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Une mosaïque d’un récit peu connu de l’Exode découverte en Galilée

By 6 juillet 2019mai 13th, 2020Israël & Moyen Orient

Deux scènes bibliques récemment découvertes sur des mosaïques d’une synagogue du 5e siècle révèlent une inquiétude face à la fin des temps – et peut-être un esprit rebelle

  • Détail d'une mosaïque représentant le récit biblique d'Elim, dans le livre de l'Exode, 15:27, découverte en 2019 durant des fouilles dans une synagogue de 1600 ans à Huqoq, un travail dirigé par la professeure de l'UNC-Chapel Hill Jodi Magness (Crédit : Jim Haberman, Autorisation : UNC-Chapel Hill)
    Détail d’une mosaïque représentant le récit biblique d’Elim, dans le livre de l’Exode, 15:27, découverte en 2019 durant des fouilles dans une synagogue de 1600 ans à Huqoq, un travail dirigé par la professeure de l’UNC-Chapel Hill Jodi Magness (Crédit : Jim Haberman, Autorisation : UNC-Chapel Hill)

Deux nouvelles mosaïques bibliques en technicolor ont été découvertes récemment dans une synagogue vieille de 1600 ans dans la ville de Huqoq, en Galilée, rejoignant une collection croissante d’oeuvres d’art, a annoncé la professeure Jodi Magness de l’université de Caroline du nord (UNC)-Chapel Hill dans la journée de lundi.

Sur ces mosaïques, la toute première représentation artistique connue à ce jour du récit intimiste de l’Exode à Elim et un portrait partiellement préservé des quatre bêtes grotesques présentées dans le livre de Daniel, signalant la fin des Temps.

Si les images de ces créatures n’ont pas encore été transmises aux médias, le détail d’une mosaïque reconstituant l’histoire d’Elim a été autorisé à la publication.

« Nous avons découvert la toute première représentation de l’histoire d’Elim jamais trouvée dans des oeuvres d’art antiques », s’exclame Magness.

Ces deux nouvelles mosaïques font partie d’un ensemble toujours croissant d’oeuvres d’art entremêlant le laïc et le sacré, formées de pierres colorées ou de tesselles que Magness, son assistant Shua Kisilevitz et une équipe d’archéologues et de bénévoles ont sorti de l’oubli depuis 2012.

L’équipe de 2019 dévolue aux fouilles continues à Huqoq, dirigée par la professeure de l’UNC-Chapel Hill Prof. Jodi Magness (à l’extrême-gauche, assise) (Crédit : Jim Haberman, Autorisation : UNC-Chapel Hill)

Jusqu’à présent, les scènes bibliques avaient représenté des histoires bien connues : Jonas et son grand poisson, la construction de la tour de Babel, les premiers espions à Canaan, l’arche de Noé, les soldats de pharaon balayés dans la mer Rouge et dévorés par des douzaines de poissons.

Dans le cadre extra-biblique, sur le sol de la synagogue, figure une myriade de sujets laïcs, avec notamment un zodiaque et le portrait de ce qui semble être la toute première scène purement historique dans un lieu de culte juif.

Et maintenant, rejoignant les plus grandes réussites des récits bibliques, un narratif bref décrivant une oasis découverte à Elim et décrite dans le livre de l’Exode, 15:27.

Un message carrelé subliminal ?

L’histoire d’Elim – largement négligée jusqu’à aujourd’hui dans l’art juif – survient peu après la fuite de l’Egypte des Israélites mais avant leur longue errance dans le désert.

Elim est décrite comme une oasis, dotée de 12 sources d’eau et de 70 dattiers. Après un court séjour à Marah (là où l’eau amère devient miraculeusement douce), le site d’Elim aurait offert un répit bienvenu.

La mosaïque découverte à Huqoq est divisée en trois bandes – ou registres – horizontaux, explique Magness.

Détail d’une mosaïque représentant le récit biblique d’Elim, dans le livre de l’Exode, 15:27, découverte en 2019 durant des fouilles dans une synagogue de 1600 ans à Huqoq, un travail dirigé par la professeure de l’UNC-Chapel Hill Jodi Magness (Crédit : Jim Haberman, Autorisation : UNC-Chapel Hill)

« Nous voyons des grappes de dattes récoltées par des ouvriers agricoles masculins qui portent des pagnes et qui font glisser les dattes sur des cordes tenues par d’autres hommes. La bande du milieu montre des puits entreposés entre les palmiers », explique-t-elle.

« Sur la gauche de la mosaïque, il y a un homme portant une tunique courte porte une jarre d’eau qui entre par la porte entourée d’une arche d’une ville, flanquée de tours crénelées », ajoute-t-elle.

L’identification d’Elim dans la mosaïque est confirmée par une inscription écrite au-dessus de la porte : « Et ils vinrent à Elim ».

Cette oeuvre est intéressante pour Magness dans la mesure où Elim est généralement considéré comme un épisode mineur dans l’errance des Israélites dans le désert – « Ce qui soulève la question de la raison pour laquelle la représentation de cet épisode était significative pour cette congrégation juive de Basse-Galilée », dit-elle.

Selon un commentaire biblique écrit par le spécialiste rabbinique français Rashi (Shlomo Yitzchaki, 1040-1105), qui avait cité des sources rabbiniques précédentes, les 12 sources d’eau correspondaient aux 12 tribus d’Israël et les 70 palmiers représentaient les 70 anciens.

Une mosaïque représentant le prophète Jonas avalé par une baleine, dans la synagogue de Huqoq. (Crédit :Jim Haberman)

Alors que la synagogue aurait été construite au début du cinquième siècle, est-ce que cette mosaïque, assemblée à la même période, pourrait être un message subliminal renvoyant à la puissance déclinante du Grand Sanhédrin qui avait été démantelé par l’empire Byzantin en l’an 425 de l’ère commune ?

Magness explique au Times of Israel ne pas rejeter cette hypothèse, soulignant toutefois que les spécialistes Raanan Boustan et Karen Britt doivent néanmoins terminer leur travail de recherche sur le sujet et publier leurs conclusions.

Créatures de la fin des temps

Une deuxième mosaïque surprenante a été trouvée dans l’aile nord de la synagogue, avec des représentations des bêtes décrites dans le chapitre 7 du livre de Daniel.

Le prophète, retenu en captivité à Babylone, utilisait ces créatures pour représenter les quatre royaumes menant à la fin des temps, dit Magness.

L’identification des animaux a été confirmée par une inscription fragmentaire, rédigée en Araméen, en référence à la première bête : Un lion aux ailes d’aigle.

« Le lion lui-même n’a pas été préservé, ni la troisième créature », dit-elle.

« Mais la deuxième figurant dans le livre de Daniel, 7:4 – un ours avec trois côtes sortant de sa bouche – est encore là. Et c’est aussi le cas du quatrième qui est décrit dans le Livre de Daniel comme ayant des dents de fer », ajoute Magness.

Pour Magness, l’inclusion dans la synagogue des représentations qui viennent d’être découvertes permet de s’interroger sur ce qu’elles pouvaient signifier pour les résidents de Huqoq à cette époque-là.

Une mosaïque représentant la tour de Babylone, dans la synagogue de Huqoq. (Crédit :Jim Haberman)

« Le panneau sur Daniel est intéressant parce qu’il se penche sur les attentes eschatologiques – de fin du monde – de la congrégation », note-t-elle.

De précédentes fouilles réalisées à Huqoq ont amené Magness à revoir ses conceptions antérieures sur la pratique du judaïsme à l’ère byzantine.

« Les mosaïques qui décorent le sol de la synagogue de Huqoq révolutionnent notre compréhension du judaïsme à cette période », avait dit Magness dans un communiqué de presse émis en 2018.

« L’art juif ancien est souvent considéré comme aniconique, ou manquant d’images. Mais ces mosaïques, pleines de couleurs et remplies de scènes réfléchies, attestent de l’existence d’une culture visuelle riche, ainsi que du dynamisme et de la diversité du judaïsme à la fin de la période romaine et à l’ère byzantine ».

Un trésor accidentel

Les fouilles réalisées par Magness dans cette synagogue du 5ème siècle installée dans le petit village antique de Huqoq, en Galilée, avaient été initialement motivées par le désir de mettre en suspens un débat vieux de plusieurs décennies parmi les spécialistes qui portait sur la datation des lieux de culte juifs anciens.

Une mosaïque représentant l’ouverture de la mer Rouge, dans la synagogue de Huqoq. (Crédit :Jim Haberman)

En 2011, la synagogue byzantine – qui avait été relativement peu touchée et bien préservée – avait été découverte sous les décombres du village arabe moderne de Yakuk, qui avait été construit sur le site jusqu’au moment où il avait été détruit par un incendie volontaire en 1948.

Magness avait expliqué dans une interview accordée au Times of Israel que son objectif était de pouvoir faire ses propres fouilles dans une synagogue qui n’avait pas été touchée précédemment et d’analyser méthodiquement les artéfacts trouvés pour établir une chronologie solide.

« Mon espoir était de trouver la structure et de la dater en fonction des matériaux archéologiques présents sur le site », avait-elle dit.

Magness avait choisi de travailler sur le lieu de culte de Huqoq, avait-elle écrit dans un rapport BASOR, « pour établir clairement la chronologie des synagogues de type galiléen » – qui, pense-t-elle, datent du 4e siècle après l’ère commune et plus tard – « et sont donc contemporaines des synagogues de types transitionnel et byzantin ».

Au cours de la première année, son équipe avait trouvé des preuves attestant que la synagogue avait été édifiée au début du 5e siècle – ce qui a été ultérieurement confirmé par une analyse au carbone 14. La première mosaïque avait été trouvée durant la deuxième année des fouilles et d’autres ont encore été découvertes chaque année depuis.

En photo ici, une mosaïque découverte dans une synagogue de Huqoq représentant le mois de Teveth (Décembre-janvier) avec le signe du capricorne. (Crédit : Jim Haberman, via UNC Media Relations)

Selon Magness, en plus de la qualité artistique et de la beauté des mosaïques, ces dernières sont le témoignage historique des espoirs et des inquiétudes des Juifs qui vivaient en Galilée, il y a 1600 ans.

« Notre travail met en lumière une période où nos seules sources écrites, concernant le judaïsme, émanent des écrits rabbiniques des sages de cette période et des références présentes dans les premiers ouvrages de littérature chrétienne. La portée de la littérature rabbinique est énorme et diversifiée mais elle ne représente que le point de vue du groupe d’hommes qui l’a écrite », dit-elle.

Les travaux d’autres groupes juifs ont été égarés. Les rabbins auteurs d’écrits littéraires faisaient partie d’un groupe « d’élite », note-t-elle.

De la même manière, désireux de se différencier de leurs racines juives, les premiers chrétiens produisaient des écrits « généralement hostiles aux Juifs et au judaïsme », ajoute-t-elle.

« Et c’est ainsi que l’archéologie remplit ce vide en mettant en exergue les aspects du judaïsme entre le 4ème et le 6e siècle après l’ère commune – des aspects dont nous ignorerions tout, le cas échéant. Nos découvertes indiquent que le judaïsme a continué à être diversifié et dynamique bien après la destruction du Second temple de Jérusalem, en l’an 70 de l’ère commune », continue Magness.

L’archéologue souligne que toutes les mosaïques qui ont été trouvées ont été enlevées pour être préservées et que le site a été remblayé. Elle confirme également qu’une fouille est bien prévue au calendrier durant l’été 2020.

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