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LES JESUITES (suite), leur activité de loups ravisseurs. La Réforme en Suisse et les réfugiés réformés (1ère partie)

By 26 février 2015Lève-toi !

 

Placée au cœur même de l’Europe civilisée entre les grandes puissances catholiques et protestantes, l’Italie et l’Allemagne, l’Autriche et la France, préparée par la diversité des langues à accueillir toutes les idées nouvelles, la Suisse ne pouvait échapper au mouvement des esprits qui bouleversa au XVIe siècle le monde chrétien ni aux luttes religieuses qui en furent la conséquence. Hospitalière par vocation, elle devint dès cette époque le refuge des proscrits et des persécutés. C’est par milliers qu’elle accueillit ou vit passer les réformés venus de France et d’Italie. Les uns y trouvèrent une seconde patrie et la liberté de conscience qu’ils revendiquaient vainement dans leur pays, les autres le réconfort qui leur permit de poursuivre leur douloureux pèlerinage vers de nouveaux foyers. Aussi bien parmi ces réfugiés que parmi les protestants indigènes se trouvaient quelques-uns des esprits les plus éminents qu’ait produits la Réforme, en sorte qu’il est impossible de se faire de celle-ci une idée tant soit peu complète sans accorder à la Suisse une place spéciale.

Si les luttes religieuses n’y eurent pas le caractère d’acharnement et d’âpreté qu’elles prirent dans certains pays, grâce peut-être à un sentiment de solidarité déjà plus développé qu’ailleurs, elles divisèrent pourtant les cantons pendant de longues années. Les deux confessions eurent leurs héros et leurs martyrs ; comme la plupart des pays d’Europe, la contre-réforme tenta d’y reconquérir le terrain perdu par le catholicisme et ce ne fut que beaucoup plus tard que la Confédération put jouir en paix de la liberté des cultes.

La Réforme en Suisse eut deux centres principaux : Zurich et Genève, deux chefs : Zwingli et Calvin. Elle se répandit d’abord dans la Suisse allemande où les rapports avec les pays germaniques étaient plus nombreux. Précédant même Luther en Allemagne, Zwingli s’élevait contre les abus de l’Église catholique. Il devint bientôt dans la Suisse allemande l’âme du mouvement protestant.

Il était né à Wildhaus, dans le Haut-Toggenbourg, le 1er janvier 1485. Fils d’une famille aisée (son père était maire de la commune), il se distingua de bonne heure par sa rare intelligence et son goût pour l’étude. Il reçut ses premières leçons d’un oncle curé de Wesen. Lorsqu’il eut atteint sa dixième année, on l’envoya à Bâle, puis à Berne. Les dominicains essayèrent de le faire entrer dans leur ordre. Son père, pour le soustraire à leur influence, lui fit continuer ses études à Vienne (1499). Il s’y lia avec plusieurs jeunes gens qui devaient jouer dans la Réforme suisse un rôle plus ou moins important. Il y fit, entre autres, la connaissance de Faber qui fut plus tard l’un des plus ardents adversaires de la Réforme. Il revient à Wildhaus en 1502, d’où il se rendit à Bâle. Tout en continuant ses études à l’université, il enseigna le latin au collège Saint-Martin. Thomas Wittenbach, qui vint à Bâle en 1505, donna à ses études une forte impulsion. Après avoir passé en 1506 ses derniers examens, il fut nommé curé de Glaris.

Ses occupations pastorales ne l’empêchèrent pas de poursuivre ses études. Il acquit une connaissance approfondie du grec. Il entretenait en même temps une correspondance suivie avec les savants de l’époque (Glaréan, Vadian, Érasme).

En 1512, il suivit en qualité d’aumônier les troupes de Glaris qui combattaient à Paris du côté du pape. Il les accompagna également dans les plaines de Marignan. Témoin de la défaite de ses compatriotes, il saisit l’épée et prit part lui-même au combat. C’est au cours de cette campagne qu’il se rendit compte des excès qu’entraînaient les guerres et de la dépravation des mœurs qui en étaient la conséquence. On n’est pas surpris de le voir plus tard s’élever contre le service mercenaire et condamner les subsides et les pensions payés par les princes étrangers. De retour en Suisse, il se remit à étudier la Bible et découvrit que le texte avait été altéré et que nombre de cérémonies instituées par l’Église ne remontaient pas aux temps apostoliques.

C’est vers cette époque (1516) qu’il fut appelé comme chapelain à Einsiedeln, célèbre par ses pèlerinages. Le spectacle de la superstition lui fit mieux comprendre la nécessité d’une réforme de l’Eglise. D’accord avec plusieurs collègues, il fit enlever les reliques à la vénération des pèlerins et condamna du haut de la chaire les errements d’une dévotion mal comprise.

À la fin de l’année 1518, il fut nommé prédicateur à la cathédrale de Zurich et, le 1er janvier de l’année suivante, il y prononçait son premier sermon. Il exerça dès lors sur la classe cultivée de cette ville une profonde influence. Lors de la peste de 1519, Zwingli, qui se trouvait aux bains de Pfaeffers, accourut à Zurich et se dévoua au soin des malades. Atteint lui-même, après avoir vu disparaître plusieurs de ses amis et parents, entre autres son propre frère, il faillit mourir et ne put reprendre ses fonctions qu’après plusieurs mois.

Au début de sa prédication, Zwingli ne se sépara pas de Rome. Il faisait de la Bible le fond de sa doctrine, montrant que la vraie religion doit se manifester moins par le culte extérieur que par les sentiments du cœur et dans la conduite de la vie. Il ne s’en élevait que plus hautement contre les abus. Il condamna en particulier la vente des indulgences que pratiquait avec impudence le moine Samson (1519). Celui-ci fut rappelé par le pape. Sous son influence, le canton de Zurich interdit, en 1521, sous peine de mort, le recrutement de soldats pour le service étranger.

Les œuvres de Luther l’encouragèrent dans la foi où il s’était engagé. Il substitua à l’ancien bréviaire une liturgie plus simple. Le Conseil de Zurich,, s’inspirant de sa doctrine, ordonna au prédicateur de ne s’appuyer que sur la Bible.

Il espérait pourtant que la réforme pourrait s’opérer à l’intérieur de l’Église catholique. En 1521, il publie en latin un « Avis de quelqu’un qui désire de tout cœur maintenir le pape et la paix dans la chrétienté ».

L’année suivante, l’évêque de Constance lança un mandement où il condamnait les nouvelles doctrines. En même temps, la diète fédérale invitait les cantons à prendre des mesures contre les novateurs. Bien qu’il ne fût pas personnellement nommé, Zwingli comprit que ce mouvement était dirigé contre lui. Il prit son parti et écrivit à l’évêque de Constance et aux cantons pour leur exposer son point de vue. Il réclamait entre autres choses l’abolition du célibat ecclésiastique. Donnant l’exemple, il épousa Anna Reinhard qui devint sa fidèle compagne dans les épreuves qui l’attendaient. Sur sa demande, le Conseil de Zurich invita les divers cantons de la Suisse à une discussion. Celle-ci eut lieu à Zurich, le 29 janvier 1523, et réunit environ 600 personnes. Elle se termina à l’avantage de Zwingli. Le Conseil déclara que son prédicateur n’avait rien enseigné qui ne fut conforme à la Sainte Écriture. Il prit une série de mesures de réforme. En 1525, la messe fut définitivement abolie. Les communautés monastiques furent supprimées. Les revenus en furent affectés au traitement des professeurs d’une université que Zwingli venait d’organiser. La Réforme était définitivement introduite dans le canton de Zurich.

Zwingli eut bientôt à lutter contre les anabaptistes qui réclamaient le renouvellement du baptême à l’âge de raison. Les paysans prirent part au mouvement, demandant la suppression des impôts. Le gouvernement sévit avec rigueur, mais, sur l’intervention de Zwingli, il accorda quelques allégements aux populations des campagnes.

En vue d’empêcher la propagation de la Réforme, les catholiques, à la tête desquels se trouvaient Eck, chancelier d’Ingolstadt, et Jean Faber, grand vicaire de l’évêque de Constance, proposèrent un colloque. Celui-ci eut lieu à Baden en mai 1526. Les principaux représentants du catholicisme y furent Jean Eck et le moine Thomas Murner. Le protestantisme était représenté par Oecolampade, l’ami de Zwingli. La majorité se déclara pour le catholicisme et il fut décidé que les prédicateurs qui abandonneraient la doctrine romaine seraient écartés de la chaire. Le canton de Zurich, craignant qu’on ne tendît un piège à son prédicateur, ne permit pas à Zwingli de s’y rendre. Ces craintes ne semblent que trop justifiées, car Oecolampade, qui avait d’abord invité son ami à prendre part à la discussion, lui écrivit peu après son arrivée : « Je remercie Dieu de ce que vous n’êtes pas ici. La tournure que prennent les affaires me fait voir clairement que si vous étiez venu, nous n’aurions échappé au bûcher ni l’un ni l’autre ».

La Réforme n’en fut pas moins maintenue à Zurich. Même elle s’étendit bientôt à d’autres cantons. Elle était prêchée à Berne par Berthold Haller. Un colloque y eut lieu en 1528, auquel Zwingli prit part. Le peuple se déclara pour la religion nouvelle. Jean Oecolampade, l’ami de Zwingli dont il a été question plus haut, originaire du Wurtemberg et disciple de Luther, la fit adopter à Bâle. Un ancien professeur à l’université de cette ville, Thomas Wittenbach, l’introduisit à Bienne. Bullinger, pasteur à Bremgarten, la répandit dans l’Argovie, le bourgmestre Vadian, Alain de Gigli, à Saint-Gall, Jean Commander dans les Grisons.

On pense bien que ce rapide développement ne fut pas sans inquiéter les catholiques. Les protestants avaient déjà la majorité dans le pays, mais non à la diète fédérale où ils ne représentaient que six cantons sur treize, aussi les catholiques en profitèrent-ils pour essayer d’entraver le mouvement de la Réforme. Des troubles s’étaient produits dès 1524 en Thurgovie où les réformés avaient brûlé le couvent d’Ettingen. Deux sous-baillis zurichois rendus responsables de l’émeute furent condamnés à mort par les catholiques. En 1528, l’huissier Wehrli, accusé d’avoir injurié les réformés zurichois, fut arrêté à Zurich et exécuté. Par mesure de représailles, les Schwytzois s’emparèrent l’année suivante du pasteur Jacob Kaiser et le firent périr sur le bûcher. Les querelles s’envenimaient. La question des baillages communs, où la diète voulait maintenir le catholicisme tandis que Zurich réclamait un plébiscite dans chaque paroisse, accentua les divergences. Les deux partis cherchèrent de l’appui : Zurich forma avec Constance la ligue de la Combourgeoisie chrétienne à laquelle s’allièrent bientôt Berlin, Bienne, Saint-Gall, Mulhouse, Bâle et Schaffhouse. Les cantons catholiques (Schwytz, Uri, Unterwald, Lucerne et Zoug) conclurent une alliance avec l’Autriche, ancien ennemi de la Confédération.

La lutte était inévitable. Les Zurichois, avec Zwingli, prirent les armes et marchèrent sur Kappel. Leurs adversaires allèrent à leur rencontre. Néanmoins, grâce à l’intervention des cantons neutres, cette première guerre de Kappel (1529) se termina sans combat. Par la première paix nationale, les cantons catholiques renoncèrent à leur alliance avec l’Autriche et l’on convint de laisser, dans les baillages communs, chaque paroisse libre de choisir la religion qui lui convenait.

La paix ne fut pas de longue durée. Le protestantisme continuait de progresser dans les baillages communs. Les Zurichois réclamaient la liberté de prédication aussi bien dans les cantons catholiques que dans les cantons protestants. Berne essayait d’éviter la guerre. Les cantons protestants décidèrent de fermer leurs marchés aux catholiques. Zwingli, que ceux-ci accusaient d’exciter les passions, voulut se sacrifier à la paix publique. En juillet 1531, il pria le Conseil de lui permettre de se retirer. Le Conseil lui donna l’ordre d’accompagner l’armée qui entrait en campagne. Il obéit. La rencontre eut lieu à Kappel, le 11 octobre 1532. Les Zurichois, inférieurs en nombre, furent complètement défaits et perdirent 500 hommes dont 26 magistrats et 25 ecclésiastiques. Zwingli fut au nombre des victimes en même temps que Jérôme Pontanus, docteur en théologie de Bâle. « Ils peuvent tuer le corps, dit-il avant de mourir, mais non l’âme. » Hans Schoenbrunner, ancien chanoine de Zurich, s’écria en le voyant : « O Zwingli ! Quelle que fût ta croyance, je sais que tu étais un loyal confédéré ». Les vainqueurs n’épargnèrent pas ses dépouilles. Son corps fut mis en pièces, brûlé, et ses cendres furent dispersées.

Une seconde défaite au mont Gonbel obligea les Zurichois à abandonner la lutte. La paix qui mit fin à cette seconde guerre de Kappel (1531) fut désastreuse pour les protestants. La Bourgeoisie chrétienne dut être dissoute.

L’œuvre de Zwingli n’en demeura pas moins. Elle fut reprise par Bullinger, son successeur à Zurich, qui rédigea plus tard la « Confession de foi helvétique » (1566) acceptée par toutes les églises réformées de la Suisse.

Zwingli fut le premier des réformateurs du XVIe siècle. Il n’a pas l’envergure de Luther, mais sa droiture, sa loyauté, son courage, non moins que sa mort tragique, lui gagnent la sympathie. Il fut un de ceux qui comprirent le mieux la signification et la portée de la Réforme et qui eurent le courage d’en déduire les conséquences. Après avoir rompu avec la hiérarchie catholique, il voulait restaurer le christianisme primitif, donner au culte une forme simple dont il écartait la superstition. Loin d’adopter la doctrine de la prédestination, il croyait au salut de tous les hommes de bonne volonté qui s’efforcent de vivre selon les lois de la raison. Il n’écartait pas du royaume des cieux les sages et les justes de l’Antiquité, un Socrate, un Aristide, un Caton.

Relativement à l’eucharistie, le pain et le vin ne sont pour lui que des symboles de la présence spirituelle du Sauveur. Ce fut pour lui l’occasion de nombreuses polémiques avec les autres réformateurs, notamment avec Luther. Le landgrave Philippe de Hesse avait essayé de les mettre d’accord en convoquant à Marbourg, en 1529, une conférence demeurée célèbre dans l’histoire du protestantisme. Après des entretiens et des discussions, on rédigea 14 articles relatifs aux points controversés ; ils furent signés par les principaux réformateurs, Luther, Zwingli, Mélanchton, Oecolampade ; mais on ne put s’entendre au sujet de l’eucharistie. Cependant, sur l’intervention du landgrave Philippe, on conclut une sorte de trêve par laquelle les réformateurs s’engageaient à se traiter avec ménagement.

Sur beaucoup de points, Zwingli devançait son époque ; il fut un précurseur et il n’est pas surprenant que sa doctrine ait été moins comprise que celle de ses contradicteurs. Luther et Calvin sont plus près de leurs contemporains, et purent par-là exercer une influence plus profonde. Le protestantisme n’en a pas moins évolué dans le sens de la doctrine du réformateur de Zurich qui occupe aujourd’hui l’une des premières places dans l’histoire de l’Église réformée.

 

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