La guerre de l’occident contre les Chrétiens du Moyen-Orient
Un article du Time Magazine au titre ravageur cristallise la crispation de l’occident contre les Chrétiens du Moyen-Orient, et d’une façon différente mais accentuée, contre les Chrétiens d’Europe et contre ses propres racines chrétiennes.
L’article au titre vicieux (« les Chrétiens et les tyrans: pourquoi la minorité persécutée du Moyen-Orient fait-elle des choix malsains« ) tente de faire croire à une audience peu informée que les minorités chrétiennes ont choisi de faire alliance avec les tyrans militaires en Egypte et depuis trois ans, avec le gouvernement de Bashar al-Assad en Syrie.
Le titre du Time sous entend grossièrement que les Chrétiens sont dans l’erreur et qu’ils ont fait le mauvais compromis. La réalité, comme souvent dans les médias, ne peut être plus éloignée de cette flagrante déformation, car les minorités sont, au risque de contrarier les paradigmes superficiels, protégés par les leaders politiques contre les extrémistes islamistes, et ce depuis des décennies.
Récemment, plus de 3 000 chrétiens ont fui la ville syrienne de Raqqa, laissant derrière eux un petit nombre qui ont été décapités, fouettés, maltraités, torturés, et systématiquement exterminés par les islamistes d’ISIS.
Le Time affirme q’Al-Qaïda a désavoué ISIS, responsable de cette violence extrême, espérant que le lecteur ne se rende pas compte qu’ISIS est en fait une branche d’Al-Qaïda, et que d’autres branches d’Al-Qaïda en Syrie, comme le Front al-Nusra, abusent les Chrétiens de façon similaire, dont le très récent massacre de Kessab, dans le nord.
Le Time admet tout de même que les Chrétiens du Moyen-Orient, sous Hosni Moubarak en Egypte, étaient protégés, et que les «violations des droits de l’homme » étaient surtout le résultat d’un longue lutte contre les extrémistes, en particulier les Frères musulmans et les organisations proto-Al-Qaïda qu’ils ont inspiré.
Le Time va jusqu’à épouser le très usé prétexte colonial et affirmer que la plupart des Chrétiens ont fui à la suite de “l’ingérence occidentale” et du chaos qui en a résulté, et que ceux qui sont restés ont «soutenu des régimes autoritaires en échange de leur protection. »
Il dénonce aussi le pape copte qui aurait tactiquement soutenu la dictature militaire égyptienne, puis a récemment endossé le responsable du coup d’État de l’an dernier, Abdul Fattah al-Sisi, pour l’élection présidentielle de mai prochain.
En Syrie, les dirigeants de l’église auraient toléré 40 ans du règne de la famille Assad par peur injustifiée d’une alternative islamiste. Mais cette auto-préservation rendrait les leaders chrétiens coupables de se trouver dans le camp des hommes forts qui utilisent la violence contre leur propre peuple. En soutenant ces régimes autoritaires, les Chrétiens n’auraient donc pas réussi à aider leurs pays à développer la justice, la primauté du droit et la tolérance.
Mais de quelle violence envers leur propre peuple s’agit-il ? Envers qui exactement ? Pas envers Alaouites, ni les Chrétiens, ni les Arméniens, ni les Druzes, ni les Coptes, ni les Juifs, et encore moins les communautés laïques. Alors, qui ? Et pourquoi ?
C’est ce que le Time ne dit pas…
Car les « hommes forts”, les dictateurs laïcs, utilisaient la violence contre les extrémistes, lourdement armés, bien financés, bien formés, et soutenus par les ennemis de ces « hommes forts ».
C’est ce que dissimule le narratif traditionnellement obtus de l’Occident.
Des groupes d’opposition violents formés pour déstabiliser les nations dont ils cherchent à changer le régime deviennent la cible d’opérations de sécurité, qui sont présentées dans les médias comme des «violences contre leur propre peuple.” Ce narratif a été utilisé en Libye, en Syrie, en Egypte, voire même en Tunisie.
Augmentant l’attaque d’un cran, le Time évoque le témoignage d’un «chrétien anonyme» qui affirme que “si les chrétiens de Syrie avaient pris le parti de la révolution et s’étaient tenus debout, comme Jésus, en solidarité avec tous ceux qui sont opprimés par le régime, je ne pense pas que nous serions aujourd’hui dans cette situation ».
Rien n’est plus absurde.
Les islamistes sont le poing armé destiné au changement de régime conçu non pas par le peuple syrien, mais par les ennemis de l’Etat syrien.
Et qui finance l’ISIS, l’Etat islamique d’Irak et de la Grande Syrie ? Les Etats-Unis d’Obama, l’Europe, la France, l’Arabie Saoudite, le Qatar, qui assurent l’armement de ces «modérés».
La vérité est que les États-Unis d’Obama et ses alliés financent les Frères musulmans en Egypte, et des extrémistes à l’intérieur de la Syrie et à l’étranger, afin de déstabiliser et finalement détruire des régimes peu hostiles à l’occident. Et ils l’ont fait en toute connaissance des massacres de Chrétiens qui allaient en découler.
Dans un article de 2007, le journaliste Seymour Hersh cite Robert Baer, un ancien agent de la CIA au Liban, pour évoquer la complexité de la situation.
Ce dernier est un critique sévère du Hezbollah, et il a mis en garde contre ses liens avec le terrorisme parrainé par l’Iran. Mais en même temps, il affirme : « nous avons les Arabes sunnites qui se préparent à un conflit cataclysmique, et nous aurons besoin de quelqu’un pour protéger les Chrétiens au Liban. C’étaient les Français et les États-Unis qui remplissaient ce rôle, et maintenant ça va être Nasrallah et les chiites. »
La même menace contre les Chrétiens du Liban est aujourd’hui tournée contre les Chrétiens en Syrie, malgré de nombreuses tentatives des médias occidentaux pour prétendre le contraire. Et tout comme « Nasrallah et les Shiites » du Liban seraient chargés de la protection des Chrétiens et autres minorités au Liban, le président Bachar al-Assad et le gouvernement militaire en Egypte seront chargés de leur protection contre Al-Qaïda et les Frères musulmans dans leurs pays respectifs.
Et alors que des politiciens et des journalistes tentent de présenter cette alliance comme une sorte d’alliance « contre nature », la réalité est que les groupes soutenus, financés et armés par l’Occident sont des islamistes intolérants, sauvages, meurtriers, et absolument sans compromis envers les infidèles, et tous ceux qui s’opposent à eux politiquement, militairement, culturellement et idéologiquement, tandis que ceux que combattent l’Ouest sous l’influence croissante de l’Arabie Saoudite et du Qatar, ont depuis longtemps choisi la tolérance, la coexistence, et maintenant, dans l’adversité, la coopération.
Suggérer dans ce contexte que les Chrétiens et les autres minorités ont mal choisi leurs alliances au détriment du développement de la justice et de la primauté du droit et de la tolérance, c’est passer à coté de la réalité : ces pays exercent déjà la tolérance pour pratiquement tout le monde, sauf pour ceux qui tentent de renverser violemment le pouvoir et veulent éradiquer le climat de tolérance parfois précaire et fragile, et la co-existence. La période de Morsi et des Frères musulmans en Egypte et les agressions contre les Coptes et les églises est particulièrement éloquente à ce sujet.
Paradoxalement, il n’y a pas, dans ces pays, de choc de civilisation. Il n’y avait pas une bataille entre chrétiens et musulmans même si la pression islamique fait constamment reculer la présence chrétienne, à l’exception d’Israël, seul pays du Moyen-Orient où le nombre de Chrétiens augmente.
Il y a un choc entre la tolérance relativement élevée même si elle est loin d’être parfaite de ceux qui ont longtemps vécu dans la co-existence, et ceux qui cherchent à envahir ces pays grâce à des extrémistes islamistes utilisés comme une armée de mercenaires quasi inépuisable.
L’Occident qui, ironiquement, pose souvent comme le champion par excellence des droits de l’homme, de la tolérance et de la paix, se retrouve du coté des pires ennemis des droits de l’homme, de la tolérance et de la paix : les islamistes radicaux.
Même s’il ne s’agit pas d’une «guerre contre le christianisme” destinée à cibler spécifiquement et à éradiquer les minorités qui ont co-existé pendant des siècles au Moyen-Orient, c’est tout de même une guerre contre le christianisme qui puise ses origines nulle part ailleurs que dans l’Europe anti-chrétienne et islamophile, qui tourne le dos à ses racines pour s’inventer un nouveau continent et un nouveau peuple.
Comprendre cela, exposer, dénoncer la désinformation sur “l’alliance entre les Chrétiens et les tyrans”, d’une part, et exposer, dénoncer et informer sur « l’alliance entre les Européens et l’islam radical » est la première étape.
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