Cette lecture du texte est basée sur la version de Marc 7:18 telle qu’elle apparaît dans certaines traductions modernes du ‘Nouveau Testament’, qui disent notamment:
‘Car cela n’entre pas dans son coeur, mais dans son ventre, et sort ensuite de son corps ? Par ces paroles, Jésus déclarait donc que tous les aliments peuvent être mangés’ (Marc 7:19, la Bible en Français courant)
‘Puisque cela pénètre, non pas dans [son] cœur, mais dans [ses] intestins, puis s’en va dans la fosse d’aisance? ” Ainsi il déclarait purs tous les aliments’ (Marc 7:19, traduction du Nouveau monde)
La phrase ‘il déclarait’ ou ‘Jésus déclarait’ n’apparaît pas dans les manuscrits Grecs Anciens du texte.
Les autres versions de la Bible sont plus fidèles au texte et ont simplement:
‘Car cela n’entre pas dans son coeur, mais dans son ventre, puis s’en va dans les lieux secrets, qui purifient tous les aliments’ (Bible de Louis Segond)
‘parce que cela n’entre pas dans son coeur, mais dans son ventre, et s’en va dans le lieu secret, purifiant toutes les viandes?’ (Bible de Darby)
‘Parce qu’il n’entre pas dans son cœur, mais dans l’estomac d’où ensuite cela est jeté dans le lieu secret, en purifiant ainsi [le corps] de toutes les viandes’ (Bible de Martin)
Le mot Grec qui a été traduit par ‘purifiant’ est ‘katarizon’ qui peut aussi signifier ‘éliminer’(strong’s 2511) et ce qui a été traduit par ‘viande’ dans la version de Darby et de Martin est‘bromata’ qui signifie plus exactement ‘nourriture’ et non ‘viande’ selon strong’s n°1033.
On pourrait ainsi traduire le passage de Marc 7:18-23 comme suit:
‘Et il leur dit: Vous aussi, êtes-vous ainsi sans intelligence? N’entendez-vous pas que tout ce qui est de dehors, entrant dans l’homme, ne peut pas le souiller
Parce qu’il n’entre pas dans son cœur, mais dans l’estomac et s’en va dans le lieu secret, éliminant toutes les nourritures
Et il dit: Ce qui sort de l’homme, c’est là ce qui souille l’homme;
Car c’est du dedans, c’est du coeur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres,
les vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l’homme’
Traduit ainsi, le passage ne dit pas que les animaux impurs ont été purifiés mais simplement que toutes nourritures que l’on mange vont dans le système digestif et s’en vont vers la sortie. Les aliments ingérés sont ainsi ‘éliminés‘ c’est à dire qu’ils sont évacués du corps.
Il faut aussi savoir que Yeshua était Juif et discutait ici avec des Juifs. Yeshua parle ici de nourriture, et pour les Juifs du premier siècle, les animaux interdits par la Torah (loi) ne sont pas plus de la nourriture que l’est la chair humaine pour un occidental.
Mais que voulait-il dire par: ‘N’entendez-vous pas que tout ce qui est de dehors, entrant dans l’homme, ne peut pas le souiller’?
Le contexte est celui de manger avec des mains non lavées (Marc 7:1-5), ce qui ‘entre’ dans l’homme dans ce contexte est donc de la ‘nourriture’ (selon la définition Juive du terme) ‘non lavée‘ que quelqu’un mange. Donc, selon Yeshua qu’une nourriture soit lavée ou pas, cela ne peut en aucun cas souiller l’homme. C’est dans ce sens que l’évangile Matthieu, avec plus détails que celui de Marc, dit:
‘Et Pierre, répondant, lui dit: Expose-nous cette parabole. Et il dit: Et vous aussi, êtes-vous encore sans intelligence? N’entendez-vous pas encore que tout ce qui entre dans la bouche va dans le ventre, et passe ensuite dans le lieu secret? Mais les choses qui sortent de la bouche viennent du coeur, et ces choses-là souillent l’homme. Car du coeur viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les fornications, les vols, les faux témoignages, les injures: ce sont ces choses qui souillent l’homme; mais de manger avec des mains non lavées ne souille pas l’homme.‘ (Matthieu 15:15-20)
Aussi, si Yeshua avait déclaré que les interdictions alimentaires de la Torah ont été abrogées, il se serait contredit lui-même. Se détracteurs viennent juste d’accuser ses disciples de ne pas observer les traditions (Marc 7:5), mais il montre que ce qu’ils font est encore pire, parce qu’ils suppriment les commandements de Dieu pour suivre des commandements d’hommes (Marc 7.6-12).
Yeshua aurait-il pu ensuite abolir les commandements de Dieu, en déclarant les interdits alimentaires du Lévitique 11 abolis, alors qu’il a critiqué ces Pharisiens pour la même raison?
Cela ferait de lui non seulement un hypocrite mais aussi un faux prophète. Deutéronome 13:4-5 nous met en garde contre tout prophète qui parlerait ‘de se révolter contre l’Eternel’ ou essaierait de nous ‘pousser hors de la voie où l’Eternel [notre] Dieu [nous] a prescrit de marcher’.
Mais heureusement, ce n’est pas le cas. Yeshua a même enseigné:
‘Or il est plus facile que le ciel et la terre passent, qu’il ne l’est qu’un seul trait de lettre de la loi tombe’ (Luc 16 :17)
Mais cela ne prouve t-il pas que Yeshua s’oppose à la tradition Rabbinique du lavement des mains en déclarant que manger sans s’être lavé les mains ne souille pas l’homme?
Pas du tout, Yeshua et la majorité de ses disciples ont même pratiqué la tradition du lavement des mains [voir l’article intitulé ‘Yeshua s’est-il opposé à la Torah orale? (veuillez cliquer sur le lien en bleu)]
Yeshua ne s’oppose absolument pas à la Torah orale dans ces passages. On y voit au contraire que seuls certains de ses disciples ont transgressé la Loi orale en ne se lavant pas les mains, ce qui suggère que Yeshua et les autres disciples l’ont fait en accord avec la Halakha (loi) Rabbinique.
Alors que Matthieu dit simplement que:
“Alors des pharisiens et des spécialistes de la loi vinrent de Jérusalem trouver Yeshua et dirent: «Pourquoi tes disciples transgressent-ils la tradition des anciens?” (Matthieu 15:1)
Le récit de Marc est plus précis en affirmant que seulement quelques-uns des disciples (donc pas tous) ne se sont pas lavés les mains :
“Et voyant quelques-uns de ses disciples mangeant du pain avec des mains souillées, c’est-à-dire non lavées…” (Marc 7.2)
Nous voyons donc que ces gens n’ont pas eu l’intention d’attaquer Yeshua mais seulement ses disciples, et pas tous ses disciples mais quelques-uns d’entre eux seulement, pour ne pas avoir pratiqué la tradition du lavement des mains avant de manger.
Pour comprendre ce passage, il faut faire la distinction entre la pureté rituelle et la pureté du coeur.
Par exemple une femme qui a ses règles ou quelqu’un qui vient de toucher un cadavre sont‘impurs’ rituellement selon la Torah (Lévitique 15:25, Nombres 19:11) mais cela n’affecte évidemment pas la pureté de leurs coeurs dans le sens où cela ne les rendrait pas bons ou mauvais.
Il ne fait aucun doute que manger avec des mains sales nous rend rituellement impurs. Mais ici, le contexte des paroles de Yeshua est clairement la pureté de l’âme et du coeur et non de la pureté rituelle. Ce n’est pas l’impureté rituelle qui le concerne mais l’impureté du coeur. Ce que Yeshua voulait donc dire est que ce n’est pas le fait de manger avec des mains sales qui affecte la pureté du coeur d’un homme, mais c’est au contraire ses mauvaises actions, ses mauvaises paroles, et ses mauvaises pensées. Ces commentaires de Yeshua sont profondément ancrés dans la tradition Rabbinique. Comme Yeshua, Maïmonides a aussi enseigné:
”La pureté des habits et du corps en se lavant et en enlevant la sueur et la saleté constitue aussi une des raisons de la loi, mais si c’est lié avec la pureté des actes, et avec un coeur libéré des principes inférieurs et des mauvaises habitudes. Il serait extrêmement mal pour quelqu’un de s’efforcer de laver son apparence extérieure en se lavant et en nettoyant ses vêtements tout en étant voluptueux et sans retenue dans les alimentset la luxure … Ils paraissent propres à l’extérieur mais leurs coeurs se soumettent à leurs désirs et à la jouissance corporelle, et ceci est contraire à l’Esprit de la Torah. Car l’objectif principal de la Torah est [d’enseigner à l’homme] de diminuer ses désirs, et de laver son apparence extérieure après qu’il a purifié son coeur. Ceux qui lavent leurs corps et nettoient leurs vêtements tandis qu’ils restent sales de leurs mauvaises actions et [de leurs mauvais] principes, sont décrits par Shlomo (Salomon) comme: ‘une génération pure à ses propres yeux et qui n’est pas lavée de son ordure une génération,… que ses yeux sont hautains, et ses paupières élevées!’ (Proverbes 20:12-13)” (Guide des égarés, chapitre XXXIII)
Ainsi, selon le Judaïsme de Yeshua, rien de ce qui vient de l’extérieur ne peut rendre une personne ‘impure‘, lorsqu’ être ‘impur’ signifie avoir un cœur impur. Manger avec des mains non lavées ne rend pas le cœur d’un être humain impur. La pureté intérieure du coeur est toute aussi importante que la pureté extérieure (rituelle) et les deux sont indissociables.
Il va de soi que nous sommes absolument d’accord que Rabbi Yeshua n’a jamais modifié les commandements de la Torah et notamment en matière de Cashérisation des aliments.
Je ne vois pas comment harmoniser le limoud du Maître avec un extrait que je te cite ci-dessous :
“Le Sentier de la Rectitude” de Rabbi Moshé Haim Luzzato précise : ‘Les aliments interdits introduisent la souillure dans le cœur et l’âme de l’homme au point d’en chasser et d’en éloigner la Kedoucha divine.
‘Vous contacteriez la souillure’ Lévitique 11:43
[Venitmetem] est en hébreu homonyme de ‘Vous seriez bouchés’ [Venitamtem].
Le péché en effet ‘bouche’ le cœur de l’homme, car il en chasse la connaissance véritable et l’esprit de sagesse que Dieu donne à Ses fidèles.
Talmud Yoma 39a, comme il est dit : “la Sagesse” Proverbe 2:6.
Aussi, l’homme dans cet état devient semblable à la bête, prisonnier de la matière, plongé dans les plaisirs grossiers de ce monde. Les défenses alimentaires sont à cet égard plus importantes encore que les autres, car l’aliment défendu, pénétrant dans le corps de l’homme y devient la chair de sa chair.
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Shalom Davy
En effet, ce commentaire du Ramhal semble être en opposition avec ce que Yeshua enseigne. Car selon Yeshua, les ‘aliments’ que l’on mange n’ont aucun effet sur l’âme et le coeur.
Mais je pense cependant qu’il peut y avoir une harmonisation possible: Yeshua parle de nourritures selon la définition Juive du terme (donc pas d’animaux impurs) non lavés alors que le Ramhal parle de choses qui ne sont normalement pas considérées comme de la nourriture dans le Judaïsme, c’est à dire d’animaux interdits. Il cite en effet Lévitique 11:43 dont le contexte concerne les animaux purs et impurs.
Donc les aliments permis par la Torah, même non lavés, ne font qu’affecter au pire notre pureté rituelle (selon Yeshua), mais manger un animal impur peut affecter la pureté du coeur autant que la pureté rituelle (selon Ramhal).
Je sais pas si cette explication est soutenable, mais elle est me paraît possible.
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C’est une réponse qui me va complètement.
Un grand merci pour cette explication. Car une première lecture me faisait croire que Yéshou’a ne considérait pas nétilat yadayim. J’avais un problème avec ça car seulement quelques-uns de ses talmidim n’avaient pas fait nétilat, mais Yéshou’a si. Là tout s’éclaire !
Merci beaucoup ! =)
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Shalom à tous ! Juste pour vous encourager. Ces échanges sont délicieux dans un bon esprit et je rejoins entièrement la dernière explication de Menahem I : Je suis convaincu que Yéshoua parle de l’impossibilité d’un aliment pur mais non lavé de souiller le coeur et non d’un aliment impur car effectivement, un aliment impur rend « abominable notre personne »(Lévitique 2.25) et produit certainement un effet négatif sur le coeur en le bouchant comme Rabbi Moshé Haim Luzzato le précise.