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Ariel Sharon ou l’aventure israélienne

By 9 janvier 2014Etz Be Tzion

Ariel Sharon ou l’aventure israélienne

 janvier 7th, 2014  Aschkel
Ariel Sharon

L’ancien Premier ministre israélien n’aura laissé personne indifférent et aucun homme politique israélien n’aura suscité autant de sentiments contradictoires, à la limite de l’irrationnel, tant dans son pays qu’à l’étranger.

Par Shraga Blum

Plus que tout autre personnalité israélienne, Ariel Sharon aura symbolisé la victoire de la révolution sioniste et le passage du juif de diaspora, soumis au bon vouloir de ses pays d’accueil au juif debout, redevenu paysan et soldat sur sa terre, et tenant tête aux armées ennemies autant qu’aux donneurs de conseils en tous genres.

L’Histoire de ce héros militaire se confond avec celle de l’Etat d’Israël, avec ses moments de gloire comme ses périodes de doute. Il serait trop long de faire la biographie de l’ancien Premier ministre, mais il convient de prime abord de lui rendre justice sur la manière ignoble dont il a été perçu à l’étranger et l’image caricaturale dont il a été victime. L’Histoire aime les raccourcis et les résumés, et ceux qui ont écrit l’Histoire du conflit du Proche-Orient dans les années 1980 ont précipité Sharon dans la mémoire collective comme étant un criminel sanguinaire, le « boucher de Sabra et Chatila ». Or ceux qui auront l’honnêteté de prendre un peu de recul et se pencher sur les faits exacts se rendront soudain compte que cet homme a été injustement accusé de l’assassinat d’Arabes palestiniens par des Phalanges chrétiennes aidées d’autres nervis musulmans. Tout comme la « mort » de Mohamed Al-Dura, le massacre de Sabra et Chatila est entré dans le martyrologue palestinien comme l’une des preuves de la « barbarie israélienne » dont Sharon aurait été l’acteur principal.

La responsabilité d’Israël et de Sharon dans ce règlement de compte interne – comme il y en a eu beaucoup lors de la Guerre civile au Liban – restera une question discutée et non élucidée. Mais c’est l’aspect irrationnel qui ressort de ce drame qui interpelle : comment expliquer que de la tragédie libanaise, qui a fait des dizaines de milliers de morts, seul le massacre de Sabra et Chatila est resté dans les mémoires avec comme « héros » un juif, Ariel Sharon qui n’a pas mis les pieds dans ces camps pas plus que le moindre soldat de Tsahal ? Force est de constater par ailleurs que la mort d’Arabes et d’Arabes palestiniens en particulier n’émeut pas outre mesure les bonnes consciences dès lors qu’il n’y a pas de soldats de Tsahal face à eux ou même dans les alentours, comme ce fut le cas à Sabra et Chatila. L’exemple syrien est là pour nous le rappeler.

L’attitude de la gauche israélienne n’a pas été pour rien non plus dans la transformation de Sharon en icône du Mal, et les manifestations qui ont suivi le massacre de Sabra et Chatila et qui ont abouti à la création de la Commission « Kahane » ont convaincu l’opinion publique internationale, comme à l’accoutumée « que si les Israéliens eux-mêmes le disent, c’est forcément vrai ». Les normes éthiques qu’Israël s’est fixé pour lui-même se sont souvent retournées contre l’Etat hébreu.

Sur le plan militaire, Sharon aura été un électron libre durant toute sa longue carrière, adulé ou détesté, mais toujours craint. Officier courageux et stratège hors pair, ce baroudeur aura su donner ses lettres de noblesse à Tsahal, même s’il a parfois agi en solitaire ou en désobéissant aux ordres de ses supérieurs. Pour la plupart des juifs à travers le monde, le bouillant général était devenu un héros digne des Maccabées d’il y a 22 siècles en Judée, et qui a rendu sa fierté au peuple juif quelques années à peine après Auschwitz.

Il aura aussi été l’un des rares hommes politiques – sinon le seul – à avoir généré une inversion totale de l’opinion publique vers la fin de sa carrière. Celui qui fut qualifié de « bulldozer » tant par ses partisans que par ses détracteurs, aura été perçu de deux manières radicalement opposées dans sa vie politique : avant le désengagement de Gaza et après. Jusqu’en 2005, Sharon fut la bête noire de la gauche et des médias tout comme il fut l’enfant chéri de la droite et surtout des habitants juifs de la Judée et la Samarie. Mais en 2004, pour des raisons qui restent encore obscures, il a pris la décision de tourner le dos à ses amis, à ses partisans, à ses principes et à son parti en ordonnant le démantèlement de plus de 20 villages juifs de la Bande de Gaza, l’expulsion de milliers de familles juives, en n’hésitant pas pour cela à piétiner les principes démocratiques. Toute l’énergie qu’il avait mise pour construire, il l’employait soudain pour détruire, avec la même détermination et la même conviction. Très rapidement, il s’assura naturellement le soutien et l’admiration de la gauche, les faveurs des médias israéliens comme étrangers, les félicitations des chancelleries et même la clémence du Conseiller juridique du gouvernement concernant des affaires judiciaires dans lesquelles il était présumé avoir trempé. Le Premier ministre n’échappait donc pas à la règle générale qui veut que tout homme politique israélien qui est prêt à faire des concessions jouisse d’un régime de faveur aux yeux de la gauche, des médias et des gouvernements étrangers. L’inverse étant vrai également. Parallèlement, la droite israélienne plongeait dans le désarroi le plus total face à ce qu’elle considérait comme la trahison de celui qui fut son soutien le plus solide durant des décennies.

A cause de la maladie qui l’a frappé juste après la mise en œuvre du désengagement, personne ne saura jamais comment il aurait jugé son revirement, surtout au vu de ses conséquences désastreuses, lui qui l’avait justifié en affirmant avec conviction « qu’il apporterait plus de sécurité aux habitants d’Israël »…

Comme d’autres grands hommes de cette nation, tels que Shimon Pérès ou Itshak Rabin, Sharon aura été un grand bâtisseur durant les premières décennies de sa carrière avant de se fourvoyer sans des décisions hasardeuses aux conséquences si préjudiciables pour le pays. Sharon, comme d’autres de ces valeureux officiers de Tsahal, aura-t-il réussi sur le plan militaire et échoué dans sa carrière politique ?

En tout cas, il sera désormais impossible de penser au héros de la Guerre de Kippour et au bâtisseur de la Judée-Samarie sans avoir devant les yeux les synagogues et villages juifs détruits de la Bande de Gaza. Mais l’inverse reste tout aussi vrai.

Sharon aura été l’un des héros tragiques de la pièce jouée par Israël depuis son retour sur la scène de l’Histoire. Petit pays dont l’existence est sans cesse menacée, souvent incompris, observé à la loupe, jugé avec une sévérité unique au monde, et dont les dirigeants sous pression doivent parfois prendre des décisions cruciales sans savoir si elles s’avèreront bénéfiques ou catastrophiques.

Shraga Blum est un journaliste indépendant. Il écrit pour la revue hebdomadaire «P’tit Hebdo» et pour des sites de franco-israéliens.

Lire la suite: http://www.israel-flash.com/2014/01/ariel-sharon-ou-laventure-israelienne/#ixzz2pqhWzSxl

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