Ilan Halimi : le scandale A. Caron coupé par France 2. Vidéo
lundi 28 avril 2014, par Torquemada
Vous avez dit « incorrect » ? Quand Aymeric Caron rationalise les mêmes arguties qu’un Mohamed Merah…
Aymeric Caron est de gauche. La preuve, il n’aime pas qu’on tue des enfants. Surtout quand ce sont des enfants palestiniens tués par des soldats israéliens – ce qui, malheureusement arrive, comme dans toutes les guerres, même si on n’a jamais vu les Israéliens acclamer un tueur d’enfants comme l’ont fait les Libanais en accueillant en héros Samir Kuntar, dont le haut fait d’armes était d’avoir fracassé la tête d’une fillette israélienne sur des rochers. Passons, un enfant est un enfant et moi non plus, je n’aime pas que les enfants meurent.
Cependant, on dirait que l’amour des enfants peut faire perdre tout discernement aux plus grands intellectuels. Oui, Caron est un grand intellectuel sinon, il n’aurait pas eu les honneurs de l’éditorial de Jean Birnbaum dans Le Monde des Livres, pour son dernier ouvrage, plaisamment intitulé Incorrect. De méchantes langues vous diront que ce texte indigent et truffé de calomnies court avec zèle d’un lieu commun à une contre-vérité. Pas moi. Pourtant, pour m’attaquer, cet esprit supérieur ne s’est pas donné la peine de me lire, sans doute par peur d’être influencé. Je lui pardonne volontiers, car Caron, et Birnbaum avec lui, dénonce courageusement mon omniprésence médiatique. N’ayant aucun engagement régulier à la télévision, il m’arrive assez fréquemment d’être invitée ici ou là – s’agissant du Service public deux ou trois fois l’an par Taddéï : alors oui, je suis flattée que mon aimable confrère, si j’ose dire, me voie dès qu’il allume la télé – quand le pauvret, lui, résiste dans l’ombre sur France 2 le samedi soir. Que je puisse indisposer, au point que mon image les poursuive, des adversaires aussi titrés, sans avoir à bouger de chez moi, que le patron d’un grand supplément littéraire et un chroniqueur-vedette se mettent à deux pour me cogner, j’avoue que cela me va droit à l’égo. Je suis partout !
Interviewé sur RMC, Alexandre Arcady a confirmé l’accrochage. (vidéo non disponible)
D’accord, ce n’est pas le sujet. Quoique. En vrai, c’est toujours un peu le même sujet : la morgue satisfaite, la bonne conscience d’airain, la haine de la différence intellectuelle qui s’avancent dans les habits de la vertu, du courage et de la tolérance ; le refus de toute complexité drapé dans l’indignation ; les idées courtes et les phrases longues.
Oui, oui, les faits, j’y viens ! Vendredi soir, pendant le tournage de « On n’est pas couchés ! », une altercation, assez violente paraît-il, a mis aux prises Aymeric Caron, chroniqueur gauche de Laurent Ruquier, et le metteur en scène Alexandre Arcady, venu défendre 24 jours, son film sur la séquestration et l’assassinat de Ilan Halimi. J’ai entendu parler de cet incident par quelqu’un, qui en avait entendu parler par quelqu’un…qui connaissait Arcady ou une de ses connaissances. Il n’est même pas scandaleux, juste révélateur d’un état d’esprit commun aux milieux islamistes et à une certaine gauche, plus active dans les médias que dans les partis – ce qui n’est pas nécessairement rassurant. Dans le paquetage idéologique de Caron et de ses multiples clones, il y a, entre autres certitudes rangées au carré, celle qu’Israël est l’un des noms du mal. Alain Finkielkraut aussi – logique, puisque Finkielkraut soutient Israël. N’empêche, il est un peu vexant que Finkie ait droit à un chapitre pour lui tout seul, et Zemmour pareil, alors que moi, j’en partage un avec « Marine », ben oui chef, pourquoi faire compliqué ? Lévy, Le Pen, tout ça, c’est qu’un tas de fachos, non ?
Revenons à notre Caron et à sa dispute avec Arcady. Il est dommage que cette édifiante scène de la vie parisienne ait été coupée au montage – chapeau au monteur car on ne voit rien. La productrice Catherine Barma en a d’ailleurs informé Alexandre Arcady à l’issue du tournage. C’est que les propos de Caron semblent avoir effaré pas mal de monde jusque dans l’équipe de l’émission, aussi a-t-elle dû penser qu’il était inutile de les infliger au téléspectateur. Cette décision est parfaitement légitime. S’agissant d’une conscience morale et d’un penseur de la stature de Caron, il est tout aussi légitime d’éclairer le public, qu’il s’emploie à rééduquer en l’insultant, sur son intéressante vision du monde. Faute de disposer des images, j’ai demandé à Alexandre Arcady de me relater l’accrochage. Par souci de loyauté envers ses employeurs, Natacha Polony a, pour sa part, préféré s’abstenir de tout commentaire, se contentant d’observer que mon récit était, dans l’esprit sinon dans la lettre, conforme à ses souvenirs. Quant à Aymeric Caron, il n’a pas dû avoir eu le temps de répondre à mes messages sollicitant sa version, mais il est le bienvenu s’il souhaite amender celle-ci. Du reste, il me remerciera certainement, car il doit être du genre à assumer ses opinions. Même pas peur. D’ailleurs, de quoi aurait-il peur : s’il était dangereux de dire des âneries, il le saurait.
Polony ouvre le feu. Après quelques amabilités sur le film, elle regrette que le parti choisi par le cinéaste, raconter le drame du seul point de vue de la victime et de sa famille, l’empêche de montrer ce que cette terrible affaire dit de notre société. Il aurait fallu s’intéresser aussi aux motivations des membres du gang des Barbares, précise-t-elle. Elle veut parler de ce mélange de haine des Juifs et d’appât du gain qui a tué Ilan Halimi et qui fait des ravages dans la jeunesse des banlieues, bien au-delà de ces sinistres branquignols du crime. Le cinéaste ayant évoqué la souffrance de « la Communauté », elle ajoute que cette affaire ne doit pas être seulement celle des Juifs. Je l’avoue, l’insistance de certains milieux juifs à imputer ce crime odieux à la seule passion antisémite à l’exclusion de toute autre affect mauvais et, dans la foulée, à faire de Ilan Halimi le « mort des Juifs », m’a souvent mise mal à l’aise. En tout cas, Polony a raison : l’antisémitisme n’est pas le problème des Juifs.
Passablement tendu, Arcady croit déceler dans les propos de la chroniqueuse la tentation de justifier l’injustifiable. Il s’énerve un peu. Aymeric Caron, lui aussi, a entendu de travers, mais par chance, il a entendu ce qu’il voulait entendre. Je suis en partie d’accord avec Natacha, il ne faut pas se focaliser sur l’antisémitisme, embraye-t-il ravi, au grand dam de l’intéressée. Puis, consultant ses fiches soigneusement préparées, il déplore, chiffres à l’appui, que le film passe sous silence les actes islamophobes qui ont bien plus augmenté que les actes antisémites. On ne voit pas bien le rapport. Veut-il dire qu’on en fait un peu trop pour une affaire certes terrible mais isolée, quand l’islamophobie est une réalité quotidienne ? On n’ose le penser, mais Arcady en est convaincu. Le ton monte. Le cinéaste remarque fort justement qu’il n’y a plus un seul élève juif dans les écoles publiques de Seine Saint Denis. À quoi notre Jean Moulin d’opérette répond qu’il est contre tous les racismes. Tant d’audace laisse coi. Polony reprend la parole, évoque Les Territoires perdus de la République, rappelant qu’il a fallu des années pour qu’on accepte de regarder en face la réalité du « nouvel antisémitisme », en clair l’antisémitisme arabo-musulman, devenu une opinion, et une opinion courante, dans une proportion inconnue de la jeunesse des banlieues.
Arcady ne sait plus comment la discussion en arrive à Merah. Si on interrogeait Merah, déclare alors Caron, il dirait qu’il a tué des enfants juifs parce que l’armée israélienne tue des enfants palestiniens. Bien sûr, ça ne justifie rien, mais tout de même, c’est vrai que Tsahal tue des enfants. D’ailleurs, là encore, il a les chiffres. Sous le regard médusé des invités, il brandit ses notes, puisées dans le rapport d’une ONG. J’ai les chiffres ! Qu’est-ce que vous répondez à ça ? Arcady s’étrangle. Vous osez dire que l’armée israélienne tue des enfants !, hurle-t-il. Réponse un peu maladroite car la phrase de Caron est factuellement exacte, mais tout le monde a compris. En particulier Polony, qui demande à son partenaire s’il n’a pas perdu la tête. Tu viens à une émission sur Ilan Halimi avec des données sur les Palestiniens tués par l’armée israélienne, est-ce que tu te rends compte de ce que tu fais ?
Attention, tout cela ne fait nullement de Caron un antisémite – et là, il ne s’agit pas d’une antiphrase. Espérons que nul n’aura la sottise de proférer cette accusation mensongère qui lui permettrait de jouer les offensés avec les trémolos d’usage. Caron n’est pas antisémite, il est juste l’un des meilleurs représentants de ce qu’Orwell appelait l’esprit de gramophone. Il pense ce qu’on lui a dit qu’il fallait penser pour avoir le chic radical.
Laurent Ruquier, quant à lui, n’a rien vu venir. On ne saurait le lui reprocher, quand ça part en vrille, on n’y peut rien. Pour calmer le jeu, il passe la parole aux autres invités. À l’écran, on les verra rivaliser dans le bon sentiment et communier dans leur admiration pour 24 jours, un film qui devrait être obligatoire dans les écoles. Tous déclarent fermement être contre le racisme, l’antisémitisme et le nazisme, sans oublier l’homophobie qui tue, elle aussi. Tous le proclament solennellement, les heures les plus noires ne doivent pas revenir. Ouf, on peut enfin aller se coucher.
Publié le 28 avril 2014 à 5:00 dans Médias Société
Elisabeth Lévy est fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur.
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“ON N’EST PAS COUCHÉ” : UN ACCROCHAGE ENTRE AYMERIC CARON ET ALEXANDRE ARCADY COUPÉ AU MONTAGE
Invité de RMC, Alexandre Arcady a confirmé qu’un accrochage avec le polémiste Aymeric Caron avait été coupé au montage.
Que s’est-il passé sur le plateau d’”On n’est pas couché” lors de l’enregistrement vendredi dernier ? Ce matin, le site Causeur.fr rapportait un incident coupé au montage entre le polémiste Aymeric Caron et Alexandre Arcady, réalisateur du film “24 jours” sur l’affaire Ilan Halimi. “Consultant ses fiches soigneusement préparées, il déplore, chiffres à l’appui, que le film passe sous silence les actes islamophobes qui ont bien plus augmenté que les actes antisémites. On ne voit pas bien le rapport. Veut-il dire qu’on en fait un peu trop pour une affaire certes terrible mais isolée, quand l’islamophobie est une réalité quotidienne ? On n’ose le penser, mais Arcady en est convaincu. Le ton monte” rapporte Causeur. Le site affirme aussi que le débat s’est poursuivi sur l’affaire Merah et qu’Aymeric Caron a brandi des chiffres à propos des conflits israélo-palestiniens “sous le regard médusé des invités”.
“J’ai été estomaqué”
Invité ce midi des “Grandes Gueules” de RMC, Alexandre Arcady a confirmé la version de Causeur. “Accroché, le mot est un petit peu faible. Je vais dire que j’ai été tellement estomaqué – et je n’étais pas le seul puisqu’on s’est rendu compte (qu’il) apportait comme ça des espèces de vérités épouvantables. On pouvait comprendre que, parce que des soldats israéliens tuaient les enfants palestiniens… Imaginons déjà comment cette phrase peut être terriblement provocatrice” a expliqué le réalisateur, pointant du doigt l’intervention “préparée” d’Aymeric Caron et ses chiffres.
Puis, le discours a bel et bien dérivé sur l’affaire Mohammed Merah. “Je lui faisais remarquer quand même que le président de Palestine avait fait une déclaration très claire à destination des Français en leur disant ’Ecoutez, les affaires palestiniennes et israéliennes sont nos affaires et je vous demande de ne pas vous en occuper’. Parce qu’à la suite de cette tuerie à Toulouse, c’était insupportable. Et je lui ai fait remarquer qu’il n’avait pas beaucoup été repris dans les médias et que c’était quand même un appel au calme et de ne pas mêler les choses. Mais la chose la plus extravagante, c’est qu’on parle d’un crime antisémite en France, d’un jeune Français, et que ce monsieur vient avec des affirmations d’un antisionisme et d’un anti-Israël d’une façon tellement caricaturale” s’est offusqué Alexandre Arcady.
“Ce sont des raccourcis absolument abjects”
“Je pense que ce sont des raccourcis qui font mal et qui peuvent perturber beaucoup les esprits. (…) C’est de la désinformation parce que ce sont des raccourcis absolument abjects” a-t-il jugé sur RMC. Et le réalisateur a par ailleurs confirmé avoir été mis au courant de la suppression de la séquence. “La production est venue me voir à l’issue de l’enregistrement, avec le réalisateur, et ils m’ont dit qu’ils allaient couper la séquence, qu’elle était insupportable. Ils ne se sont pas auto-censurés, ils ont considéré avec justesse qu’il ne fallait pas lancer ce type d’anathème qui n’avait rien à faire dans ce débat” a-t-il confié, jugeant que “ça ne méritait pas d’être diffusé”. Malgré cette décision, Alexandre Arcady “ne croit pas” que la production ait voulu protéger Aymeric Caron mais plutôt le public.