L’opération pourrait durer plusieurs semaines et ne sera pas une “promenade de tout repos”
La surprise de l’opération terrestre qui a débuté cette nuit réside dans son timing.
On supposait il y a quelques jours que si on aboutissait pas un cessez-le-feu et que le Hamas continuait à tirer ses roquettes, ce qu’il a fait, Israël n’aurait pas d’autre choix que d’envoyer son armée de terre.
Mais cette hypothèse communément admise a été camouflée durant la journée d’hier par des rumeurs et une désinformation propagée par les médias internationaux selon lesquelles Israël et le Hamas auraient convenu d’un cessez-le-feu qui serait mis en place d’ici vendredi matin.
La BBC a cité un “haut responsable israélien” qui l’affirmait en toutes lettres.
Rétrospectivement on peut se demander si après tout ce responsable officiel israélien faisait partie d’un stratagème d’Israël pour prendre par surprise les dirigeants du Hamas ?
Vers 22h00 locale (1900GMT), les forces israéliennes sont rentrées massivement et simultanément dans Gaza depuis le nord, l’est et le sud.
Comme c’est généralement le cas dans ce genre d’opérations, l’intervention terrestre a été précédée par un intense pilonnage d’artillerie et de la marine.
Une demi-heure plus tard, le Bureau du Premier ministre Benyamin Netanyahou a publié un communiqué indiquant que lui-même et le ministre de la Défense Moshe Ya’alon avaient ordonné à Tsahal (l’armée israélienne, ndlr) de débuter l’intervention terrestre après le rejet par le Hamas de l’initiative égyptienne en faveur d’un cessez-le-feu qu’Israël avait accepté et respecté mardi dernier.
La déclaration souligne que le but de l’incursion est de “supprimer les tunnels terroristes” qui mènent de Gaza à Israël.
Apparemment, il pourrait y avoir une dissonance entre ce qui semble être un objectif limité et l’importance des troupes engagées.
En raison de la censure, le nombre exact de militaires prenant part à l’opération n’a pas été révélé, mais on peut dire qu’il est beaucoup plus important que lors des deux précédentes opérations de 2009 et 2012 à Gaza.
Pourtant il n’y a pas de contradiction. L’objectif militaire est en effet de mettre à jour et de démolir les tunnels, de détruire le maximum de l’arsenal de roquettes et de rampes de lancements et en plus d’éliminer les chefs militaires du Hamas.
Mais il semble qu’à ce stade Israël n’a pas l’intention de pénétrer dans Gaza-City qui est une des villes ayant la densité de population la plus forte de la planète. Ce serait trop dangereux.
Ce qui est plus important, indépendamment de l’importance des troupes engagées, c’est l’objectif politique de cette opération militaire: elle a pour but de faire pression sur le Hamas pour qu’il accepte le cessez-le-feu.
Un développement important, je dirais même extraordinaire, est venu du Caire. Les dirigeants égyptiens, y-compris le président Abdel Fatah al-Sissi ont condamné le Hamas pour avoir rejeté l’initiative égyptienne de cessez-le-feu.
En lisant le communiqué, on peut supposer que l’invasion israélienne a été coordonnée à l’avance avec Le Caire et est en droite ligne avec les intérêts de la sécurité nationale de l’Egypte.
En réponse à l’incursion israélienne, le Hamas a publié un communiqué affirmant qu’il s’agit d’un “acte stupide et dangereux” promettant qu’Israël “paiera un lourd tribut” et réitérant son rejet de la proposition de cessez-le-feu tant que ses exigences ne seraient pas exaucées.
L’armée israélienne fait mouvement avec prudence, prenant grand soin d’éviter toutes pertes et essayant de ne pas toucher des civils. Cependant c’est une guerre, par conséquent des victimes des deux côtés sont à prévoir.
Il est clair également que l’opération va se compter en semaines plutôt qu’en jours et, après le choc initial, les chefs du Hamas vont se ressaisir et riposter.
Militairement, le Hamas ne joue pas dans la même cour que la puissante machine de guerre israélienne.
Mais en utilisant son arrière-garde et la tactique du coup de poing et de la fuite en utilisant les labyrinthes sophistiqués des tunnels construits il y a des années justement dans le but d’une telle confrontation, les membres du Hamas sont capables d’infliger certains dégâts aux troupes israéliennes.
Le général Sami Turgeman, commandant de la région militaire sud, a personnellement expliqué au cabinet de sécurité qu’il ne fallait pas s’attendre à un arrêt immédiat des tirs de roquettes contre le territoire israélien. Ils devraient continuer.
L’un dans l’autre, cela ne sera pas une promenade de tout repos.
Asymétrique par nature, cela reste cependant une guerre…
Yossi Melman est un commentateur de la sécurité et du renseignement israéliens et le co-auteur de “Espions contre Armageddon : à l’intérieur des guerres secrètes d’Israël.” Twitter: @yossi_melman