victimes de l’HyperCacher, Sarah Halimi et Mireille Knoll. Ensuite, il y a les expressions régulières de l’antisémitisme : les slogans sur les murs (comme à Sciences Po), la haine sur les réseaux sociaux, les rumeurs qui mobilisent la judéité comme un caractère infamant. Enfin, il y a un environnement de peur : les militaires en armes, longtemps, devant les synagogues, la crainte de marcher dans la rue avec une kippa. De ces crimes et de ces agressions de basse intensité ressort un mal d’une grande force.
Peut-on dès lors, être « heureux comme un Juif en France », comme l’écrit le rabbin Boissière ?
Certainement, dès lors que l’ensemble de la Nation a conscience qu’à travers les victimes juives, c’est en réalité le pays entier et ses valeurs démocratiques, de pluralisme et de tolérance qui sont visés.
La rabbin Horvilleur souligne, à raison, que l’antisémitisme est « un prélude à une haine qui frappera tout le monde ».
Minorité venimeuse. La première étape est de reconnaître le mal. Celui-ci commence bien avant les violences, par un discours de haine qui gangrène la société. Ses foyers sont connus : parmi l’extrême droite, l’extrême gauche et des musulmans.
Une partie de l’élite morale a longtemps nié cette dernière source, refusant que ceux auxquels elle avait attribué le statut de « victimes » puissent être parfois des coupables.
Cette cécité volontaire est une faute qui a laissé se dégrader les relations entre les Français et stigmatisé les pratiquants de l’islam, prisonniers d’une image façonnée par une minorité venimeuse.
La seconde est d’y répondre, non par l’anathème, mais en ajoutant à l’implacable répression des crimes et délits le renouveau de la promesse républicaine de fraternité. Là aussi, l’Etat a failli.
L’exaspération qui gagne est le signe d’une déflagration plus grande, qui guette. Celle d’une société qui se disloque. S’il est un sujet qui doit guider les candidats de 2022, c’est peut-être celui-là : redonner au politique son rôle de gestion du collectif.