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On peut rire,…ou pleurer.

By 4 septembre 2023ABSURDISTAN
PUBLIÉ PAR DRIEU GODEFRIDI LE 4 SEPTEMBRE 2023
L’Art & moi

Flânant l’autre jour dans les rues d’Anvers, je pénètre comme par inadvertance dans une petite galerie d’art d’aspect propet et coloré ; j’avoue que l’idée de me réchauffer, en ce mois d’août glacial, m’a traversé l’esprit.

Croûte après croûte, sur de grands murs blancs, je déambule, conscient que c’est mon esprit déficient qui ne voit que de la croûte là où se niche l’art, accessible à des esprits plus éveillés que le mien.

Coutumier du fait, je déambule, je médite. Je déambule, jusqu’à tomber le nez rougi par le froid sur une toile de deux mètres sur 75cm environ, représentant quelque chose. Quoi, avec la meilleure volonté du monde, je ne pourrais le dire, mais visiblement quelque chose vu qu’il y a des couleurs, de la peinture solidifiée et des objets et du papier collés.

CONTENU PROMU

Je me penche respectueusement vers la droite, et j’aperçois une référence : 32442. Comme l’une des responsables de ce Lieu passe à ma portée, j’ose lui demander ce qu’est la signification de cette combinaison. Un aimable dialogue s’engage :

Le prix, Monsieur.

Bref frisson, de froid ou de stupeur, je ne saurais le dire, mais je parviens à articuler :

Le prix ? En euros ?

Respiration profonde de type yoga par mon interlocutrice, qui s’arme manifestement de patience face à un Béotien :

Oui, en euros, Monsieur. Nous sommes en Europe. La monnaie est l’euro.

M’éveillant progressivement de l’engourdissement provoqué par le froid polaire auquel je viens d’échapper, j’ose :

32442 euros. Et si je vous offrais 32400 euros ?

Nous sommes contre l’économie marchande, Monsieur. L’avenir sera vert et solidaire, ou ne sera pas.

C’est-à-dire ?

On ne marchande pas, Monsieur.

Je m’enhardis :

­Vous ne trouvez pas cela un peu cher ?

L’art n’a pas de prix, Monsieur. Cet artiste s’inscrit expressément dans une dimension post-capitaliste. Peut-être le connaissez-vous ? Il s’agit de Sandro Van Proufischtendael, artiste flamand d’origine sicilienne qui crée actuellement au Venezuela, signe de son engagement anticapitaliste.

Vous n’aimez pas le capitalisme ?

Elle me regarde comme un croisement de Adolf Hitler et du dépeceur de Charleroi :

Le capitalisme a détruit la Planète, Monsieur. L’avenir sert vert et solidaire, ou ne sera pas. ‘Post-nuke_post-$’ est d’ailleurs le thème de notre exposition.

C’est formidable. Connaissez-vous le prix d’une brique de lait ?

Pardon ?!

Connaissez-vous le prix d’une brique de lait ?

—…

Non mais si je vous demande cela — n’y voyez surtout aucune hostilité ! — c’est parce que 32442 euros pour cette merveille c’est plus que 90% des gens ne sont capables de payer et qu’il paraît soutenable que non seulement ce prix est fort capitaliste en effet, mais qu’il incarne, d’une certaine façon, une forme de dégénérescence d’un sous-produit du capitalisme en mode pathologique.

Mon interlocutrice écarquille les yeux, si fort que je m’apprête à récolter ses globes oculaires :

J’appelle mon responsable !!

M’abîmant quelques instants dans l’extase de cette lumière cristallisée, je recherche sincèrement le logos divin qui hante ces projections, quand déboule un énorme chauve qui doit peser dans les 200 kilos avec un seul petit carré de cheveux rasés au-dessus de l’oreille droite, mauves :

On insulte l’Art, Monsieur ?

Maître ! Vous n’y pensez pas ! Je serais incapable de survivre une seule journée sans me plonger dans la contemplation mystique de merveilles comme celles-ci ! Le petit débat avec votre aimable collaboratrice portait seulement sur l’un ou l’autre détail, très à la périphérie du sujet.

Le prix ?

Bêtement.

L’art a un prix, Monsieur. (S’échauffant) Vous ne voudriez quand même pas revenir au Moyen Âge, quand le seul statut auquel les artistes pouvaient prétendre était celui de bouffon ?!

Quelle horreur, quasiment du nazisme !

Pardon ? Je vais vous demander de sortir.

Vous êtes chez vous. Toutefois, j’aurais une dernière question, si vous le permettez ?

L’air excédé :

Oui ?!

Quel est le prix d’un pain ?

Wade ?

Quel est le prix d’un pain ?

Sa collaboratrice intervient :

Il m’a déjà demandé le prix d’une brique de lait !

Le mauve :

J’ai une tête de supermarché ?

Certes non. Dans un supermarché on achète des choses utiles, qui ont une vraie valeur.

Il devient tout rouge et, se tourant vers l’accueil, il hurle :

Sécuritéééééééééé !!!!

Et me revoilà dans le réchauffement cosmique d’un mois d’août anversois à 17°, profondément revigoré par cette rencontre avec l’Art post-capitaliste. Direction le zoo. L’autre.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Drieu Godefridi pour Dreuz.info.

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Lève-toi ! / Etz Be-Tzion
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