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Hitler, l’occultisme et le nazisme

By 19 avril 2022Lève-toi !
PUBLIÉ PAR ABBÉ ALAIN ARBEZ LE 18 AVRIL 2022

Beaucoup ont lu « le matin des magiciens » de Louis Pauwels et Jacques Bergier qui ont abordé à leur manière, sans doute discutable, la part de la théosophie dans l’élaboration du nazisme. Il est toujours risqué de simplifier l’effervescence culturelle, sociale et politique qui a conduit dans les années 30 Adolf Hitler au pouvoir avec les conséquences catastrophiques que l’on sait.

Si des quantités d’extrapolations ont été émises sur le rôle de la magie, des rituels ésotériques, des sociétés secrètes dans la montée du nazisme, il est cependant utile d’examiner un certain nombre de faits historiques qui ont compté dans l’idéologie nazie.

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La théosophie est une science ésotérique transmise par voie initiatique qui prétend donner accès à des secrets fondateurs anciens, cachés au grand nombre. Il s’agit d’une version hétéroclite articulant des mystères éclairant l’origine du monde, l’organisation de l’humanité, l’intervention divine, et le problème du mal.

Cette démarche s’inscrit dans une mouvance présente il y a 2000 ans  et que l’on dénomme la gnose (connaissance en grec). Toute une weltanschauung en est issue, une vision du monde de tonalité à la fois mystique et politique. Or il est clairement établi que cette mythologie composite a fortement influencé le führer Adolf Hitler dans son propos et dans ses projections hégémoniques. Ses collaborateurs directs partageait souvent ses théories aux aspects délirants.

Un universitaire allemand a édité à ce sujet une étude intitulée « Der Mann, der Hitler die Ideen gab », c’est-à-dire : L’homme qui a donné ses idées à Hitler ». Il s’agit de Georg Lanz von Liebenfels, un Autrichien, moine cistercien défroqué. Il était entré au monastère en 1893, avec déjà des concepts hétérodoxes sur la révélation chrétienne. Il rêve de reconstituer un ordre des templiers, avec une obsession spécifique : sauver la pureté de la race des blonds aux yeux bleus menacée par le métissage. Il distingue dans l’humanité deux espèces : les blonds, race des seigneurs et des héros, et d’autre part les tschandalas, les hommes-singes, représentés par les races au teint sombre, et il vise spécialement les judéens…

Le terme de « tschandalas » provient du système des castes de l’Inde. Selon cette croyance, ils ne font pas partie de la véritable humanité la plus noble, celle des aryens. Etonnamment, on retrouve ce terme de « tschandalas » dans les œuvres de Nietzsche, comme « Götzendämmerung », où l’auteur, fils de pasteur protestant, évoque « l’humanité aryenne, toute pure, toute originelle ». Ayant abordé la question du « sang pur » – qui rappelle la « limpieza de sangre » des inquisiteurs espagnols –  il précise : « il est clair de voir dans quel peuple s’est perpétuée la haine des tschandalas contre cette humanité, celle des aryens. Dans quel peuple cette haine est devenue religion, génie ? Le christianisme, issu du judaïsme et compréhensible seulement à partir de ce terrain juif, constitue la réaction à l’encontre de toute morale de la culture, de la race, du privilège : il est la religion anti-aryenne par excellence ! Le christianisme, c’est le renversement de toutes les valeurs aryennes, la victoire des valeurs des tschandalas, l’évangile prêché aux rebuts de la société, la révolte générale de tout ce qui se sent foulé aux pieds, des miséreux, des ratés, des mal venus contre la race…C’est là la vengeance immortelle des tschandalas ».

On imagine bien qu’il existe une source commune à la pensée de Nietzsche et à celle de Lanz. Pour l’ex-moine Lanz, la restauration de la race pure se fera par le rétablissement de l’ordre des templiers, aboli par l’Eglise. Lanz se constitue toute une réinterprétation de la révélation chrétienne : il est persuadé qu’aux origines, le christianisme avait pour but de défendre la pureté de la race, mais il s’est, selon lui, enjuivé. Il en impute la faute aux jésuites, puisque le successeur d’Ignace de Loyola était juif. En 1903, Lanz publie un livre qui enseigne la lutte des hommes purs contre les hommes-singes. Il fonde un institut « ariosophique » pour instruire sur la connaissance secrète des aryens.

En 1907, Lanz veut constituer un nouvel ordre des templiers, une institution mystico-politique, avec l’abréviation ONT (« Orden des Neuen Tempels ». Il transforme Jésus en héros aryen, et il change son nom hébreu en Frauja, mot tiré de la traduction gothique d’Ulfila, évêque du 4ème s. ayant activement participé à la conversion de tribus germaniques.

Après avoir acheté le château de Werfenstein en Haute Autriche, Lanz en ouvre les portes à une communauté aryenne, où les femmes ne peuvent procréer qu’avec des blonds aux yeux bleus, par fidélité à Jésus/Frauja, qui est un blond aux yeux bleus. C’est en ce sens qu’il écrit : « Jésus n’est pas juif ! ». Tous les affiliés à l’Ordre du Nouveau temple portent des vêtements rituels, et dans les cérémonies initiatiques, les sacrements d’origine catholique sont transposés pour illustrer l’idéologie de la race. Cette démarche est accompagnée par la création de la Revue OSTARA qui connaît un grand succès.

En 1907, Lanz, qui se fait appeler « maître », fait dresser sur la tour principale de son château un oriflamme marqué d’une croix gammée. L’origine sanscrite de la svastika fait le lien avec la théorie de l’humanité séparée en hommes purs et hommes-singes.

Mais Lanz voit également dans le graphisme de la croix gammée le signe mystique de la chute de l’esprit dans la matière et la remontée de l’esprit hors de la matière, l’opposition esprit-matière est un thème gnostique bien connu.

Pour Lanz, le péché originel se réduit à l’infection raciale des êtres supérieurs par les êtres inférieurs, et il se réjouit de remarquer l’émergence de signes sociétaux correspondant à son utopie : le Ku-klux-klan issu des rangs démocrates en Amérique, les mouvements fascistes issus de la gauche en Italie, et le socialisme-national en Allemagne.

Lanz prétend que « la race, c’est Dieu… et Dieu, c’est la race purifiée ». Il reprend dans sa doctrine ésotérique le vieux mythe grec de Zeus qui foudroie les titans. Erwin Rohde, grand ami de Nietzsche, écrit un ouvrage intitulé « psyché ». Il y montre comment le dieu Zagreus a été mis en pièces par les titans, principes du mal. Zeus anéantit par la foudre les titans qui ont dévoré les membres du dieu.  C’est de leurs cendres qu’est née l’espèce humaine où se retrouve une double origine : la part divine issue de Zagreus et la part maléfique issue des titans.

A partir de ces spéculations, Lanz déduit que la race blonde héroïque est l’œuvre des dieux, les races au teint sombre sont l’œuvre des démons. Le paradis correspond donc à la pureté originelle. Raison pour laquelle, pour lui, l’ariologie est la religion première. En conséquence, la passion, la mort du Christ symbolisent la chute, et sa résurrection signifie la purification de la race humaine. On retrouve ici le schéma de la gnose dans la doctrine fantaisiste de Lanz. Deux principes éternels et incréés se disputent la réalité du monde. Le principe bon et lumineux est purement spirituel. Le principe mauvais est la matière. Le monde physique, la matière, le corps, la sexualité, tout est l’oeuvre du principe mauvais. Mais les hommes purs sont des parcelles de la substance divine, des étincelles de divinité céleste tombées dans ce monde guidé par le principe mauvais. On perçoit l’analogie entre cette vision gnostique (provenant de croyances mythiques grecques et perses) avec le manichéisme (qui entre autres inspira les cathares).

Rien d’étonnant à ce que le jeune Adolf Hitler ait rendu visite personnellement à Lanz von Liebenfels en 1909 pour exalter ce genre de perspectives planétaires. Lanz lui-même raconte cette entrevue et précise qu’Hitler avouait être un fidèle lecteur de la revue Ostara. (Lorsque des exemplaires lui manquaient, il venait demander à Lanz de les lui procurer…) L’inspiration et la filiation de cette pensée se manifestent dans « Mein Kampf », où le führer écrit :
« lorsque je combats les juifs, je combats pour l’œuvre du Seigneur ! »

Parallèlement à cette doctrine occultiste élaborée par Lanz, d’autres expressions de la mythologie germaniste ont joué un rôle de premier plan dans la formulation de l’idéologie nazie. La société de Thulé va dans le même sens, en évoquant le peuple des Hyperboréens, situé au nord, et constituant la forme supérieure de l’humanité. Cette mythologie pangermanique a donné naissance au courant « völkisch » avec le Germanen Orden fondé à Munich par Rudolf von Sebottendorf. Cette référence considère que la glorieuse race allemande descend du peuple nordique de Thulé. Cette organisation de militants étendit son influence dans les groupes du NDSAP jusqu’en 1945. Le parti nazi avait dès le départ repris la croix gammée de Lanz, symbole de la société de Thulé, mais aussi son salut « Sieg und Heil ! » qui deviendra « Heil Hitler ».

La plupart des dirigeants du 3ème reich se mouvaient mentalement dans cette idéologie suprémaciste à base de doctrines ésotériques et de mythes germaniques. Himmler, ordonnateur de la « Endlösung » croyait dur comme fer que le St Graal, l’épée du roi Arthur, étaient des trésors aryens. Il possédait dans sa bibliothèque 13000 ouvrages d’occultisme, de magie et de sorcellerie. En réponse à l’intérêt d’Adolf Hitler pour la quête des origines aryennes, Himmler crée en 1935 une unité SS chargée de mission sur l’héritage des ancêtres (« Ahnenerbe »). Et en 1938, il envoie une équipe de cinq éclaireurs nazis au Tibet pour trouver des traces de l’antique race aryenne. Il collecte les mesures du crâne de 370 Tibétains pour confirmer ses théories généalogiques. Ces liens laissent des traces, puisqu’à la fin de la guerre, c’est un ancien SS qui sera précepteur du Dalaï Lama.

Les proches d’Hitler adhèrent à l’ésotérisme völkisch, comme Frank, Rosenberg, Eckhart, et bien d’autres, mais aussi Rudolf Hess adjoint du führer. Ils vont saluer le lever du jour et célèbrent le solstice d’hiver. De grandes liturgies aryennes donnent une dimension collective à ces mythologies devenues expressions de masse. Par là même des personnages comme Goebbels, Bormann, Himmler, Rosenberg, Heydrich nommés à des postes-clé du reich, promeuvent des idées antichrétiennes dans le but de détruire l’influence de l’Eglise. Hitler lui-même déteste l’éthique chrétienne. En 1937 il déclare vouloir l’ « Untergang » de l’Eglise, sa destruction, car elle s’oppose par sa doctrine à son projet socialiste-national. Il fait censurer de nombreuses pages de la Bible, sans réactions particulières car la majorité des pasteurs protestants sont affiliés au parti nazi (sauf des membres éminents de l’Eglise confessante comme Niemoeller et Bonhoeffer). C’est le temps de la persécution des congrégations catholiques. Dans ses mémoires, Albert Speer mentionne une réflexion significative d’Adolf Hitler : « l’islam aurait été beaucoup plus bénéfique pour nous que le christianisme » .

La prudence du pape Pie XII dans ses déclarations peut sans doute s’expliquer par le fait que d’abord l’Eglise catholique est minoritaire en Allemagne par rapport à l’Eglise nationale protestante, ensuite du fait que les réactions barbares des SS mettent en danger les juifs et les chrétiens. La prise de parole des évêques hollandais contre le régime nazi et ses exactions a provoqué dès les lendemain une immense rafle de prêtres, religieux et religieuses d’origine juive présents aux Pays Bas. Tous furent déportés à Auschwitz, comme la sœur carmélite Edith Stein, disant à sa sœur durant l’arrestation : « viens, nous mourrons pour notre peuple ».

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Abbé Alain René Arbez, prêtre catholique, commission judéo-catholique de la conférence des évêques suisses et de la fédération suisse des communautés israélites, pour Dreuz.info.

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