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Comprendre Netanyahou et sa retenue dans le conflit avec le Hamas à Gaza… Un point de vue de Guy Millière.

By 29 août 2014Etz Be Tzion

La doctrine Netanyahou, par Guy Millière


La doctrine Netanyahou, par Guy Millière

Les opérations d’Israël contre le Hamas ont commencé il y a cinquante jours. Une trêve se met en place, mais une trêve n’est pas la fin des hostilités, surtout avec une organisation telle que le Hamas.

Des tirs d’obus depuis Gaza ont eu lieu jusqu’au dernier moment, et ils ont tué.

Il y a eu trop de morts israéliens. Chaque mort me bouleverse. Mais je ne peux regarder la photo du petit Daniel Tragerman sans que des larmes montent dans mes yeux. J’aimerais, comme tous les Israéliens, voir une issue définitive prendre forme. Je sais que ne sera pas le cas. Je sais qu’il règne de la frustration de ne pas voir d’issue définitive prendre forme.

Dans l’absolu, un écrasement total du Hamas serait légitime et justifié. Et dans l’absolu, je suis favorable à cet écrasement. Je l’ai écrit. Cet écrasement impliquerait de réduire Gaza à l’état de décombres.

Cela dit, se poserait alors la question du statut ultérieur de Gaza. Une réoccupation israélienne ne peut qu’être écartée, car elle serait coûteuse en vies israéliennes (entrer dans un nid de frelons implique des risques) : elle impliquerait, en outre, une mobilisation et des coûts très importants pour Israël. Replacer Mahmoud Abbas à Gaza, comme cela est souhaité ici ou là (et comme lui-même l’espère) serait, tout bien pesé, une très mauvaise idée, qui conduirait à une relance forcenée des exigences occidentales d’un réenclenchement rapide du « processus de paix ».

Je m’efforce, en ce contexte, de comprendre l’attitude de Binyamin Netanyahou, quand bien même je sais qu’elle est, sans doute, difficile à comprendre.

Cette attitude me semble dictée par le monde tel qu’il est et par le Proche-Orient tel qu’il est. Je pense qu’il existe ce que je pourrais appeler une « doctrine Netanyahou », et j’explique en détail cette doctrine dans le prochain numéro d’Israël Magazine.

Binyamin Netanyahou sait que l’Europe est en position (lâche) d’apaisement, qu’elle rêve de réenclencher rapidement le « processus de paix », et de placer Mahmoud Abbas en position d’homme providentiel. Il sait que l’administration Obama est sur des positions aussi viles et lâches que l’Europe. Il sait, en somme que l’Europe et les Etats Unis voudraient imposer l’avancée à marche forcée vers un « Etat palestinien » à Israël en confiant celui-ci à Mahmoud Abbas. Il sait que le Hamas, même écrasé totalement à Gaza, ne disparaîtrait pas de l’équation, car ses chefs politiques sont au Qatar. Mahmoud Abbas a montré lui-même que ce qui le séparait du Hamas est très mince.

Binyamin Netanyahou sait aussi qu’Israël a deux alliés tactiques régionaux, l’Egypte et l’Arabie Saoudite, dont les dirigeants se sentent aussi trahis qu’Israël par l’Europe et les Etats Unis. Il sait que l’alliance (implicite) d’Israël avec l’Egypte et l’Arabie Saoudite ne tient que tant que la « question palestinienne » est quasiment hors jeu (aucun pays arabe ne peut se permettre de paraître négliger la « question palestinienne » si elle est au centre de la table), et il sait que la « question palestinienne » restera quasiment hors jeu tant que le « processus de paix » ne sera pas sérieusement réenclenché.

Il choisit donc un statu quo, destiné à laisser à Gaza un Hamas affaibli, largement désarmé, mutilé (des coups très sévères ont été portés au Hamas, et on peut penser qu’il a tiré ces dernières heures, de manière forcenée, comme on tire ses dernières cartouches) mais pas mort, car il sait qu’un Hamas affaibli, largement désarmé, mais pas mort, sera un obstacle au réenclenchement rapide du « processus de paix ».

Il choisit ce statu quo, car ce statu quo préserve l’alliance tactique Israël Arabie Saoudite Egypte, empêche le réenclenchement rapide susdit, et entrave les pressions européennes et américaines sur Israël.

Binyamin Netanyahou, surtout, voit ce que ne veulent obstinément pas voir les dirigeants européens et américains : ce qu’on appelle en anglais « the big picture », la grande image, autrement dit, l’image d’ensemble.

Il voit que le danger pour Israël ne vient pas seulement de Gaza et du Hamas, de la volonté européenne et américaine de faire pression sur Israël aux fins d’avancer vite vers un « Etat palestinien », mais vient aussi et surtout des forces djihadistes amassées autour d’Israël, et qui ne sont pas que le Hamas, mais aussi le Hezbollah, le Front al-Nusra, l’Etat Islamique, avec, en arrière plan, l’Iran et le Qatar.

Il voit que la situation régionale est extrêmement instable et que des fronts peuvent s’ouvrir au Nord et à l’Est, si la Jordanie était déstabilisée.

Il voit que l’alliance tactique avec l’ Arabie Saoudite et l’Egypte lui assure la tranquillité au Sud, des appuis s’il devait agir sur un autre front.

Il voit que la « question palestinienne » n’est pas l’urgence de l’Arabe Saoudite et de l’Egypte, qui comptent sur Israël pour faire face aux forces djihadistes qui les menacent aussi, elles, Arabie Saoudite et Egypte.

Il voit que l’Europe et les Etats Unis veulent avancer à marche forcée sur la « question palestinienne », parce que dirigeants européens et américains espèrent apaiser les forces djihadistes en créant un Etat palestinien confié à Mahmoud Abbas quasiment à tout prix et en sacrifiant Israël.

Et il voit que l’Arabie Saoudite et l’Egypte n’ont pas plus d’illusions qu’Israël sur la possibilité d’apaiser les forces djihadistes et pas plus de dilection qu’Israël présentement à voir se créer un Etat palestinien confié à Mahmoud Abbas quasiment à tout prix, en sacrifiant Israël.

Je m’efforce de comprendre l’attitude de Binyamin Netanyahou quand bien même je sais qu’elle est, sans doute, difficile à comprendre, disais-je.

On ne peut la comprendre sans comprendre « the big picture ». Dans ma chronique d’Israël Magazine, je parle de « longue guerre », et j’explicite les circonvolutions d’un enchevêtrement complexe.

Je parle de « doctrine Netanyahou ».

La doctrine serait très différente, sans doute, si la situation était très différente, mais la situation est ce qu’elle est.

Les forces djihadistes enflamment tout le Proche-Orient, et ce n’est sans doute qu’un début. L’Iran et le Qatar sont à la manœuvre en arrière plan. Israël se bat pour sa survie face aux flammes des forces djihadistes.

L’Arabie Saoudite et l’Egypte se battent pour leur survie aussi et sont, pour l’heure du côté d’Israël.

Le monde occidental n’est pas du côté d’Israël, et prêt à sacrifier Israël en espérant satisfaire les forces djihadistes et les calmer. Le monde occidental veut utiliser pour cela la « question palestinienne » et Mahmoud Abbas.

La « question palestinienne » n’est ni la priorité d’Israël, ni la priorité de l’Arabie Saoudite ou de l’Egypte. Binyamin Netanyahou, les dirigeants saoudiens, le maréchal Sissi, savent qui est Mahmoud Abbas.

Un Hamas affaibli, largement désarmé, mutilé, mais pas mort à Gaza est, temporairement, la moins mauvaise solution dans cette situation.

On se retrouve dans ce type de situation quand il y a, à la Maison Blanche, un Président qui peut  reprendre sa partie de golf moins de dix minutes après avoir parlé de l’assassinat de James Foley, et qui a plus de sympathie pour le Qatar et l’Iran que pour Israël.

On se retrouve dans ce type de situation quand il y a au pouvoir en Europe des carpettes achetées en solde par le Qatar et prêtent à servir de paillasson à l’Iran, pour peu que celui-ci signe quelques contrats.

Des « négociations » vont avoir lieu. Je ne doute pas que Binyamin Netanyahou sera inflexible sur ce qui compte pour que le Hamas reste affaibli, largement désarmé, mutilé : une demande de désarmement complet du Hamas contrôlable par Israël. Je ne doute pas qu’il refusera toute concession sur le statut de Gaza tant que ce désarmement complet ne sera pas obtenu : pas de reconstruction sans désarmement et sans maintien de contrôles stricts aux frontières de Gaza. Je ne doute pas qu’il refusera tout reprise de quelque « processus » que ce soit tant que le Hamas sera dans  l’ombre de Mahmoud Abbas. Je ne doute pas que le désarmement complet du Hamas, contrôlable par Israël, ne sera pas obtenu. Je ne doute pas que le Hamas restera dans l’ombre de Mahmoud Abbas.

Gaza aurait pu être détruit davantage par Israël : ne pas avoir détruit Gaza davantage évite, de surcroît, à Israël d’être confronté à des chantages « humanitaires » dictés par l’ « urgence », chantages que le monde occidental aimerait exercer.

Le Hamas a fait la fête à Gaza, en disant qu’il a gagné. Il n’a rien gagné du tout. Il a presque tout perdu. Sa survie ne tient qu’à un fil, que Binyamin Netanyahou n’a pas voulu couper, pour les raisons que je viens d’exposer.

La population de Gaza fait la fête : il y a de quoi. Trois cent mille personnes à Gaza avaient un logement et n’ont plus que des ruines où habiter. Sept mille missiles divers ont  été tirés vers Israël et le Hamas a tué soixante dix Israéliens (ce qui est beaucoup trop, mais sans aucun doute très en dessous de ce que le Hamas espérait en tirant sept mille missiles divers). Mille terroristes djihadistes ont été tués, ce qui en fait mille de moins. Des boucliers humains par centaines ont été tués aussi. Plusieurs dirigeants importants du Hamas ont été éliminés. Tous les tunnels d’attaque contre Israël ont été détruits. Joie ! Il y a vraiment de quoi faire la fête à Gaza.

De tirs peuvent-ils reprendre de Gaza vers le Sud d’Israël ? Ce n’est pas impossible, hélas. Le Hamas peut rêver d’autres « victoires » : quelques milliers de maisons supplémentaires détruites à Gaza. Quelques centaines de terroristes djihadistes supplémentaires et quelques dirigeants du Hamas envoyés de vie à trépas. Je suis sûr que Binyamin Netanyahou est prêt à donner ce type de « victoires » au Hamas.

 © Guy Millière pour Dreuz.info.

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