Selon l’analyse de Yossi Melman, il est improbable que le Hamas révèle si le soldat disparu est mort ou vivant
Les incertitudes quant au sort du sergent Oron Shaul de la brigade Golani pourraient influencer l’issue de la guerre de Gaza. Il a combattu au cours de la bataille féroce durant la nuit de samedi à dimanche dans le quartier de Sagiyah à l’est de Gaza.
L’engin blindé dans lequel il se trouvait avec 8 autres militaires a été probablement touché par un missile antitank. Quelques instants aupravant, le blindé tombait en panne. Le commandant et et un autre soldat ont sauté du véhicule pour tenter de voir ce qu’il se passait et c’est à ce moment-là qu’ils ont été touchés. Blessés, ils survivent alors que tous les autres fantassins se trouvant dans le blindé sont tués par le missile et le souffle de l’explosion.
Le véhicule a été détruit et certaines parties ont atterri à plusieurs dizaines de mètres.
Un autre blindé s’est approché, a répliqué, récupéré les deux blessés et les corps des soldats tués.
Au retour en Israël, après deux jours d’un processus intense d’identification par les équipes médico-légales, du personnel religieux et des officiers des renseignements, six des sept combattants de la brigade Golani sont identifiés, déclarés morts, et enterrés.
Mais auparavant le Hamas a affirmé qu’il détenait un soldat israélien nommé Oron Shaul et a même donné son matricule militaire.
L’armée israélienne a gardé le silence pendant un temps, puis a publié un communiqué mardi indiquant que le processus d’identification concernant le sergent Shaul se poursuivait. Tsahal s’est abstenu de le considérer comme disparu, a tenté de s’opposer à la définition de ce statut par les médias israéliens, puis y a renoncé.
Cela veut simplement dire qu’Israël ne détient aucune preuve , qu’elle soit médicale, pathologique ou au niveau des Renseignements, que le militaire a été tué.
Jusqu’à ce que de nouvelles preuves soient apportées, l’armée ne modifiera donc pas le statut du soldat.
Mais en même temps, la thèse qui prévaut, basée sur le sort commun de ses frères d’armes et de l’état du véhicule blindé, est celle que le sergent Shaul n’est probablement plus en vie.
Selon le chaîne Al Arabiya, les Israéliens se seraient déjà adressés à l’Allemagne pour tenter d’activer ses relations et ses sources pour savoir si le militaire est vivant ou mort.
Les services de Renseignements allemands BND ont été partie prenante par le passé en tant que médiateur en vue d’un échange de prisonniers entre Israël et le Hezbollah ainsi qu’entre Israël et le Hamas qui s’est finalisé en 2011 par la libération du soldat Gilad Shalit en échange de 1027 terroristes palestiniens du Fatah, du Hamas et d’autres organisations.
Mais il y a très peu d’espoir en Israël que le Hamas ne donne ne fut-ce qu’une réponse, si on se réfère aux événements similaires qui se sont déroulés avec le Hezbollah au Liban.
L’affaire la plus connue se déroula en juillet 2006 lorsque des membres du Hezbollah ont tendu une embuscade à une patrouille israélienne et fait prisonniers deux militaires de réserve, Eldad Regev et Udi Goldwasser.
En réponse, Israël lançait la Deuxième Guerre du Liban et cela prit deux ans d’intenses négociations indirectes par l’intermédiaire du BND pour aboutir à un échange de prisonniers.
En juillet 2008, le Hezbollah remettait deux cercueils contenant les corps de Regev et Goldwasser et reçut en échange plus d’une centaine de prisonniers ainsi que des terroristes palestiniens et d’autres nationalités.
Jusqu’à la dernière minute, le Hezbollah refusa de dire si les deux Israéliens étaient vivants ou morts.
Les experts israéliens, se basant sur les Renseignements et des preuves recueillis sur les lieux du rapt (comme la quantité de sang perdu par les deux hommes), arrivèrent à la conclusion que la probabilité que les deux militaires aient survécu à l’embuscade étaient très minces, mais ils ne furent pas déclarés comme morts ou disparus en opération.
La même chose devrait vraisemblablement se passer avec le sergent Shaul. On s’attend à ce que le Hamas manipule cyniquement les souffrances revendicatives de la famille et tentera d’extorquer le prix le plus élevé possible d’Israël. Pour chaque information, une photo, par exemple, ils fixeront un prix.
Ce qui pourrait différer de l’accord de 2008, c’est l’état d’esprit du public. Les familles Regev et Goldwasser ont mobilisé le public par le biais d’une campagne de relation publique intelligente qui a mis une grosse pression sur le gouvernement pour conclure l’affaire même à un prix élevé.
Il semble que, particulièrement après l’affaire Shalit qui fut critiquée par les politiciens et le peuple, ce dernier réagisse de manière moins émotionnelle et soutiendra les autorités quelles que soient les décisions qui seront prises, donnant ainsi au gouvernement plus de marge de manoeuvre pour aboutir à un accord raisonnable et éviter de se soumettre au chantage du Hamas.
Yossi Melman est un commentateur de la sécurité et du renseignement israéliens et le co-auteur de “Espions contre Armageddon : à l’intérieur des guerres secrètes d’Israël.” Twitter: @yossi_melman