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Un peuplement chiite pour encercler Israël © JForum.fr

By 23 janvier 2017mai 13th, 2020Israël & Moyen Orient

Dans les vallées entre Damas et le Liban, où des communautés entières ont été décimées par la guerre, pour la première fois depuis le début du conflit, les populations civiles commencent à revenir. Mais celles qui s’installent ne sont pas les mêmes que celles qui ont fui au cours des six dernières années.

Les nouveaux arrivants sont de confession différente que les familles musulmanes majoritairement sunnites qui y habitaient autrefois. Ils sont, selon ceux qui les ont envoyés, l’avant-garde d’un mouvement de repeuplement de la zone, avec des musulmans chiites, qui ne proviennent pas seulement d’autres régions de Syrie, mais aussi du Liban et d’Irak.

Les échanges de population sont au cœur d’un vaste plan iranien visant à apporter des changements démographiques dans certaines parties de la Syrie. Il s’agit de redessiner le pays en créant des zones d’influence favorables au bailleur de fond principal de Bashar al-Assad, à savoir Téhéran. Pour ce faire, de nouvelles populations chiites sont implantées en Syrie, que l’Iran sait pouvoir les contrôler et les manipuler à sa guise, afin de promouvoir ses  intérêts. Au jour d’aujourd’hui l‘Iran intensifie ses efforts dans ce sens et poursuit des objectifs très différents de ceux de la Russie, l’autre principal soutien d’Assad.

La Russie, qui a noué une alliance avec la Turquie, a obtenu un cessez-le-feu afin de pousser le régime d’Assad et l’opposition exilée à conclure un compromis politique. L’Iran, de son côté, a commencé à mettre en œuvre un projet qui vise à profondément modifier le paysage social de la Syrie, en renforçant le fief du Hezbollah au nord-est du Liban, de façon à consolider l’influence de Téhéran à la frontière nord d’Israël.

« L’Iran et le régime ne veulent pas de sunnites entre Damas et Homs et la frontière libanaise », a déclaré un haut dirigeant libanais. « Cela représente un changement historique de population. »

Les villes rebelles clé visées par l’Iran sont Zabadani et Madaya, là où les Damascènes se rendaient en villégiature avant la guerre. Depuis mi-2015, leur sort a fait l’objet de négociations prolongées entre hauts responsables iraniens et membres d’Ahrar al-Sham, le groupe d’opposition anti-Assad dominant dans la région, et l’un des plus puissants en Syrie.

Les pourparlers à Istanbul se sont centrés sur un échange de résidents de deux villages chiites à l’ouest d’Alep, Fua et Kefraya, qui ont été le théâtre d’âpres combats, au cours de ces trois dernières années. Des groupes d’opposition, dont les jihadistes, avaient assiégé les deux villages tout au long du siège d’Alep, essayant de les rattacher à la moitié orientale autrefois rebelle de la ville.

Le changement de terres contre populations, selon ses architectes, devait être un test décisif pour des déplacements de population plus importants, sur le flanc méridional de Damas et dans le centre alaouite du nord-ouest de la Syrie, d’où Assad tire une grande partie de son soutien.

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Labib al-Nahas, le chef des relations extérieures d’Ahrar al-Sham, qui a mené les négociations à Istanbul, a déclaré que Téhéran cherchait à créer des zones qu’il pourrait contrôler. « L’Iran est très près de réussir à faire un échange complet de populations entre le nord et le sud afin de créer une hégémonie de population au Liban. La ségrégation sectaire est au cœur du projet iranien en Syrie. Ils recherchent des zones géographiques qu’ils veulent dominer et influencer pleinement. Cela aura des répercussions sur toute la région ».

« [Les sièges de] Madaya et Zabadani faisaient partie du projet. Ce sont des villes clé pour empêcher l’opposition de reprendre Fua et Kefraya, qui ont des populations exclusives chiites. Le Hezbollah considère cette zone comme une zone tampon de sécurité et une extension naturelle des territoires sous son influence au Liban. Le Hezbollah chiite a reçu des ordres très clairs en ce sens émanant de la plus haute autorité  religieuse iranienne les exhortant à défendre ces villes à tout prix.

L’Iran a été particulièrement actif autour de ces quatre villes par l’intermédiaire de son vassal, le Hezbollah. Le groupe terroriste qui occupe déjà une place prépondérante sur le littoral situé entre la vallée de la Bekaa au Liban et la périphérie de Damas, a assiégé Madaya et Zabadani afin de renforcer la capitale syrienne.

Wadi Barada au nord-ouest, où les combats sont en cours, en violation avec le cessez-le-feu négocié par la Russie, font également partie de la stratégie iranienne, ont confirmé des sources au sein du mouvement libanais.

Ailleurs en Syrie, les échanges démographiques redéfinissent également le tissu géopolitique des communautés qui, avant la guerre, coexistaient depuis des siècles. À Darayya, au sud-ouest de Damas, plus de 300 familles chiites irakiennes ont déménagé dans des quartiers abandonnés par les rebelles en août dernier, dans le cadre d’un accord de reddition. Jusqu’à 700 combattants rebelles ont été transférés dans la province d’Idlib et les médias d’Etat ont annoncé l’arrivée d’Irakiens pour les remplacer.

The Sayeda Zainab mosque

Les sanctuaires chiites de Darayya et de Damas ont été une raison d’être de la présence du Hezbollah et d’autres groupes chiites soutenus par les Iraniens. La mosquée de Sayeda Zainab sur le flanc occidental de la capitale a été fortement fortifiée par le Hezbollah et peuplée par les familles du groupe militant, qui ont déménagé pour y résider déjà fin 2012. Téhéran a également acheté un grand nombre de maisons près de la mosquée Zainab et un terrain, qu’il utilise pour créer une zone tampon de sécurité, un petit exemple de qui entre dans le cadre de son vaste projet.

Abu Mazen Darkoush, un ancien commandant de l’Armée Libre syrienne qui a fui Zabadani pour Wadi Barada, a déclaré que le plus grand sanctuaire islamique de Damas, la mosquée des Omeyyades, était aussi une zone de sécurité contrôlée par des mandataires iraniens. « Il y a beaucoup de chiites qui ont été amenés dans la zone autour de la mosquée. C’est une région sunnite, mais ils prévoient qu’elle soit sécurisée par les chiites, puis encerclée par eux.

Les hauts fonctionnaires du Liban voisin pensent avoir remarqué que les bureaux d’enregistrement du foncier et du cadastre, dans les régions syriennes récupérées au nom du régime, ont été systématiquement incendiés. La disparation des documents officiels, rendra la tâche difficile voire impossible aux résidents qui voudront prouver leur propriété sur leur habitation. Des bureaux ont été incendiés à Zabadani, Darayya, quatrième ville de Syrie, Homs, et Qusayr à la frontière libanaise, qui a été saisi par le Hezbollah au début de 2013.

Darkoush a dit que des quartiers entiers avaient été nettoyés de leurs habitants originaux à Homs, et que beaucoup de résidents n’avaient pas été autorisés à retourner dans leurs maisons, les fonctionnaires leur disant qu’il n’y avait aucune preuve stipulant qu’ils avaient effectivement vécu là.

« La première étape du plan a été réalisée », a-t-il déclaré. «Il s’agissait d’expulser les habitants de ces régions et de brûler tout ce qui les relie à leurs terres et à leurs maisons. La deuxième étape consistera à remplacer les premiers habitants par des nouveaux venus d’Irak et du Liban. « 

A Zabadani, Amir Berhan, directeur de l’hôpital de la ville, a déclaré:  » Ici, ce projet de remplacement de population, a commencé en 2012, mais a augmenté de façon spectaculaire en 2015. Maintenant, la plupart de nos populations ont déjà été emmenées à Idlib. Il y a un plan clair et évident pour empêcher les sunnites de reprendre pied dans les régions situées entre Damas et Homs. Ils ont brûlé leurs maisons et leurs champs. Ils disent aux gens ‘cet endroit n’est plus à vous’.

« Cela conduit à la fragmentation des familles. Le concept de vie familiale et les liens avec la terre sont dissous par toute cette déportation et l’exil. Il démantèle la société syrienne.

L’enjeu dans la Syrie d’après-guerre, n’est plus qui combat qui et où, mais qui va vivre où. Une nouvelle identité est également à revoir, puisqu’elle est au centre de ce qui défini le caractère national des individus.

« Il ne s’agit pas seulement de modifier l’équilibre démographique », a déclaré Labib al-Nahas. « Cela modifie l’équilibre des courants d’influence dans tous les domaines et dans toute la Syrie. Des communautés entières seront vulnérabilisées. La guerre avec l’Iran devient une guerre d’identité. Ils veulent un pays à leur ressemblance, au service de leurs intérêts. C’est intolérable. « 

Reportage additionnel de Suzan Haidamous

Martin Shulov

The guardian – adaptation JFORUM

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